Titre original :  Grave marker of Maria Heathfield Pollard Grant. Ross Bay Cemetery, Victoria, British Columbia. From: findagrave.com.

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POLLARD, MARIA HEATHFIELD (baptisée Maria) (Grant), réformatrice sociale, partisane du suffrage féminin, administratrice scolaire, secrétaire, agente de probation et prédicatrice du mouvement Unity, née le 15 septembre 1854 à Québec, fille du révérend William Pollard et de Maria Heathfield ; le 30 juillet 1874, elle épousa à Victoria, Colombie-Britannique, Gordon Fraser (Frazar) Munro Grant (décédé le 5 décembre 1908), et ils eurent neuf enfants, dont deux fils et cinq filles qui vécurent au delà de la petite enfance ; décédée le 30 mars 1937 au même endroit.

Maria Heathfield Pollard naquit au sein d’une famille méthodiste. Son père avait été ministre dans le Haut et le Bas-Canada dès son arrivée d’Angleterre en 1842 et fut président de plusieurs districts méthodistes durant les années 1860. En 1871, il accepta une nomination à Victoria et s’y installa avec sa femme, son fils et ses quatre filles, dont Maria Heathfield. Le révérend Pollard ne tarda pas à assumer, en plus de ses fonctions de pasteur dans la ville, la présidence du district de Victoria et entreprit des œuvres missionnaires le long de la côte. En 1873, sa femme comptait parmi les personnes qui fondèrent le British Columbia Protestant Orphans’ Home à Victoria.

En 1874, Mlle Pollard épousa Gordon Fraser Munro Grant, ingénieur en mécanique navale. Énergique et déterminée, elle commença sa carrière publique neuf ans plus tard. Les Pollard étaient d’ardents défenseurs de la tempérance. Mme Grant et sa mère furent des membres fondateurs de la Woman’s Christian Temperance Union of British Columbia (WCTU) [V. Catharine Morton*]. Sa mère fut la première présidente provinciale de l’organisation et Mme Grant en devint la secrétaire pour la province en 1884. En mars, elle prononça un discours public sur les responsabilités des électrices. La WCTU fit la promotion du suffrage féminin ; beaucoup de femmes croyaient que si elles pouvaient voter, elles seraient en mesure d’influencer la législation sur l’alcool. Des années plus tard, Mme Grant se rappellerait : « quand j’étais toute jeune et que j’entendis que les femmes n’avaient aucun droit de vote, je décidai que quand je serais grande, je devrais faire tout mon possible afin de travailler pour le suffrage féminin ». En 1885, Mme Grant et d’autres membres de la WCTU firent circuler partout dans la province la première pétition pour le droit de vote des femmes et la présentèrent à l’Assemblée législative. À partir de ce moment-là, Mme Grant et la WCTU prieraient régulièrement le gouvernement de donner suite à leurs demandes. La WCTU créa un département du droit de vote tôt dans son existence ; rebaptisé département de la législation, des pétitions et du droit de vote en 1887, il serait supervisé par Mme Grant jusqu’en 1915.

L’une des principales organisatrices du Local Council of Women of Victoria and Vancouver Island en 1894, Mme Grant était aussi une oratrice pleine d’assurance et prononça le discours qui accueillit lady Aberdeen [Marjoribanks], présidente du National Council of Women of Canada, à l’assemblée publique inaugurale du conseil local. Mme Grant fut nommée secrétaire archiviste de la nouvelle organisation. En janvier 1895, le conseil demanda que le gouvernement provincial permette aux femmes d’occuper les fonctions d’administratrices scolaires, ce qui leur fut accordé. Mme Grant, qui avait le cens d’éligibilité nécessaire, fut choisie comme candidate par le conseil local. En mars, elle battit facilement le seul adversaire masculin et fut élue pour un mandat de neuf mois, devenant ainsi la première femme à occuper le poste d’administratrice scolaire en Colombie-Britannique. Elle se présenta à nouveau l’année suivante. Elle fut vaincue et attribua sa défaite aux efforts acharnés visant à l’éliminer et à éliminer d’autres candidates. Un homme était demeuré toute la journée à l’entrée du bureau de vote, insistant vivement pour que les électeurs choisissent une combinaison particulière de candidats masculins ou tout autre adversaire, sauf les femmes. En 1899, elle renoua avec la victoire, mais à la fin de son mandat de deux ans, sa tentative de se faire réélire échoua.

Durant les années 1890 et au début du xxe siècle, Mme Grant exerça un grand pouvoir au sein du mouvement pour l’obtention du droit de vote des femmes en Colombie-Britannique. En 1895, elle publia un article dans le Victoria Daily Times intitulé « The suffrage question ; two views : fairly stated from both standpoints » et persuada la Conférence de la Colombie-Britannique de l’Église méthodiste de soutenir une pétition de la WCTU destinée au gouvernement fédéral. Elle se vanta d’une autre pétition, signée par 2 400 femmes, qui fut envoyée au gouvernement provincial en 1897 ; elle donna suite à celle-ci en faisant pression sur des membres de l’Assemblée. En raison de ses nombreuses lettres au rédacteur en chef du Daily Colonist de Victoria, le journal la décrivit comme la « championne du droit de vote des femmes ». Avec un plébiscite national sur la prohibition qui se pointait à l’horizon [V. Francis Stephens Spence*], les groupes de tempérance devinrent plus actifs. En 1897, Mme Grant, de nouveau secrétaire de la WCTU de la province, mit sur pied un comité spécial pour le plébiscite. Cette année-là, elle fut élue secrétaire de la National Prohibition Federation of Temperance Societies of Canada et, lorsqu’elle agit à titre de déléguée aux congrès de la Dominion Woman’s Christian Temperance Union et de la World’s Woman’s Christian Temperance Union qui se tinrent à Toronto, elle envoya régulièrement des dépêches au Daily Colonist.

En 1900, Mme Grant devint présidente de la WCTU provinciale, poste qu’elle occuperait pendant cinq ans. Cette année-là, elle organisa la Willard Union, une nouvelle section de la WCTU à Victoria, dans le but de fonder et de gérer une mission pour hommes qui serait une solution de rechange aux saloons et qui offrirait un logement aux pauvres. En 1889, la WCTU avait fondé le Refuge Home, initialement destiné à abriter des prostituées qui souhaitaient changer leur manière de vivre ; cet établissement devint graduellement un refuge pour mères célibataires. Mme Grant avait régulièrement siégé au conseil du refuge depuis ses débuts et, en 1904, elle supervisa conjointement la construction d’un nouveau bâtiment pour l’établissement. Après avoir quitté son poste de présidente de la WCTU provinciale, elle remplit les fonctions de trésorière de l’organisation de 1906 à 1912.

Les activités de Mme Grant furent quelque temps réduites par la maladie et la mort de son mari en 1908. L’année suivante, frustrée par les tentatives de la Colombie-Britannique de priver les femmes de leur droit de vote dans les municipalités et par l’inertie en matière de suffrage féminin dans la province, elle redoubla d’efforts. Pensant peut-être qu’une organisation avec un objectif unique serait plus efficace que la WCTU, elle créa à la fin de 1910 la Political Equality League of Victoria, organisme voué à poursuivre la lutte pour le suffrage féminin et dont elle fut la première présidente. Cette organisation devint la base d’une Political Equality League (PEL) provinciale, créée en mai 1911, avec Mme Grant à sa tête. Conjointement avec l’organisatrice rémunérée de la ligue, Dorothy Davis, elle dirigea la publication mensuelle de l’organisation, le Champion de Victoria, dès ses débuts en août 1912. Pas plus tard que l’année suivante, la PEL s’était élargie et comprenait 36 sections dans toute la province. Mme Grant mena une délégation de 72 femmes devant le premier ministre, sir Richard McBride*, pour présenter une pétition signée par 10 000 personnes. Les femmes se montraient de plus en plus impatientes, non seulement envers le gouvernement, mais aussi envers leurs propres dirigeantes. En juin 1913, peut-être en raison du fait que les membres de la PEL tenaient beaucoup à transférer la présidence de l’organisation de l’île au continent, Mme Grant fut remplacée par une femme de Vancouver. Elle continua néanmoins de diriger la revue de l’association jusqu’à ce qu’elle cesse d’être publiée, en avril 1914.

Après que la Première Guerre mondiale eut éclaté en 1914, les activités relatives au suffrage déclinèrent. Mme Grant et la Political Equality League of Victoria fondèrent le Women’s Industrial Centre pour offrir aux femmes du travail de couturières. Elle aida également à créer une garderie pour les enfants des ouvrières. Pendant ce temps, tandis que les femmes en Colombie-Britannique et ailleurs travaillaient avec zèle à l’effort de guerre, leur droit de vote gagna de l’appui populaire. Les élections provinciales de septembre 1916 incluaient un plébiscite sur le suffrage féminin. Lorsqu’une vaste majorité vota pour cette mesure, elle déclara simplement ceci : « Il est bon d’avoir vécu seulement pour voir ce jour. » Elle mena une délégation devant le nouveau premier ministre, Harlan Carey Brewster*, pour protester contre les retards dans la mise en œuvre du droit de vote dans la province, que les femmes obtinrent finalement le 5 avril 1917.

Mme Grant continua de s’élever contre des législations qu’elle considérait comme injustes, telle la Loi des élections en temps de guerre de 1917 du gouvernement fédéral, qui permettait seulement aux femmes apparentées de près à des soldats de voter. Après la guerre, en 1918, elle fut présidente du comité de la citoyenneté du Local Council of Women. La même année, elle annonça la création de la Women’s Independent Political Association pour sélectionner et soutenir des candidates aux élections municipales. À titre de déléguée de l’organisation, elle s’associa à d’autres femmes afin de faire pression sur le gouvernement provincial pour les pensions destinées aux mères. De plus, elle fut membre du Victoria Reconstruction Group, qui analysa les problèmes d’après-guerre touchant les femmes.

Mère de sept enfants survivants, Mme Grant s’était intéressée vivement à la protection de l’enfance. En 1901, elle avait participé à la création de la Children’s Aid Society of Victoria pour laquelle elle avait rempli les fonctions de secrétaire. La nécessité l’obligea à obtenir un salaire, qui fut attribué à son poste aux environs de 1910. Les tâches d’agente de probation s’y ajoutèrent quelques années plus tard. En 1917, la société tint une assemblée publique afin de discuter de ses difficultés financières. Le salaire de Mme Grant, considéré comme excessif, fut réduit ; elle démissionna l’année suivante.

Au cours des années 1920 ou peut-être même avant, Mme Grant fut attirée par les enseignements du mouvement Unity fondé aux États-Unis à la fin des années 1880 par Charles Sherlock Fillmore et sa femme, Myrtle. Mme Grant devint enseignante au Unity Centre de Victoria et était parfois appelée révérend Grant. Malheureusement, aucune archive d’ordination du mouvement venant de cette période ne subsista. Mme Grant se retira pour cause de maladie en 1933 et mourut quatre ans plus tard au Victoria Women’s Club. Elle avait été membre et secrétaire du club depuis sa fondation en 1913, et y avait rempli les fonctions d’hôtesse.

Dotée d’un zèle missionnaire, d’un esprit de pionnière et d’un immense optimisme, Maria Heathfield Pollard Grant fut une présence dynamique en Colombie-Britannique. En tant que dirigeante de la WCTU, du Local Council of Women et de la PEL, elle était une figure familière des délégations qui se rendaient devant le gouvernement, faisant pression surtout pour l’obtention du droit de vote, mais aussi pour des questions concernant les femmes et les enfants. Lors d’une assemblée de la WCTU provinciale en 1896, elle avait parlé de la « femme en tant que mère, réformatrice et citoyenne ». Elle était les trois à la fois.

Lyn Gough

Maria Heathfield Pollard (Grant) a écrit, sous son nom de femme mariée, « The suffrage question ; two views : fairly stated from both standpoints », Victoria Daily Times, 27 mai 1895, et « WCTU Mission Hall of Victoria », Western Methodist Recorder (Victoria), 2 (1900–1901), no 6.

BAnQ-Q, CE301-S68, 30 nov. 1854.— BCA, GR-2951, no 1908-09-021698, no 1937-09-528544 ; GR-2962, no 1874-09-001134 ; MS-2644.— Daily Colonist (Victoria), 1894–1933.— Jim Nesbitt, « Old homes & families », Daily Colonist, 11 févr. 1951.— Victoria Daily Times, 1895–1937.— C. Bryant, « Rev. W. Pollard », Western Methodist Recorder, 2 (1900–1901), no 6.— Champion (Victoria), 1 (1912)–2 (1914).— C. L. Cleverdon, The woman suffrage movement in Canada, introd. par Ramsay Cook (2e éd., Toronto, 1974).— G. H. Cornish, Cyclopædia of Methodism in Canada [...] (2 vol., Toronto et Halifax, 1881–1903).— Elizabeth Forbes, Wild roses at their feet : pioneer women of Vancouver Island ([Victoria], 1971), 27–28.— Lyn Gough, As wise as serpents : five women & an organization that changed British Columbia, 1883–1939 (Victoria, 1988).— L. L. Hale, « The British Columbia woman suffrage movement, 1890–1917 » (mémoire de m.a., Univ. of B.C., Vancouver, 1977).— Gloria Whelan, « Maria Grant, 1854–1937 : the life and times of an early twentieth century Christian », dans In her own right : selected essays on women’s history in B.C., Barbara Latham et Cathy Kess, édit. (Victoria, 1980).— Woman’s Christian Temperance Union of B.C., Report of the annual convention (Victoria et Vancouver), 1907–1909, ensuite publié sous le titre : Yearbook and proc. of the annual convention (Vancouver), 1910–1918 (exemplaires conservés aux BCA, Northwest coll.).

Comment écrire la référence bibliographique de cette biographie

Lyn Gough, « POLLARD, MARIA HEATHFIELD (baptisée Maria) (Grant) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 21 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/pollard_maria_heathfield_16F.html.

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Auteur de l'article:    Lyn Gough
Titre de l'article:    POLLARD, MARIA HEATHFIELD (baptisée Maria) (Grant)
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2015
Année de la révision:    2015
Date de consultation:    21 déc. 2024