ORILLAT, JEAN, négociant, marchand, né à Barbezieux, France, en 1733, fils de Jean Orillat et de Marie Dupuy ; il épousa à Montréal, le 21 septembre 1761, Marie-Amable Filiau, dit Dubois, et, en secondes noces, le 27 août 1767, Thérèse-Amable Viger ; décédé à Montréal en 1779.
Jean Orillat arriva tout jeune au Canada et commença tôt à s’intéresser au commerce. On ignore s’il avait apporté son capital avec lui, mais, en 1757, il fit 16 engagements pour Michillimakinac (Mackinaw City, Michigan). La guerre ayant sans doute interrompu son commerce des fourrures, il s’y remit en 1761, y investissant par la suite des sommes plus ou moins élevées. Dès ses premières années au Canada, il possédait des fonds considérables : lors de son premier mariage, il se garda en propre les 20 000 » de marchandises qu’il employait au commerce. Il se réserva, de la même façon, lors de la signature de son deuxième contrat de mariage, les biens de sa première communauté.
Les affaires d’Orillat prirent une nouvelle ampleur en 1763 ; en association avec Pierre Cardinal, il obtenait du négociant Benjamin Comte plus de 60 000 » à investir dans la traite au poste de La Baye (Green Bay, Wisconsin). La société semble avoir duré au moins deux ans, car en 1765 de nombreux engagements pour Michillimakinac et La Baye furent signés. À l’automne de 1764, Orillat avait obtenu des autorités la permission de passer en France pour régler ses affaires.
En 1767, Orillat prenait comme partenaire dans le commerce des fourrures Jean-Gabriel Cerré*, traiteur au pays des Illinois. Le contrat stipulait qu’Orillat commanderait les marchandises de traite requises par Cerré chez les négociants Brook Watson* et Gregory Olive qui s’occuperaient de vendre peaux et fourrures sur le marché de Londres. Leur compagnie comptait parmi les plus grandes maisons londoniennes ayant des intérêts dans le commerce au Canada. Watson était d’une « probité connue » et avait représenté les marchands britanniques lors des-négociations avec la cour de France concernant la liquidation des « papiers du Canada ». Il était, de plus, l’un des amis du gouverneur Guy Carleton*. Malgré cela, la deuxième compagnie créée par Orillat ne connut qu’un succès mitigé : à sa dissolution, en 1771, il ne fut question que de dettes.
On fonda, en 1774, une troisième société, réunissant cette fois Orillat et le négociant Pierre Foretier*. Les associés faisaient le commerce des fourrures ainsi que la vente de marchandises de traite à des voyageurs dont ils prenaient en garantie les expéditions de fourrures à destination de Londres. Cette façon de procéder leur permettait de faire des bénéfices sur les marchandises, sans courir les risques de la traite elle-même ou des fluctuations de prix sur le marché anglais, ce qui explique leur réussite. Lors de sa liquidation en 1780, après la mort d’Orillat, cette société faisait état de plus de 160 000 » de créances garanties par des livraisons de fourrures en Angleterre.
En plus de cette compagnie formée avec Foretier, Orillat faisait le commerce des fourrures pour son compte et tenait magasin à Montréal, où il vendait en gros et au détail des marchandises de traite et des objets d’usage courant, comme c’était l’habitude chez les marchands de Montréal. Cet établissement se distinguait par sa taille – plus de 100 000# de stock au décès d’Orillat – et par la variété des articles qu’on pouvait y trouver. Sa clientèle était constituée en grande partie d’artisans de la ville et de la région de Montréal, auxquels se mêlaient à l’occasion certains autres commerçants, comme Edward Chinn, Pascal Pillet, Jean-Baptiste Lemoine Despins, John Porteous, John Askin* et Joseph Sanguinet, ou des traiteurs tels Jean-Étienne Waddens, Christophe Sanguinet, Pierre-Louis et Charles-Jean-Baptiste* Chaboillez, Hypolite Desrivières, Jean-Marie* et Dominique* Ducharme, Nicolas Blondeau et Alexis Réaume, son futur gendre.
L’activité d’Orillat ne s’arrêtait pas là. Il prêtait aussi de l’argent sur obligation, achetait des créances, acquérait des terrains en ville et des terres à la campagne. Il engagea nième un de ses débiteurs pour aider son fermier et, à une autre occasion, vendit le double du prix d’achat une terre achetée la journée même ! Il concluait aussi des marchés pour le bois et le blé. C’était la réussite.
Orillat semble avoir été très doué pour les affaires, et sa situation financière lui permettait un certain luxe. Ainsi, le mobilier de sa maison comprenait des chandeliers, des couverts en argent, une table d’acajou, rapportée d’Angleterre, et des tableaux représentant des paysages. Il possédait aussi des esclaves noirs. À sa mort, son coffre « servant de caisse » contenait 15 000# en or et en argent. Tout cela ne constituait qu’une infime partie de la valeur totale de sa succession qui s’élevait à près de 750 000#.
Comme certains autres marchands canadiens, Orillat se mêla un peu de politique, signant quelques pétitions adressées aux autorités au sujet de la traite des fourrures et de la valeur de la monnaie. Sa loyauté au nouveau régime était toutefois entière et lui occasionna même une pénible aventure. Lorsque les Américains envahirent la province de Québec en septembre 1775, certaines paroisses de la vallée du Richelieu passèrent du côté des Américains, et le gouverneur Carleton tenta de les ramener dans le rang par une offre d’amnistie. Le 14 septembre, il envoyait Orillat en compagnie d’un marchand du nom de Léveillé porter la proclamation d’amnistie. Arrivés à Saint-Denis au soir du 17, ils furent hébergés par le curé François Cherrier*. Tôt le lendemain matin, un groupe de rebelles canadiens investirent le presbytère et demandèrent qu’on leur livrât les deux visiteurs. C’est ainsi qu’Orillat et Léveillé furent faits prisonniers, amenés au camp rebelle de l’île aux Noix, puis dans la colonie de New York, à Ticonderoga et Albany. Ils passèrent ensuite au Connecticut, où on les garda sous surveillance, sans toutefois les emprisonner, par crainte des répercussions qu’un tel geste pourrait avoir sur l’attitude des Canadiens envers les Américains. Ces derniers avaient capturé un personnage important. Orillat écrivit d’Albany au Congrès provincial de New York pour obtenir sa libération ; la requête étant transmise au deuxième Congrès continental, les New-Yorkais demandèrent au comité de sécurité d’Albany de rendre sa captivité aussi douce que possible, tout en empêchant son évasion. En octobre 1775, le négociant britannique Brook Watson, arrivé au Canada à l’été, écrivait à des personnes influentes de Boston afin d’obtenir sa libération.
Orillat, qui avait offert une vive résistance lors de sa capture, réussit à s’évader vers la fin de décembre 1775. On perd sa trace jusqu’en septembre 1776, date à laquelle la société formée par Foretier et Orillat obtint de Carleton le contrat d’approvisionnement des Indiens pour 1776 et 1777. L’année suivante, Orillat se faisait accorder un congé de traite pour Michillimakinac ; de plus, il se portait garant pour d’autres voyageurs, ce qui laisse soupçonner qu’il partait à la tête d’une expédition. Il fit un second voyage en 1778 et revint à Montréal au début d’octobre. Sa santé s’était détériorée et il mourut avant juillet 1779.
Orillat laissait dans le deuil sa deuxième épouse et une fille de 16 ans, Marie-Luce-Amable, nouvelle mariée. La succession revenait entièrement à sa fille, et son mari, le traiteur Alexis Réaume, en assuma la gestion. Le gendre avait sans doute moins de talent que son beau-père, car en 1786 tous les droits de la succession furent cédés à la firme Rashleigh and Co. de Londres. Ainsi s’évanouissait la plus considérable des fortunes de l’époque.
AN, Col., C11A, 108, f.172.— ANQ-M, État civil, Catholiques, Notre-Dame de Montréal, 1er juill. 1779 ; Greffe de P.-F. Mézière, 19 juill. 1779 ; Greffe de Pierre Panet, 8 mars, 30 mai, 7 juin 1757, 7 mars, 8 mai, 19 sept. 1761, 28 avril, 15, 20 sept., 13 nov. 1762, 14 janv., 11 févr., 3, 4, 26 mai 1763, 3, 15 mars, 3, 13 sept., 13, 15, 17 oct. 1764, 23 mars, 7, 16, 25 avril, 2, 8 mai, 11 juin, 13, 24, 29 août, 16 oct., 17 déc. 1767, 7 juin, 7, 30 juin., 23 sept., 31 oct. 1768, 4 févr., 25 mars, 8 mai, 20, 24 juin, 1er juill., 10 août, 13 sept., 8 nov., 5, 7 déc. 1769, 3 janv., 12, 14 févr., 10, 28 mars, 8 mai, 2, 5 juill., 25, 31 août, 18, 22 oct. 1770, 22 févr., 12 mars, 15 avril, 15, 27 mai, 4, 25 juin, 30 juill., 6, 28 août, 26, 28, 30 sept., 2, 9, 23 oct. 1771, 27 janv., 3 avril, 18 mai, 10 juin, 4, 17 sept., 12 oct., 2, 3 déc. 1772, 2 janv., 15, 30 mars, 21 avril, 1er mai, 25 août, 2 oct., 6 déc. 1773, 16 mai, 18 juin, 22 juill. 1774, 15 mars, 23 juin 1775, 24 janv. 1778 ; Greffe de François Simonnet, 14 août, 19 nov. 1771, 1er oct. 1773.— APC, MG 18, H28, 3 ; MG 24, L3, pp.26 208–26 210 ; RG 4, B28, 115 ; B58, 15.— BL, Add.
José E. Igartua, « ORILLAT, JEAN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/orillat_jean_4F.html.
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Auteur de l'article: | José E. Igartua |
Titre de l'article: | ORILLAT, JEAN |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1980 |
Année de la révision: | 1980 |
Date de consultation: | 20 nov. 2024 |