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PRESTON, RICHARD, ministre baptiste et abolitionniste, né en 1791 ou 1792 en Virginie ; le 16 août 1828, il épousa une prénommée Mary, veuve de « Cockney Bill » Maulibock ; décédé le 16 juillet 1861.

Le temple African de Halifax était rempli à craquer et ses corridors ne pouvaient contenir toute la foule, qui se répandait dans les rues voisines. Main dans la main, les personnes qui suivaient le cortège funèbre se balançaient et se dandinaient au rythme d’un vieux refrain. « L’évêque n’est plus » disait une voix triste. « Il a franchi les flots et atteint la gloire ; protège-le Jésus ! » prononçait une autre voix. « Un prince [...] un grand homme [...] est tombé en Israël » clamait le révérend Benson Smithers en faisant un pas en arrière comme le chœur reprenait son refrain. Et il continuait d’une voix étouffée : « Le fondateur de nos églises, le père Richard Preston, est mort. »

Quelque 45 ans auparavant, à bord d’un navire marchand, le jeune Richard avait entrevu pour la première fois la ville portuaire de Halifax. C’était un mulâtre mesurant six pieds un pouce et âgé d’environ 25 ans, qui avait été esclave en Virginie avant d’acheter son affranchissement. Les habitants de Halifax doivent avoir été intrigués par cet ancien esclave qui savait lire et écrire, qui avait une allure virile et qui était un orateur éloquent doué d’un sens de l’humour désarmant. Il avait pris la direction du Nord, vers la Nouvelle-Écosse, à la recherche de sa mère qui avait fui les États-Unis pendant la guerre de 1812 avec quelque 2 000 réfugiés noirs. Retrouver sa mère doit lui avoir paru une entreprise vouée à l’échec, mais il persévéra et, après de multiples démarches, au moment où il songeait à abandonner ses recherches, il la retrouva dans le canton de Preston. La joie des retrouvailles dura longtemps et Richard demeura avec sa mère jusqu’à ce qu’elle meure. Le fait d’avoir retrouvé sa mère et de pouvoir jouir d’un foyer en fit un homme déterminé. Richard prit le nom de Preston, comme s’il voulait fêter le bonheur et la sécurité dont la liberté l’avait gratifié. En Virginie, il avait prêché à ses compatriotes dans les plantations et, maintenant qu’il s’était fixé en Nouvelle-Écosse, il allait devenir un disciple de John Burton*, ancien missionnaire anglican qui était à cette époque le chef des baptistes de Halifax.

Comme les fidèles noirs de Burton n’étaient pas les bienvenus dans les autres Églises établies et que les Blancs refusaient les hommes de couleur, l’autorité de Burton sur la congrégation noire se trouva assurée, du moins au début. En 1821, Burton fit en sorte que Preston soit nommé premier délégué noir auprès de la Nova Scotia Baptist Association et, deux ans plus tard, il obtint que Preston soit officiellement autorisé à prêcher. Toutefois, pendant que Burton ne pensait qu’à s’élever dans la hiérarchie baptiste, Preston avait commencé à prendre conscience de la puissance politique de son groupe, et les deux hommes s’engagèrent graduellement sur la voie de l’affrontement. Dans une tentative visant à regrouper les congrégations noires sous son autorité, Preston fit appel dès 1824 aux sentiments fraternels qui cimentaient toute communauté née dans l’esclavage. L’écho de cette exhortation se répercuta de village en village et fut suivi de la présence autoritaire de Preston et de sa prédication. Peu à peu, il resserra son emprise. Il connaissait et comprenait l’histoire des Noirs, et sa vision de leur avenir collectif leur plaisait davantage. Face à cette situation, Burton perdit de plus en plus son ascendant sur les régions rurales. En ville, l’agitation au sein de l’église anglicane St Paul en 1824–1825 allait marquer l’affaiblissement de l’influence de Burton sur sa congrégation urbaine de race noire. Lorsque l’évêque John Inglis* nomma l’érudit Robert Willis* rector de St Paul, de préférence au populaire John Thomas Twining, de nombreux dissidents, dont Edmund Albern Crawley*, James William Johnston* et James Walton Nutting*, quittèrent l’évêque Inglis et se joignirent à Burton. Peu après, un des chefs des dissidents prit la parole dans le temple de Burton pour déclarer que son groupe souhaitait se débarrasser des Noirs de la congrégation. En dépit du désaveu de Burton qui n’avait aucunement l’intention d’évincer les Noirs, certains chefs noirs commencèrent à faire des plans pour préserver leur liberté de culte. À mesure que l’autorité de Burton faiblissait, la popularité de Preston grandissait.

Pour que Preston puisse célébrer des baptêmes, des mariages et des services funèbres, il fallait qu’il soit ordonné ministre et qu’il dispose d’un temple. Prince William Sport et John Hamilton, conseillers presbytéraux, recueillirent de l’argent afin de l’envoyer en Angleterre pour qu’il soit ordonné et qu’il trouve les fonds nécessaires à l’achat d’un terrain et à la construction d’un temple. Muni de documents qui l’identifiaient comme aspirant au ministère baptiste dans une petite église de Halifax, Preston débarqua à Liverpool le 15 février 1831.

À ce moment-là, la lutte pour l’abolition de l’esclavage battait son plein en Grande-Bretagne et les abolitionnistes faisaient des gains. Au milieu des débats éloquents d’hommes tels que William Wilberforce et Thomas Fowell Buxton, Preston perfectionnait ses propres talents oratoires. Il trouva aussi des appuis et des encouragements pour sa cause. Un comité de la West London Baptist Association lui facilita l’accès aux églises et aux congrégations, et Preston s’acquitta avec compétence de ses obligations. On a conservé les textes de quelques-unes de ses conférences sur l’esclavage et des sermons qu’il prononça. Le 28 juin 1832, le Novascotian, reproduisant le compte rendu d’un sermon fait à Londres et publié dans le Brighton Herald, nota : « le temple était bondé [...] Son débit est très agréable, et il montre beaucoup de clarté et de lucidité dans ses exposés. » Ordonné en mai par des ministres appartenant à la West London Baptist Association, Preston revint cet été-là en Nouvelle-Écosse avec en poche un peu plus de £600. Il n’oublia jamais la générosité des Britanniques à son égard et manifesta plus de maturité dans l’administration de la congrégation. En outre, la question de l’émancipation occupait dans son cœur une place plus grande que jamais.

Le temple African, situé rue Cornwallis, fut officiellement fondé le 14 avril 1832, pendant que Preston était en Angleterre. La construction commença peu après son retour et elle était presque terminée au printemps de 1833. Cependant, la congrégation avait besoin d’une aide financière supplémentaire pour parachever les travaux. Le 6 avril, Preston fit une demande à la chambre d’Assemblée. Celle-ci approuva une subvention de £25, mais le Conseil de la Nouvelle-Écosse refusa d’y donner suite. Néanmoins, le temple fut terminé à la grande joie de toute la communauté noire de Halifax.

Cet événement fut une source de fierté pour les citoyens noirs parce que c’était là une preuve irréfutable que d’anciens esclaves pouvaient établir leurs propres institutions en Nouvelle-Écosse, malgré les obstacles suscités par les Blancs. En plus d’être le théâtre de cérémonies religieuses officielles, le temple servait d’école et de lieu de réunion. Ce modeste petit temple était un symbole de liberté pour ceux qui le fréquentaient, et pourtant cette liberté était refusée aux esclaves noirs américains. C’est pourquoi tout en agissant comme le principal animateur de sa propre congrégation et tout en aidant à la fondation d’autres congrégations baptistes destinées aux Noirs, Preston consacra son énergie à l’émancipation. Afin d’amener les Noirs de la Nouvelle-Écosse à exercer des pressions pour que leurs compatriotes des États-Unis soient affranchis, afin de faire connaître à toute la population de la province les cruautés de l’esclavage et afin de faire campagne pour abolir toute forme d’esclavage, Preston créa l’African Abolition Society.

C’est en 1846 qu’il est question pour la première fois des efforts déployés par Preston pour établir cette société abolitionniste. Le Novascotian publia le compte rendu d’une assemblée tenue en août pour décider d’une constitution et fit aussi état d’une autre réunion qui eut lieu en novembre et au cours de laquelle les opinions de Preston provoquèrent une rupture entre les Blancs et les Noirs de l’assistance. Personne ne pouvait nier la limpidité de son argumentation, puisqu’elle était fondée sur la doctrine chrétienne qui soutenait que l’esclavage allait à l’encontre des lois de Dieu. Grâce à ces réunions et à l’habileté dont il fit preuve dans sa lutte contre l’esclavage pratiqué aux États-Unis, Preston gagna l’appui des Noirs et des Blancs de Halifax et d’ailleurs. Des hommes tels que Charles Roan, de Dartmouth, William Barrett, de Halifax, et Septimus D. Clarke, du canton de Preston, étaient membres du conseil de direction de l’African Abolition Society. Néanmoins, bien que les objectifs de Preston aient été valables et ses intentions sincères, la société n’obtint qu’un succès mitigé. Elle réussit à identifier ceux qui étaient sympathiques à la cause des Noirs et à améliorer les relations raciales, mais elle eut peu ou pas d’effet sur l’émancipation véritable des Noirs américains.

À Granville Mountain, le 1e, septembre 1854, Preston jeta les bases de l’African Baptist Association, sa principale contribution à la vie de la Nouvelle-Écosse. En même temps qu’elle constituait un organisme religieux, cette fusion de 12 congrégations baptistes cherchait aussi à atteindre les objectifs socio-économiques de ses membres, à sauvegarder les droits acquis et à obtenir d’autres droits. Cependant, les principaux buts de cette fusion demeuraient la propagation incessante de la foi baptiste et la fondation d’autres congrégations réservées aux Noirs. Le temple de Halifax fut appelé « l’église mère », et Preston considéré comme son « évêque ». En réalité, Preston était l’association.

On ne saurait mettre en doute le succès que remporta Preston dans son ministère. Quand il mit sur pied le temple African en 1832, sa congrégation comptait 29 baptisés. Au moment où l’African Baptist Association fut formée, les 12 congrégations concernées regroupaient 308 baptisés. Enfin, en 1861, l’année de la mort de Preston, il y avait 15 congrégations et 503 baptisés. Une des principales raisons de cette réussite fut la subtilité d’esprit de Preston alliée à son humour très fin. Dans les années 1840, au cours de l’un de ses revivals qui obtint le plus de succès, il attira un nombre imposant de fidèles à l’intérieur de l’église Dartmouth Lake. À l’extérieur, cependant, une foule encore plus nombreuse était résolue à disperser l’assistance et à chasser Preston. Le père Preston s’adressa alors à ses ouailles : « Nous allons sortir, car la grâce de Dieu me donne assez de pouvoir sur les hommes et les démons que je ne crains ni ceux-ci ni ceux-là. » La foule indisciplinée crut avoir mis fin à la réunion mais, lorsque Preston commença à prier pour leur salut, « les pécheurs aussi bien que les saints se réjouirent. Tout était d’un calme parfait. » Une autre fois, en s’adressant aux fidèles dans l’église First Preston, il se mit en prière et, au moment où l’assistance était tout à fait silencieuse et immobile, la porte de l’église fut enfoncée. Les plus nerveux commencèrent alors à s’agiter. Gardant le même timbre de voix que lorsqu’il priait, Preston leur dit : « Cherchez-vous Satan ? Cessez de le chercher, je vous préviendrai quand il entrera. »

Preston était de ces hommes dont les grandes réalisations s’accompagnaient de défauts évidents. Grâce à ses efforts, le temple African fut érigé, les premières réunions des membres de l’African Abolition Society eurent lieu et l’African Baptist Association vit le jour. De ces trois projets réalisés, le premier et le troisième allaient durer. Mais Preston se rendit coupable d’une grave omission en négligeant d’établir des règles démocratiques appropriées pour procéder au choix de son successeur. À sa mort, l’association vécut pendant une dizaine d’années une série de conflits qui faillirent mettre fin à son existence. James Thomas, Gallois de race blanche marié à une Noire, succéda à Preston au temple African et à la tête de l’African Baptist Association. Presque immédiatement, un mouvement visant à discréditer Thomas prit naissance et, finalement, plusieurs congrégations formèrent une association rivale qui n’eut qu’une brève existence. Preston aurait pu empêcher ces rivalités mais, s’étant abstenu, il laissa l’association en mauvaise posture. Une autre lacune fut son apparente incapacité d’établir un lien entre la puissance politique de son organisation et la nécessité d’améliorer la situation économique, politique et sociale de sa congrégation dans la province.

« Il était un grand chef, déclara le révérend Benson Smithers, maintenant le temps est venu de le porter en terre ». « Ses idéaux et ses idées vont lui survivre » affirma le frêle révérend Henry Jackson. « Vous souvenez-vous de lui lorsqu’il disait : « Écoutez ! Écoutez ! Aujourd’hui nous sommes un pauvre peuple. Nous avons été arrachés si récemment à l’emprise cruelle de l’esclavage et des humiliations qui accompagnent cet état que [...] nous avons bien peu de raisons de nous enorgueillir par rapport à d’autres à qui je pense. Notre changement de vie, aurait-il dit, de sol, de climat, le remplacement des seules responsabilités physiques d’autrefois par une vie morale ont été si soudains et complets qu’il nous faudra plusieurs années pour nous réadapter. Mais [...] nous devons nous réadapter. Le temps viendra où l’esclavage ne sera qu’une de nos nombreuses peines. Nos enfants et les enfants de leurs enfants vieilliront et deviendront indifférents au climat et à la race. Alors nous demanderons [...] ou plutôt nous exigerons et nous pourrons obtenir notre juste part de richesse, de condition sociale et de prestige, y compris le pouvoir politique. Notre temps sera venu et nous serons prêts [...] nous devons l’être. »

Vers 11 heures le 19 juillet 1861, un cortège funèbre défila dans les rues de Halifax jusqu’à South Ferry, puis dans les rues de Dartmouth jusqu’à Crane’s Hill où Richard Preston fut inhumé.

Frank S. Boyd Jr

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Frank S. Boyd Jr, « PRESTON, RICHARD », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 22 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/preston_richard_8F.html.

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Auteur de l'article:    Frank S. Boyd Jr
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1985
Année de la révision:    1985
Date de consultation:    22 nov. 2024