Titre original :  Portrait of George Munro (1825–1896) from The National Cyclopaedia of American Biography, Volume VII, 1897, page 114.

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MUNRO, GEORGE, professeur, administrateur scolaire, éditeur et philanthrope, né le 12 novembre 1825 à Millbrook, près de Pictou, Nouvelle-Écosse, fils de John Munro et de Mary Mathieson ; le 12 juillet 1855, il épousa à Halifax Rachael (Rachel) Warren, et ils eurent un fils, puis le 14 septembre 1864, au même endroit, Catherine Forrest, et de ce mariage naquirent un fils et deux filles ; décédé le 23 avril 1896 à sa résidence d’été des monts Catskill, New York.

L’un des dix enfants d’un cultivateur, George Munro fit l’apprentissage du métier d’imprimeur à l’âge de 12 ans, probablement à Pictou. Deux ans plus tard, il alla parfaire son éducation d’abord à New Glasgow puis, après avoir subvenu à ses besoins quelques années grâce à des postes d’enseignant, à la Pictou Academy où il étudia de 1844 à 1847. Une fois son diplôme obtenu, il enseigna de nouveau à New Glasgow avant de devenir professeur de mathématiques et de philosophie naturelle à la Free Church Academy de Halifax, en 1850. Deux ans plus tard, il en était le directeur. Bien qu’il se soit préparé à devenir ministre de l’Église presbytérienne et ait été hautement apprécié comme enseignant, il démissionna de son poste en 1856. Il renonça à ses ambitions cléricales, quitta la Nouvelle-Écosse, pour des raisons de santé, d’après ses dires, et s’établit à New York.

Cet Horatio Alger de la Nouvelle-Écosse passa alors de l’état d’enseignant à celui d’homme d’affaires millionnaire en reprenant le métier d’imprimeur et d’éditeur. Il travailla d’abord pour la D. Appleton and Company où, selon une publicité parue dans les journaux de Halifax en 1861, il s’occupa de distribution et de vente par correspondance de revues et de livres britanniques. En 1862, il alla chez Ross and Tousey, puis un an plus tard chez Beadle and Company, pionnier de l’édition de livres à bon marché. Il quitta cette firme en 1866 et, après une brève association avec Irwin Beadle, se lança à son propre compte en publiant le Fireside Companion (plus tard appelé le New York Fireside Companion), journal hebdomadaire destiné à toute la famille, lequel devait absorber son énergie durant les dix années suivantes. Le Fireside Companion comptait aussi bien des lecteurs que des collaborateurs en Nouvelle-Écosse, où Munro retourna fréquemment après son second mariage en 1864. Il entreprit en 1877 de rééditer des ouvrages britanniques contemporains en une série intitulée la « Seaside Library », imitant ainsi la « Lakeside Library » publiée par la Donnelley, Lloyd and Company. La série n’allait pas tarder à inclure des ouvrages de fiction ou d’histoire, des biographies, des récits de voyage et des œuvres religieuses, et compter finalement plus de 1 000 titres. Vu l’absence de lois internationales pour protéger les droits d’auteur, Munro, comme ses contemporains, ne versait de redevances ni aux auteurs ni aux éditeurs originaux. C’est ainsi qu’il réussit à offrir aux lecteurs nord-américains des ouvrages littéraires de grande qualité à peu de frais. Il amassa un capital considérable, qu’il investit dans l’exploitation d’une grosse imprimerie ainsi que dans l’acquisition et la mise en valeur de propriétés foncières à New York.

Vers 1870, Munro était un homme riche et aurait pu envoyer ses enfants dans les meilleures écoles. On peut donc supposer que c’est son attachement à la Nouvelle-Écosse qui le poussa, en 1874, à envoyer son fils âgé de 14 ans, George William, étudier au Dalhousie College à Halifax. Établissement d’enseignement postsecondaire non confessionnel, bien que fortement influencé par les presbytériens, le Dalhousie College ne dispensait des cours à plein temps que depuis 1863. L’année où George William Munro reçut son diplôme, soit en 1878, le collège comptait 93 étudiants et 10 professeurs. Une subvention gouvernementale de cinq ans tirait à sa fin, ainsi que la participation du collège à l’éphémère University of Halifax, ce corps des examinateurs pour tous les collèges financés par la province de la Nouvelle-Écosse que l’on avait établi selon le modèle de la University of London. Face à la réduction imminente de la subvention gouvernementale, qui représentait presque la moitié de ses revenus, et incapable de payer des salaires concurrentiels qui permettraient d’attirer un personnel de qualité, le collège était sur le bord du gouffre. C’est au cours de vacances en Nouvelle-Écosse en 1879 que Munro fut averti de la situation précaire du collège par le frère de son épouse, John Forrest*, ministre de l’église St John à Halifax, nouvellement nommé au conseil d’administration de l’établissement par le synode presbytérien.

Les difficultés du collège touchèrent une corde sensible chez Munro. Durant les six années suivantes, soit jusqu’à ce que son plus jeune fils, John, soit inscrit au Dalhousie College en 1885, l’éditeur fit don d’une somme supérieure à 300 000 $ afin d’établir des chaires et de financer un programme à court terme de conseillers d’élèves et de bourses d’études. C’est ainsi que John Munro étudia dans un établissement où 7 des 20 professeurs et 50 des 163 étudiants bénéficiaient des largesses de son père. Munro dota la chaire de physique en 1879, celles d’histoire et d’économie politique en 1880, de littérature anglaise et de philosophie en 1882, de droit constitutionnel et international en 1883, et une autre chaire d’anglais en 1884. Les salaires qui y étaient rattachés variaient de 2 000 $ à 2 500 $ et représentaient le double de ce que les professeurs recevaient auparavant, ce qui haussa leur niveau de vie, peut-être imprudemment, à un niveau comparable à celui de l’élite. À court terme toutefois, ces chaires attirèrent plusieurs des jeunes universitaires les plus compétents de la région, des hommes tels James Gordon MacGregor* en physique ou Jacob Gould Schurman en philosophie. La dotation de la chaire de droit conduisit à la fondation de la faculté de droit du Dalhousie College, premier établissement universitaire au Canada dont l’enseignement se basait sur la common law [V. sir John Sparrow David Thompson].

Les charges de conseillers d’élèves illustrent bien l’écart qui existait entre les attentes de Munro au sujet du Dalhousie College et la réalité. Il s’agissait essentiellement de postes destinés à combler les lacunes de la formation des élèves issus des écoles secondaires pour rapprocher ceux-ci du niveau élevé de leurs confrères formés à la Pictou Academy, à la Halifax Academy ou au Prince of Wales College de Charlottetown. Le programme de bourses, au total presque 85 000 $ accordés à la suite d’examens, visait également « à stimuler l’esprit de compétition en suscitant plus d’activité et d’efficacité dans les écoles secondaires et les collèges de la Nouvelle-Écosse et des provinces voisines ». Si l’on se fie aux nombreuses occasions où aucune bourse ne fut accordée, il semble que les inquiétudes de Munro au sujet de la qualité de l’enseignement secondaire aient été amplement fondées. Il reste que ces bourses permirent aux deux premières femmes de s’inscrire au programme de premier cycle en 1881 et soutinrent plus de la moitié des 25 premières diplômées du Dalhousie College. Munro fit également don de livres et d’abonnements à des revues, non seulement à la bibliothèque du collège mais à la Citizens’ Free Library de Halifax et à la salle de lecture de l’Amalgamated Trades Union.

Munro se garda d’abuser de l’influence que ses dons lui procuraient. Il est vrai qu’il nomma son beau-frère John Forrest à la chaire la mieux rémunérée, celle d’histoire et d’économie politique, et qu’il désigna certaines personnes au conseil d’administration, droit que ses dons lui conféraient. Il refusa de devenir lui-même membre du conseil, car il préférait exercer ce genre d’activité plus près de chez lui, à la University of the City of New York. Toutefois, comme Forrest avait été nommé directeur du Dalhousie College dès 1885, les souhaits de Munro ne risquaient guère d’être négligés. Quoi qu’il en soit, il avait cessé vers le milieu des années 1880 d’ajouter à ses dons, tout en continuant de s’acquitter de ses obligations antérieures par des versements trimestriels échelonnés jusqu’en 1893, année où fut constitué un fonds en fiducie. Il ne fit pas de legs au collège dans son testament ; toutefois, le conseil d’administration réussit à obtenir de la succession une somme additionnelle de 82 000 $ que l’on versa dans le George Munro Trust Fund.

La contribution de George Munro, qui s’avéra vitale pour le Dalhousie College, fut officiellement reconnue en 1881 par l’institution d’un congé scolaire en son honneur, encore respecté de nos jours. Munro fut le premier grand bienfaiteur de l’établissement et la personne la plus généreuse à l’égard d’une université canadienne au xixe siècle. On peut en outre soutenir que les dons de Munro au Dalhousie College eurent une influence déterminante sur tout l’enseignement universitaire en Nouvelle-Écosse. Si l’on avait laissé le collège fermer ses portes, ce qui semblait probable à la fin des années 1870, les hommes politiques et les administrateurs scolaires auraient sans doute enfin été forcés de consolider les différents collèges de la province en une seule université. Les dons de Munro procurèrent toutefois au collège une indépendance qui l’aida non seulement à augmenter son effectif et à améliorer la qualité de ses professeurs, mais à se transformer peu à peu en une véritable université par l’établissement d’écoles destinées à former les membres des professions libérales. Ainsi, dans un sens, la fondation Munro n’eut pas que des bons côtés. De plus, la générosité de Munro fit bien peu pour endiguer la vague d’émigration de personnes douées des Maritimes. Celles qui partaient n’en étaient que plus instruites, et parmi elles se trouvaient certains des étudiants les plus prometteurs et des professeurs les plus brillants du Dalhousie College. Le propre gendre de Munro, J. G. Schurman, quitta Halifax en 1886 pour aller à la Cornell University, où il devint recteur. Munro lui-même avait été le précurseur de cet exode, et son succès illustre pourquoi les ressources humaines étaient devenues le principal produit d’exportation des provinces Maritimes à la fin du xixe siècle. Cependant, comme Izaak Walton Killam* et sir James Hamet Dunn* au xxe siècle, Munro sut rembourser avec de généreux intérêts l’investissement que sa province natale avait fait en lui.

Judith Fingard

Les registres de la Dalhousie Univ. (Halifax) qui se trouvent dans les archives de l’université sont très décevants comme source d’information sur George Munro. Selon l’archiviste, une grande partie de la correspondance et des papiers concernant le bureau du recteur avant 1911 ont été détruits dans les années 1930.  [j. f.]

DUA, MS 1–1, A, 1879–1901 ; B, George Munro letters, 27 janv. 1881, 11 oct., 1er nov. 1884, 30 mars 1889 ; MS 1–6, cash-books and ledgers, 1879–1900 ;George Munro letters, 26 mars, 27 déc. 1887 ; MS 1–7, matriculation and registration books, 1874–1898.— PANS, RG 32, M, 189, n° 26 ; WB, 65, n° 150.— Memorial of George Munro, born November 12, 1825, died April 25, 1896 (New York, 1896).— Dalhousie Gazette (Halifax), 15 nov. 1879, 18 nov. 1880, 11, 25 nov. 1881, 3 mai 1882, 13 janv., 23 nov., 24 déc. 1883, 14 févr., 30 avril, 10 nov. 1884, 23 janv., 6 févr., 4 mai, 14 nov. 1885, 16 janv., 15 déc. 1886, 23 avril 1887, 31 janv. 1889, 20 déc. 1893, 11 mai 1896.— Halifax Herald, 8 sept. 1894, 24, 29 avril, 5–6 mai 1896.— Morning Chronicle (Halifax), 22 août 1879, 3 nov. 1880, 26 oct. 1881, 10 juin 1882, 25 janv., 14 févr., 10 août 1883, 24 janv., 9, 12 févr., 5 avril, 31 juill. 1884, 30 juin 1885, 5–6 févr. 1886, 29 avril 1896.— Morning Herald (Halifax), 27 avril 1887, 2 févr. 1889, 14 janv. 1891.— New-York Times, 25 avril, 5 mai 1896.— Novascotian, 11 oct. 1851, 19 juill. 1852, 24 janv. 1853, 8 avril 1854.— Presbyterian Witness, and Evangelical Advocate, 11 oct. 1851, 8 avril 1854, 23 oct. 1856, 5 oct. 1861.— Belcher’s farmer’s almanack, 1853–1857.— DAB.— Dalhousie College and Univ., Calendar (Halifax), 1874/1875–1899/1900.— A. E. Marble, Nova Scotians at home and abroad, including brief biographical sketches of over six hundred native born Nova Scotians (Windsor, N.-É., 1977).— P. R. Blakeley, Glimpses of Halifax, 1867–1900 (Halifax, 1949 ; réimpr., Belleville, Ontario, 1973).— J. G. Reid, Mount Allison University : a history, to 1963 (2 vol., Toronto, 1984), 1.— Waite, Man from Halifax.— John Willis, A history of Dalhousie Law School (Toronto, 1979).— A. J. Crockett, « George Munro, « The Publisher », Dalhousie Rev., 35 (1955–1956) : 328–338 ; 36 (1956–1957) : 69–83, 163–173, 279–285 ; publié aussi en volume dans une édition limitée (Halifax, 1957).— D. C. Harvey, « The Dalhousie idea », Dalhousie Rev., 17 (1937–1938) : 131–143 ; « The early struggles of Dalhousie » : 311–326 ; « From college to university » : 411–431 ; « Dalhousie University established », 18 (1938–1939) : 50–66 ; articles réunis et publiés sous le titre de An introduction to the history of Dalhousie University (Halifax, 1938).

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Judith Fingard, « MUNRO, GEORGE (1825-1896) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/munro_george_12F.html.

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Auteur de l'article:    Judith Fingard
Titre de l'article:    MUNRO, GEORGE (1825-1896)
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1990
Année de la révision:    1990
Date de consultation:    20 déc. 2024