ODET D’ORSONNENS, THOMAS-EDMOND D’, médecin, professeur, administrateur scolaire et rédacteur, né le 30 octobre 1818 à Saint-Roch-de-l’Achigan, Bas-Canada, fils de Protais d’Odet d’Orsonnens et de Louise-Sophie Rocher ; le 22 février 1841, il épousa à L’Assomption Marie-Louise-Adeline Dorval, et ils eurent sept enfants, puis le 20 juillet 1886, à la cathédrale Saint-Jacques de Montréal, Marie-Salomée Poirier ; décédé le 7 octobre 1892 à Joliette et inhumé le 11 dans le cimetière de Côte-des-Neiges à Montréal.

Thomas-Edmond d’Odet d’Orsonnens était le fils aîné d’un officier suisse arrivé au Canada en 1813 avec le régiment de De Meuron et devenu par la suite agriculteur. Après avoir fait des études dans son village natal, Thomas-Edmond, attiré par la médecine, s’inscrivit à titre de clerc auprès d’un médecin licencié, comme c’était la coutume à l’époque. Il obtint sa licence ad practicandum le 24 septembre 1841.

D’Odet d’Orsonnens exerça d’abord la médecine à Joliette où il excella comme accoucheur, avant de poursuivre sa carrière à Montréal à partir de 1845. Quatre ans plus tard, il devint professeur d’obstétrique à l’école de médecine et de chirurgie de Montréal, où il enseigna aussi la chimie, la toxicologie, la matière médicale (l’art de soigner avec des médicaments) ainsi que les maladies des femmes et des enfants. En 1850, on l’admit au conseil de cet établissement, au nom duquel il négocia, en 1872, l’achat d’un terrain situé en face de l’Hôtel-Dieu en vue d’y construire le siège social de l’école. On le retrouve également au nombre des fondateurs de l’Union médicale du Canada en 1872.

Grâce à ses qualités d’administrateur, d’Odet d’Orsonnens occupa successivement les postes de secrétaire (1878–1880) et de président (1880–1887) de l’école de médecine. Ces fonctions l’amenèrent à s’imposer comme l’un des protagonistes du conflit qui opposa, de 1876 à 1891, l’école de Montréal à l’université Laval de Québec dans le cadre de la querelle universitaire [V. Ignace Bourget* ; Joseph Desautels*].

Par suite du décret pontifical du 1er février 1876, l’université Laval établit à Montréal une succursale, inaugurée le 6 janvier 1878. Au moment de mettre sur pied la faculté de médecine, Laval ne pouvait ignorer l’existence de l’école de médecine et de chirurgie qui dispensait l’enseignement médical depuis 30 ans et répondait aux exigences du Collège des médecins et chirurgiens de la province de Québec : l’affiliation à une université (le Victoria College de Cobourg, Haut-Canada, depuis 1866) [V. Hector Peltier*] et l’accès à un hôpital général (l’Hôtel-Dieu de Montréal depuis 1850). Les professeurs de l’école demandèrent qu’on respecte leur autonomie ainsi que leur statut dans le nouvel établissement ; l’un des leurs, d’Odet d’Orsonnens, fit partie du conseil d’administration à titre de secrétaire. Cependant, l’entente fut de courte durée et, en juin 1879, la rupture était un fait accompli : les deux établissements se mirent à fonctionner parallèlement.

D’Odet d’Orsonnens de même que la plupart de ses confrères restèrent fidèles à leur école. Désireux de préserver l’autonomie de celle-ci et incapables de se faire entendre des évêques, les professeurs décidèrent de présenter leur requête au Saint-Siège. Chargé de cette mission, d’Odet d’Orsonnens se rendit à Rome au début de l’année 1880. Il fut reçu en audience par Pie IX qui le fit chevalier de l’ordre de Saint-Grégoire-le-Grand. En juillet, il alla à Londres consulter le solliciteur général, sir Farrer Herschell, sur la légalité de la succursale de Laval. Selon ce juriste, l’université Laval n’était pas autorisée par sa charte à établir une succursale, et le seul type d’union qui pouvait exister avec les établissements montréalais était celui de l’affiliation. Les professeurs décidèrent donc de porter leur cause devant les tribunaux. Toutefois, le recteur Michel-Édouard Méthot répliqua en demandant au premier ministre Joseph-Adolphe Chapleau d’amender la charte, afin de permettre à l’université de multiplier ses chaires d’enseignement dans la province. L’Assemblée législative adopta le projet de loi en 1881, non sans que des évêques aient exercé des pressions sur des députés.

En 1883, la position de l’école devint précaire, car Rome exigea non seulement que cesse toute attaque contre Laval et sa succursale, mais encore qu’on favorise l’installation de cette dernière. Pour faciliter l’exécution du décret pontifical, l’archevêque de Québec, Mgr Elzéar-Alexandre Taschereau, ordonna aux professeurs de l’école de rompre leur affiliation avec le Victoria College sous peine d’excommunication, en alléguant que le lien avec une université méthodiste constituait un danger pour les catholiques. Il donna aussi l’ordre aux religieuses de l’Hôtel-Dieu d’interdire leur hôpital aux médecins de l’école. Les docteurs d’Odet d’Orsonnens et Joseph Emery-Coderre* obtinrent alors de Mgr Édouard-Charles Fabre l’assurance que la rupture avec Victoria permettrait de conserver l’accès à l’Hôtel-Dieu. Mais l’évêque de Montréal se ravisa aussitôt. Devant cette volte-face, les médecins, qui refusaient de laisser mourir l’école pour laquelle ils avaient contracté des engagements moraux et financiers, décidèrent de continuer la résistance. Ils dépêchèrent le docteur Louis-Édouard Desjardins* à Rome pour plaider leur cause.

Le 25 août 1883, d’Odet d’Orsonnens reçut du cardinal Giovanni Simeoni le câblogramme qui sauvait l’école. Quelques jours plus tard, il annonça conjointement avec Mgr Fabre et Emery-Coderre l’ouverture des cours à l’école. Une seule ombre restait au tableau : le refus des évêques de reconnaître l’école comme catholique, ce qui contribuait à entretenir les doutes à son sujet. Pendant plusieurs années encore, démarches, tentatives de rapprochement et escarmouches se poursuivirent entre les deux écoles de médecine.

La publication en février 1889 de la bulle Jamdudum de Léon XIII suscita de nouveaux espoirs en accordant une relative autonomie à la succursale dès lors placée sous la juridiction des évêques de la province ecclésiastique de Montréal, à qui revenait la nomination du vice-recteur. L’abbé Jean-Baptiste Proulx*, dit Clément, celui qu’on désigna, voulut d’abord réaliser la fusion des deux établissements. Reconnu pour son sens de la modération, d’Odet d’Orsonnens fut l’un des trois représentants de l’école aux discussions avec l’université. Des deux côtés, il fallut vaincre l’opposition des irréductibles. Finalement, le 29 novembre 1890, on adopta à l’unanimité un projet de loi, parrainé par le premier ministre Honoré Mercier, dans le but d’amender la charte de l’école, qui servait de base à la constitution de la nouvelle faculté. L’union universitaire se réalisa le 1er juillet 1891.

L’école de médecine et de chirurgie, qui conservait son autonomie, ses droits et ses privilèges, devint donc la faculté de médecine de l’université Laval à Montréal, et tous ses professeurs ainsi que ceux de la succursale firent partie de la nouvelle corporation. Le 5 octobre 1891, Thomas-Edmond d’Odet d’Orsonnens, doyen de la profession médicale, figure dominante de l’école de médecine et artisan courageux, digne et courtois de l’entente, prononça le discours d’inauguration officielle de la faculté. Puis, après avoir reçu l’hommage de ses collègues à l’occasion de son cinquantième anniversaire de pratique médicale, il se retira à Joliette où il mourut l’année suivante.

Monique Leclerc-Larochelle

Thomas-Edmond d’Odet d’Orsonnens fut fondateur et rédacteur de l’Abeille médicale, le journal de l’école de médecine et de chirurgie de Montréal publié mensuellement de 1879 à 1882. Il signa plusieurs articles scientifiques et il défendit dans ces pages la position de l’école dans la querelle universitaire.

ANQ-M, CE1-33, 20 juill. 1886 ; CE1-51, 11 oct. 1892 ; CE5-12, 31 oct. 1818 ; CE5-14, 22 févr. 1841 ; P1000-2-146.— Gazette (Montréal), 10 oct. 1892.— La Presse, 10 oct. 1892.— Abbott, Hist. of medicine, 65.— E. H. Bovay, le Canada et les Suisses, 1604–1974 (Fribourg, Suisse, 1876).— J. J. Heagerty, Four centuries of medical history in Canada and a sketch of the medical history of Newfoundland (2 vol., Toronto, 1928), 2 : 97–98.— Lavallée, Québec contre Montréal.— Rumilly, Hist. de la prov. de Québec, 6 : 296–299.— F.-J. Audet, « Odet d’Orsonnens », BRH, 36 (1930) : 394–395.— Édouard Desjardins, « L’Évolution de la médecine au Québec », l’Union médicale du Canada (Montréal), 106 (1977) : 585–586 ; « l’Histoire de la profession médicale au Québec », 103 (1974) : 1891–1905, 2040–2049 ; 104 (1975) : 138–151, 448–470 ; « l’Incorporation de l’université de Montréal », 104 : 280–288 ; « la Petite Histoire du journalisme médical au Canada », 101 (1972) : 123–125.— Docteur Frank, « Médecins d’autrefois : Dr Thomas-Edmond d’Odet d’Orsonnens », le Docteur (Montréal), 1 (1922–1923), n° 10 : 14–18.— Germain Lavallée, « Monseigneur Antoine Racine et la Question universitaire canadienne, 1875–1892 », RHAF, 12 (1958–1959) : 80–107, 247–261, 372–386, 485–516.— [J.-L.-]O. Maurault, « l’Université de Montréal », Cahiers des Dix, 17 (1952) : 13–23.— L.-D. Mignault, « Histoire de l’école de médecine et de chirurgie de Montréal », l’Union médicale du Canada, 55 (1926) : 597–674.— « Ordre de Saint-Grégoire-le-Grand », BRH, 12 (1906) : 29.— « Un chapitre de l’histoire de la médecine au Canada : la grande querelle de Laval et de Victoria », l’Hôpital (Montréal) (févr.–déc. 1937).

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Monique Leclerc-Larochelle, « ODET D’ORSONNENS, THOMAS-EDMOND D’ », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/odet_d_orsonnens_thomas_edmond_d_12F.html.

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Auteur de l'article:    Monique Leclerc-Larochelle
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1990
Année de la révision:    1990
Date de consultation:    20 nov. 2024