MOUNT, ROSWELL, arpenteur, homme politique, officier de milice, juge de paix et fonctionnaire, né en 1797 dans le canton de Delaware, Haut-Canada, fils de Moses Mount et de Jane Burtch ; il se maria vers 1820 et eut un fils et une fille ; décédé le 19 janvier 1834 à York (Toronto).

Roswell Mount grandit dans un canton isolé où il n’eut guère l’occasion de s’instruire mais, d’après sa notice nécrologique, il surmonta ce handicap « dans une large mesure » en développant ses talents naturels. Il fit son apprentissage d’arpenteur adjoint auprès de Mahlon Burwell* et reçut sa commission au début de 1820. D’abord à titre d’assistant de Burwell, puis seul de 1825 environ jusqu’en 1833, Mount fit des levés et traça des routes dans plusieurs cantons des districts de l’ouest de la province. Il acquit aussi des terres, tant en qualité d’arpenteur que par des achats, et montra pour la voirie, le développement régional et la politique un intérêt plus poussé que ne l’exigeait son métier.

Aux élections générales de 1830, Mount gagna l’un des deux sièges de la circonscription de Middlesex, se classant deuxième derrière Burwell après une lutte dépourvue d’intérêt entre trois tories. Selon le Christian Guardian, Mount accorda son suffrage au gouvernement sur toutes les questions importantes, et ce pendant les deux premières sessions. Ce ne fut peut-être pas par hasard qu’au cours de cette période il passa du grade de capitaine à celui de colonel dans la milice du comté de Middlesex, et qu’il devint juge de paix et commissaire de la voirie, puis agent des terres de la couronne du district de Western en 1832. Le commissaire des terres, Peter Robinson*, le connaissait depuis 1827 : les deux hommes s’étaient alors rencontrés en Angleterre, à l’occasion d’un comité spécial du Parlement sur l’émigration où ils avaient témoigné.

Le travail d’agent des terres n’était jamais facile mais, en 1832, il le fut moins que jamais pour diverses raisons. Cette année-là débarquèrent à Québec plus de 51 000 immigrants dont un grand nombre étaient porteurs du choléra. N’ayant reçu que de vagues instructions et agissant dans la plupart des cas de leur propre chef, les agents, pressés par les événements, devaient dépêcher par les villes et installer sur des terres ces immigrants indigents et peut-être maladifs. Plusieurs centaines d’entre eux furent envoyés à Kettle Creek (Port Stanley), puis dans le canton de Caradoc, où Mount devait les diriger vers les cantons d’Adelaide et de Warwick, qui étaient complètement inhabités. Les résidents des endroits où ils passaient avaient trop peur du choléra pour les aider ou les abriter. Par une dure saison de pluie, Mount se trouva donc seul à pouvoir leur fournir des rations, de l’argent, des soins et le logement. En juillet 1832, il aida 400 immigrants qui venaient de Petworth, dans le West Sussex ; en août, de 800 à 1 000 nouveaux arrivants se présentèrent ensemble ; d’autres encore, selon un mémoire rédigé plus tard en son nom, « affluèrent vers lui en grand nombre, semaine après semaine ». Comme il était ambitieux, il répondait à toutes les demandes en faisant la sourde oreille à Robinson, qui l’avertissait que le fonds destiné aux immigrants était limité. Quand l’automne arriva, Mount délégua avec grand plaisir ses pouvoirs à des assistants et partit pour York, où s’ouvrait la nouvelle session du Parlement.

Mount, désireux de se rendre populaire dans sa région, avait interprété les instructions de ses supérieurs dans le sens qui lui convenait. De son côté, le lieutenant-gouverneur sir John Colborne*, investi de responsabilités plus grandes, dut faire face aux conséquences administratives d’une dépense tout à fait imprévue qui ne fut portée à son attention que dans les premiers mois de 1833. Tandis qu’un total de £5 000 avait été alloué pour l’année 1832 au fonds qui servait à secourir les immigrants et à les aider à s’établir, les dépenses réelles s’élevaient à £13 286, dont une part stupéfiante, soit £7 588, était imputable à Mount. Robinson chargea sans délai un agent plus expérimenté, Alexander McDonell*, de faire enquête. Son rapport apaisa les pires craintes des autorités. Mount avait dépensé des sommes beaucoup plus importantes que la situation ne l’exigeait, mais McDonell ne lui reprocha qu’une mauvaise gestion qu’il attribuait à l’inexpérience. Les fournisseurs locaux avaient profité de lui et de la situation, mais il n’y avait pas eu « faute inacceptable ou intentionnelle » de la part des trop nombreux assistants de Mount ni, implicitement, de Mount lui-même.

Colborne souligna les difficultés de Mount dans ses rapports au ministère des Colonies, tout en notant les progrès qu’il avait personnellement constatés dans le canton d’Adelaide. Mount, avec l’aide de ses partisans locaux, avait déjà commencé à se défendre en montrant les résultats qu’il avait obtenus. En 1833, les cantons d’Adelaide et de Warwick comptaient plus de 2 000 habitants. Environ 3 796 acres de terre avaient été défrichées, dont près d’un tiers était en culture. En outre, la région était déjà dotée d’un réseau routier de 53 milles et un village était en voie de développement. Les dépenses de Mount avaient même eu des retombées favorables sur les cantons voisins. Néanmoins, certains changements s’annonçaient. Robinson, qui avait auparavant laissé beaucoup de décisions à la « discrétion » de chacun, prévint tous les agents en mai 1833 que toute dépense devrait d’abord être autorisée. Malheureusement aussi, Colborne dut réduire radicalement les fonds alloués aux immigrants pour l’année 1833.

Même si Mount ne risquait apparemment pas de perdre son poste d’agent, le règlement de ses comptes traîna jusqu’après sa mort. Robinson fit preuve de compréhension devant la vive inquiétude que Mount éprouvait quant aux effets que ces retards auraient sur son crédit personnel. Par contre, Colborne et Anthony Bewden Hawke*, agent à York, étaient plutôt frappés par l’arrogance et l’irrespect que Mount semblait manifester à ses supérieurs. Personne ne paraissait s’inquiéter de la mauvaise santé de Mount. À l’été de 1833, il ne pouvait déjà plus s’acquitter complètement de sa fonction d’agent. Sa mort, survenue subitement à York en janvier 1834, fut un choc pour les autorités.

Les funérailles de Roswell Mount furent célébrées à l’église St James par l’archidiacre John Strachan*. Plus tard, Burwell demanda de l’argent à Robinson pour payer les dépenses. Longtemps, Mount avait vécu à la limite ou au delà de ses moyens, physiques ou financiers. Une notice nécrologique fit discrètement allusion à une « difficulté familiale » qui avait eu un « effet malheureux sur ses relations domestiques et sociales ». La carrière de Mount illustre que, s’il était possible de quitter les régions isolées pour entrer dans la hiérarchie yorkaise, pareille ambition ne se réalisait pas toujours sans de fortes tensions.

Wendy Cameron

AO, MS 524 ; RG 1, A-I-4, 2 ; A-I-6 : 6133, 11035, 11153, 11274.— APC, RG 5, A1 : 70234, 70416, 70483, 70487, 70491, 70493, 70495, 70498, 70504, 71116, 72004, 74828.— PRO, CO 42/414 : 464 ; 42/415 : 94, 118.— Canadian Emigrant, and Western District Advertiser (Sandwich [Windsor, Ontario]), 1832–1833, 1er févr. 1834.— Christian Guardian, 15 févr. 1832.— H. I. Cowan, British emigration to British North America ; the first hundred years (éd. rév., Toronto, 1961).— History of the county of Middlesex [...] (Toronto et London, Ontario, 1889 ; réimpr. avec introd de D. [J.] Brock, Belleville, Ontario, 1972), 72, 187–189, 471.— Patterson, « Studies in elections in U.C. ».— Wendy [Stevenson] Cameron, « The Petworth emigration committee : Lord Egremont’s assisted emigrations from Sussex to Upper Canada, 1832–37 », OH, 65 (1973) : 231–246.

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Wendy Cameron, « MOUNT, ROSWELL », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/mount_roswell_6F.html.

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Auteur de l'article:    Wendy Cameron
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1987
Année de la révision:    1987
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