MINIAC (Mignac, Mignaque, Minire, Deminiac), JEAN-PIERRE DE, prêtre, sulpicien, missionnaire, grand vicaire et archidiacre, né dans le diocèse de Rennes, France, vers 1691, décédé à Nantes, France, le 8 mai 1771.

Entré chez les sulpiciens le 23 décembre 1717, Jean-Pierre de Miniac, licencié in utroque jure, arrive au Canada le 5 juillet 1722 et se voit confier la paroisse Saint-Laurent dans l’île de Montréal qui dépend du séminaire de Saint-Sulpice. À la fin de 1724, il est envoyé à Sainte-Trinité-de-Contrecœur, paroisse à laquelle est rattachée la desserte de Saint-Ours. Miniac a probablement une fortune personnelle car il achète quelques terres, dont une de 17 arpents, dans sa paroisse. En septembre 1731, Mgr Dosquet le fait venir à Québec et lui confie le poste de grand vicaire de la région de Québec pour succéder à Bertrand de Latour. Il ne reçoit toutefois ses lettres de nomination que le 4 septembre 1732. Ce choix surprend le chapitre car on s’attendait à ce que l’archidiacre Eustache Chartier* de Lotbinière, un Canadien, soit pourvu de cette charge importante, le clergé canadien estimant qu’il était temps qu’on l’invite à participer à l’administration de l’Église du Canada.

À partir de ce moment, Miniac loge au séminaire de Québec et assume des rôles de plus en plus importants dans l’administration ecclésiastique. Confesseur des ursulines de 1733 à 1736, il reçoit sa provision de chanoine le 10 septembre 1734 et est admis au chapitre de la cathédrale de Québec le 26 janvier suivant à titre d’official, succédant à Bernard-Joseph Boulanger, démissionnaire. Durant les absences prolongées de Mgr Dosquet, soit du 15 octobre 1732 au 16 août 1734, puis du 19 octobre 1735 jusqu’à la démission de l’évêque en mars 1739, il dirige en fait l’Église du Canada, et les autorités civiles n’ont qu’à se louer de « la sagesse et de la prudence » de son gouvernement. Le 5 février 1739, il devient archidiacre du chapitre de Québec par suite de la nomination de Chartier de Lotbinière à la dignité de doyen.

Le jour même de la mort de Mgr François-Louis de Pourroy* de Lauberivière, le 20 août 1740, Miniac est nommé par le chapitre, conformément au droit ecclésiastique, vicaire capitulaire du diocèse de Québec pour la durée de la vacance du siège. Cependant, dès le mois d’octobre suivant, il est impliqué dans un conflit avec le chapitre à propos de la cure de Château-Richer. Il prétend imposer à cette paroisse un de ses amis, l’abbé Roger-Chrétien Le Chasseur, alors que le chapitre soutient le curé en place, Louis-François Soupiran, qui est Canadien. La controverse remet à l’ordre du jour la question de la canadianisation du clergé de la Nouvelle-France. La cause est portée devant la Prévôté de Québec, et, au moment où Soupiran compte en appeler devant le Conseil supérieur, Miniac prend tout le monde par surprise en s’embarquant inopinément pour la France le 3 novembre 1740. Ce départ amène le chapitre à lui retirer à la fois ses pouvoirs de grand vicaire et de vicaire capitulaire. À Paris, Miniac rencontre plusieurs personnalités que préoccupe le sort de l’Église du Canada, et l’une d’elles, le chanoine Pierre Hazeur de L’Orme, émet l’hypothèse, assez vraisemblable d’ailleurs, que Miniac espérait obtenir la succession de Mgr de Lauberivière. Après la nomination de Mgr de Pontbriand [Dubreil*], il hésite avant de revenir au Canada.

On l’y retrouve, cependant, en août 1742. Le clergé canadien semble s’être inquiété des informations que Miniac avait pu fournir au nouvel évêque sur la situation de l’Église au Canada. Quoi qu’il en soit, à l’automne, Miniac est nommé grand vicaire pour l’Acadie par Mgr de Pontbriand qui compte sur lui pour apaiser les conflits divisant cette mission lointaine. Un témoin important des difficultés que venait de traverser l’Église du Canada est ainsi adroitement éloigné.

Parti de Québec le 12 septembre 1742, Miniac arrive à Rivière-aux-Canards (près de Canard, Nouvelle-Écosse), après un voyage long et difficile. Paul Mascarene*, au nom du gouverneur de la Nouvelle-Écosse, Richard Philipps*, fait des difficultés à agréer sa nomination. Le missionnaire restera toujours très sensible au pénible état matériel de sa nouvelle condition. Il manifeste cependant beaucoup de générosité dans son exil et se donne entièrement à sa tâche. Au moment de la guerre de la Succession d’Autriche, il ne dissimule pas à ses correspondants la crainte que lui inspirent les expéditions militaires venues du Canada, conscient qu’il est du danger qu’elles représentent pour la population. « Je regarderais comme le dernier des malheurs, pour ces habitants, écrit-il le 23 septembre 1745, s’il venait encore un party de Canada. » Ce n’est donc pas étonnant que l’intendant Hocquart et le ministre de la Marine Maurepas critiquent non seulement la conduite de Miniac mais aussi celle des autres missionnaires durant cet été-là, les accusant de sympathie envers les Anglais. Toutefois, Mgr de Pontbriand défend vivement le zèle patriotique de ses prêtres d’Acadie, dont le rôle est essentiellement ambigu à cette époque [V. Claude-Jean-Baptiste Chauvreulx*]. Ainsi, en échange de renseignements qu’il transmet aux troupes canadiennes, Miniac obtient la grâce d’un prisonnier anglais nommé Newton.

En septembre 1749, Miniac quitte son poste et retourne en France, vieilli, malade et presque aveugle. Après un bref séjour en Provence pour rétablir sa santé, il se retire à la communauté de Saint-Clément, à Nantes. C’est là qu’il passe les quelque 20 dernières années de sa vie, non sans rester en contact avec ses correspondants de Québec qui administrent pour lui les quelques biens qu’il a laissés au Canada. Il est d’ailleurs toujours archidiacre du chapitre de Québec. Il semble qu’on ait tenté de le forcer à démissionner en lui retirant sa prébende le 23 octobre 1751 mais elle lui est restituée le 30 avril 1753.

Jean-Pierre de Miniac meurt le 8 mai 1771. Celui que d’aucuns avaient jugé « dur dans sa conduite et dans les manières de s’exprimer » avait failli jouer un grand rôle dans l’Église du Canada. Les circonstances ont fait qu’il n’a pu jouer qu’un rôle effacé sur la scène bouleversée des missions acadiennes.

Micheline D. Johnson

AAQ, 12 A, A, 297v. ; B, 306v., 314, 315, 323, 325v. ; C, 170, 171 ; 22 A, II : 643 ; 10 B, 93v., 95v., 103v., 107, 110v., 126v., 127v., 144, 200v., 205v. ; 11 B, VI : 33 ; VII : 6 ; VIII : 58, 59, 60, 61 ; X : 13, 54 ; CD, Diocèse de Québec, II : 5, 172.— AN, Col., B, 66, f.36 ; 68, f.53 ; 70, ff. 16v., 24, 30, 31v., 42 ; 71, f.42v. ; 72, f.7 ; 74, f.24 ; 76, f.6 ; 81, f.64 ; C11A, 59, ff.163–166 ; 61, ff.65–70 ; 65, ff.28–30 ; 67, ff.110–113 ; 73, ff.5–8 ; 78, ff.407, 423–429 ; 80, ff.340–353 ; 82, f.326 ; 86, f.140 ; 89, f.255.— ANQ-Q, NF 19, 80.— ASQ, C 8, pp.226–229, 518, 519 ; C 9, p. 181 ; C 10, p.17 ; Lettres, M, 95 ; S, 7a–p ; T, 57, 59 ; Polygraphie, III : 61, 115 ; V : 26 ; VII : 2, 102, 102a, 103, 105–111, 113–119, 121, 122 ; IX :29 ; XVII : 2, 112, 117 ; XXVI : 39b, 39g ; Séminaire, 3, no 51 ; 4, nos 129b, 130, 131 ; 12, nos 29, 29a, 29b ; 14/6, nos 3, 7.— Coll. doc. inédits Canada et Amérique, I : 41–43 ; II : 10–75.— Édits ord. (1854–1856), II : 372.— La Rue, Lettres et mémoires, ANQ Rapport, 1935–1936, 276s., 301.— Mandements des évêques de Québec (Têtu et Gagnon), I : 550–552.— N.S. Archives, I, 319.— Gauthier, Sulpitiana (1926), 234.— Tanguay, Répertoire, 88 (exemplaire annoté à la main par les archivistes du séminaire de Québec).— H.-R. Casgrain, Les sulpiciens et les prêtres des Missions-Étrangères en Acadie (1676–1762) (Québec, 1897), 343–417.— A.-H. Gosselin, L’Église du Canada jusqu’à la Conquête, II : passim ; III : passim.— M.-A. Bernard, Sainte-Trinité de Contrecœur, BRH, IV (1898) : 193.— J.-E. Roy, Notes sur Mgr de Lauberivière, BRH, I (1895) : 4–11.— Têtu, Le chapitre de la cathédrale, BRH, XIV : 35, 76, 98, 105, 131 s., 145 ; XV : 14, 293 ; XVI : 7, 98, 138.

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Micheline D. Johnson, « MINIAC (Mignac, Mignaque, Minire, Deminiac), JEAN-PIERRE DE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 17 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/miniac_jean_pierre_de_4F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1980
Année de la révision:    1980
Date de consultation:    17 déc. 2024