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McKENZIE, ROBERT TAIT, éducateur, médecin, auteur et sculpteur, né le 26 mai 1867 dans le canton de Ramsay, Haut-Canada, troisième enfant de William McKenzie et de Catherine Shiells ; le 18 août 1907, il épousa à Dublin Ethel O’Neil (décédée en 1952), et ils n’eurent pas d’enfants ; décédé le 28 avril 1938 à Philadelphie.
Le père de Robert Tait McKenzie, ministre de l’Église presbytérienne libre, émigra d’Édimbourg en 1857. Environ un an plus tard, sa fiancée écossaise vint le rejoindre dans le canton de Ramsay, près d’Almonte, dans la vallée de l’Outaouais. En 1868, la famille s’installa dans cette ville, où Robert Tait fit ses études secondaires. Il s’inscrivit ensuite à l’Ottawa Collegiate Institute et suivit des cours de dessin. En 1885, il entra à la McGill University, à Montréal, où, initié par son ami d’enfance James Naismith, le jeune homme longiligne s’enthousiasma pour la gymnastique ; il y remporterait même le championnat de gymnastique toutes catégories en 1889. Il pratiqua également la natation, l’escrime, la boxe, le football et la course à pied, et triompha au championnat canadien universitaire de saut en hauteur. Pendant ses études universitaires, il passa les étés dans l’Ouest canadien à faire de l’arpentage (et à réaliser des croquis), dans les camps de bûcherons de son oncle John Bertram* ou comme débardeur à Montréal. En 1889, il reçut son baccalauréat ès arts et entra à l’école de médecine de la McGill University. L’année suivante, il devint le moniteur de gymnastique de l’université ; il s’était préparé à ce travail avec des cours d’été en éducation physique à la Harvard University. Il s’intéressa au nouveau domaine de la culture physique [V. Henri-Thomas Scott*], en particulier au sport et à l’entraînement (pour leurs bienfaits sur la santé physique et mentale), ainsi qu’à la formation dans ces disciplines.
L’obtention, en 1892, d’un doctorat en médecine et d’une maîtrise en chirurgie avec spécialisation en orthopédie permit à McKenzie d’accéder, deux ans plus tard, à des postes en anatomie et en éducation physique à la McGill University, de publier ses premiers articles sur l’éducation physique, et d’exercer la médecine dans le privé et à l’hôpital. Parmi ses patients figuraient des membres de la famille du gouverneur général lord Aberdeen [Hamilton-Gordon], association qui comportait des avantages. À l’occasion, McKenzie aimait exhiber son héritage écossais, notamment ses talents au chalumeau de cornemuse. Au cours de la période où il vécut à Montréal, il fit la connaissance de William Osler* et d’Andrew Macphail, collègues médecins, ainsi que de personnalités des cercles artistiques et littéraires de la ville, tels William Henry Drummond*, Charles Blair Gordon et Arthur John Arbuthnott Stringer. À la McGill University, le vaillant médecin demanda la construction d’un nouveau gymnase et proposa des mesures radicales pour régulariser l’activité physique, soumettre les nouveaux étudiants à des examens médicaux et utiliser l’exercice pour prévenir ce qu’on appelait des « conditions pathogènes » dans les écoles urbaines. Signe avant-coureur de son évolution professionnelle, un article qu’il publia en 1894 critiquait l’importance accordée à la victoire plutôt qu’au divertissement dans le football universitaire américain. Cette année-là, malgré des restrictions financières, la McGill University le nomma directeur médical des programmes d’éducation physique, premier poste de ce type au Canada. Il enseigna également l’anatomie artistique et exposa ses croquis à l’Association des arts de Montréal. Sous l’influence des sculpteurs George William Hill et Louis-Philippe Hébert*, qui l’initièrent à la technique du relief et aux idées du romantisme historique, il se lança dans la création de modelages vers 1900, avec, probablement, quelques connaissances du sport comme genre dans l’art américain. À l’instar d’autres sculpteurs réalistes, il adopta comme principes de base le corps humain et la forme néoclassique, et non pas la recherche esthétique.
McKenzie avait amorcé en 1899 des études pour des articles sur l’effet du stress sur le visage du sportif. Cela le conduisit, en 1902, à sculpter des masques montrant le progrès de la fatigue. À la même époque, suivant son penchant pour l’anatomie, McKenzie commença à utiliser les mensurations des sportifs de haut niveau – faux pas artistique, selon certains de ses amis sculpteurs – comme repères anthropométriques pour sculpter un corps humain aux proportions idéales, dénommé « l’homme mathématique ». La première œuvre de cette série, Sprinter, datée de 1902, illustre la position accroupie de départ, instaurée depuis peu ; McKenzie étudiait sans relâche l’aspect technique du sport. Exposée au Salon de Paris et à la Royal Academy of Arts de Londres, l’œuvre Athlete, créée en 1903, combine l’anthropométrie, sa synthèse conventionnelle des silhouettes classiques et des principes hellénistiques courants, ainsi qu’un dynamomètre de préhension, objet de vestiaire apparemment incongru. Elle reçut un accueil discret, mais fit de McKenzie le nouveau porte-parole de la dynamique corporelle en art.
En 1899, la University of Pennsylvania avait invité une première fois McKenzie à intégrer les rangs de son corps professoral à Philadelphie. Cinq ans plus tard, ses chances de mettre ses idées en application à la McGill University semblant toujours limitées, il accepta de s’installer dans la ville américaine pour occuper un poste de professeur à la faculté de médecine et de directeur du département d’éducation physique, auquel on attribua le statut de faculté à part entière. Le nouveau gymnase et le terrain d’athlétisme agrandi comptaient parmi les attraits connexes, en lesquels il voyait l’occasion de valoriser l’exercice et de promouvoir l’activité obligatoire. Même si la University of Pennsylvania était un bastion du sport sous l’emprise d’anciens étudiants, McKenzie s’efforça de mettre ses préceptes en œuvre. Tous les étudiants du premier cycle devraient subir un examen médical et faire de l’exercice. Bien éclairé par ses études exhaustives, il élargit son orientation réformiste pour y inclure le mouvement des terrains de jeu [V. Mabel Phoebe Peters*] et l’hygiène à l’école publique.
McKenzie, médecin minutieux qui prit le temps d’établir un cabinet d’orthopédie à Philadelphie, s’inséra dans l’élite locale grâce à son statut d’universitaire et à un réseautage efficace. Il adhéra au prestigieux Philadelphia Sketch Club, où les tableaux de sportifs masculins de Thomas Eakins avaient ouvert de nouveaux horizons. La cour qu’il fit à Ethel O’Neil, talentueuse professeure de musique native de Hamilton, en Ontario, à bord d’un bateau à destination de Londres et leur mariage subséquent contribuèrent à raffermir sa position dans la ville. Les Aberdeen avaient aidé à organiser les noces au Dublin Castle.
L’environnement et les structures de football de haut niveau que McKenzie trouva à la University of Pennsylvania, entre autres l’octroi de subventions aux joueurs, alimentèrent son art. Sa sculpture Onslaught (1904–1911), représentation d’une mêlée de joueurs de football, illustre parfaitement son habileté à rendre la violence du mouvement et à capter l’esprit des universités de la Ivy League. Des récits attestent de son respect pour ce sport, en particulier de ses missions médicales sur le terrain, mais il garda des réserves envers la politique du sport et le professionnalisme insidieux [V. Francis Joseph Nelson ; Norton Hervey Crow*]. Ses efforts pour réglementer certains sports à l’université (la boxe, notamment) portèrent fruit, et ses articles et conférences visant à promouvoir l’amateurisme et la santé, parus entre autres dans l’American Physical Education Review de Boston, exercèrent de l’influence. Au cours de sa carrière, il publierait au total plus de 100 articles dans des revues médicales, pédagogiques et artistiques.
En 1907, McKenzie occupa la chaire de physiothérapie, premier poste de ce genre dans un établissement d’enseignement américain. Son manuel intitulé Exercise in education and medicine, paru à Philadelphie en 1909, deviendrait l’ouvrage de référence des moniteurs d’éducation physique. La reconnaissance accordée à McKenzie, notamment, en 1914, une maîtrise honorifique en éducation physique du Springfield College, au Massachusetts, se manifesta à une époque de restrictions plus générales, qui ne touchaient pas seulement la politique sportive. McKenzie soutenait ainsi que les femmes avaient besoin d’exercice physique, mais qu’elles n’étaient pas faites pour les sports intenses. De plus, au cours d’une conférence d’été prononcée en 1923 à la University of California, à Berkeley, il déclara que « l’abus d’exercice physique dépouill[ait] la jeune fille américaine de sa beauté ». Prenant appui sur les canons de la Grèce ancienne, que peu de gens remettaient en question, il estimait que, sur le plan artistique, la forme masculine recelait plus de beauté intrinsèque. Ses rares représentations de femmes les montrent la plupart du temps habillées ou se limitent à des visages ; ses opinions négatives sur la mode féminine, certaines reposant sur des principes orthopédiques, lui attirèrent des critiques. Dans un commentaire sur les sculptures exclusivement masculines de McKenzie présentées à une exposition en 1928, où l’artiste illustrait une gamme émotionnelle définie seulement par le sport, un critique du Toronto Daily Star conclurait, trop sévèrement, que « McKenzie n’[était] pas féministe ».
Grâce à ses mains de chirurgien, McKenzie devint maître des portraits et des scènes sportives en relief. Chaque posture et chaque saillie de muscle devaient reposer sur la précision anatomique. La plupart de ses sculptures d’athlètes étaient des nus, sauf Onslaught ; son ami sculpteur belge Charles van der Stappen l’avait convaincu qu’il valait mieux, dans cette œuvre, que les joueurs de football soient vêtus. McKenzie combina diverses techniques de la sculpture grecque de la haute période classique (490−323 av. J.-C.) pour créer son image idéale de la figure masculine. Une association s’était formée en 1910 avec notamment les spécialistes du classicisme Percy Gardner et Edward Norman Gardiner, dont les écrits sur le sport et l’idéalisme sculptural en Grèce ancienne, maintenant dépassés, donnèrent du prestige aux objectifs de McKenzie. Ses instincts conservateurs se renforcèrent également avec l’étude des œuvres du sculpteur américain du xixe siècle Augustus Saint-Gaudens. Les figures de McKenzie tendaient néanmoins à frapper les spectateurs par leur modernité ; celle-ci se traduisait par des corps qui exhibaient plus de muscles que les nus classiques, par le choix des sports représentés, par le mouvement irrégulier, et même par les coiffures.
Les critiques positives que suscitèrent des productions en relief de McKenzie, telles que Joy of effort, gros médaillon illustrant des coureurs de haies que le United States Olympic Committee lui commanda en 1912, reflétaient la réaction enthousiaste du public à la liste croissante de ses expositions, commandes et ventes. Son lien avec les Jeux olympiques durerait : il donna d’abord une série de conférences sur l’anatomie artistique en relation avec les Jeux olympiques de 1904, exposa ses sculptures de sportifs à ceux de 1924 et de 1928, et remporta une médaille de bronze à la compétition artistique des Jeux olympiques de 1932. Au total, en collaboration avec des fonderies de Providence, dans le Rhode Island, et de New York, ce « travailleur infatigable », comme le décrivit l’historien d’art britannique William Kineton Parkes, produisit quelque 126 œuvres sportives, la plupart de petit format. Leur réception resta toutefois mitigée. L’œuvre sculpturale de McKenzie étonna certains critiques, qui la qualifièrent de « pièces de modelage inhabituelles [ou] habiles quoique sans distinction particulière ». Même si d’autres sculpteurs de sportifs aux États-Unis et en Grande-Bretagne déployèrent plus de complexité dans l’esthétique et la composition, peu d’entre eux dépassèrent McKenzie dans la création de figures emblématiques aussi populaires. En 1910, fort de sa renommée grandissante, McKenzie avait déjà étendu ses activités à la commémoration historique. Une statue destinée à la University of Pennsylvania, représentant son célèbre fondateur Benjamin Franklin, fut dévoilée en 1914. Fidèle à lui-même, McKenzie avait épluché la documentation sur Franklin pour y puiser inspiration et ressemblance physique, d’autant plus que cet Américain par excellence avait promu l’exercice physique. Un ancien étudiant admiratif reconnut chez McKenzie la quête de « véracité physique » au lieu de la « tension émotionnelle » caractéristique de l’œuvre d’Auguste Rodin.
La Première Guerre mondiale réorienta abruptement les préoccupations de McKenzie. Même s’il habitait aux États-Unis, il avait toujours le statut de sujet britannique et, en 1915, prit congé de l’université pour se rendre en Angleterre afin de s’engager dans le Corps expéditionnaire canadien. En juillet, il accepta plutôt une affectation provisoire de lieutenant au sein du Royal Army Medical Corps. Comme on lui refusa d’abord une mission au quartier général de l’entraînement physique en Grande-Bretagne, faute de postes, il s’enrôla dans un cours d’entraînement de base, pendant lequel l’armée découvrit qu’il avait signé l’un de leurs manuels en usage, Exercise in education and medicine. Bientôt nommé au ministère de la Guerre, il collabora à la conception d’un nouveau programme d’entraînement physique et réorganisa les camps de convalescence de la Grande-Bretagne. Promu temporairement major, il devint commandant au Heaton Park Command Depot, où il dirigea le traitement de milliers de soldats blessés. Entre 1915 et 1923, il écrivit d’autres articles et textes avant-gardistes sur la reconstruction physique, la physiothérapie et la réadaptation, notamment l’ouvrage innovant Reclaiming the maimed : a handbook of physical therapy, publié à New York en 1918 ; la marine et l’armée américaines, ainsi que le gouvernement de la France, s’en serviraient comme manuel officiel sur la réadaptation. Dans le but avoué de remettre des soldats en service, McKenzie utilisa l’électrothérapie, la chaleur sèche et l’hydrothérapie pour traiter les muscles estropiés, et reconnut le besoin de soins psychiatriques en parallèle. Il conçut également plusieurs appareils de physiothérapie. Pendant son passage au Heaton Park Command Depot, il obtint un taux de réussite élevé en réadaptation des soldats : environ la moitié de ses patients reprirent du service. Après avoir quitté ses fonctions en septembre 1916, il inspecta des établissements de convalescence au Canada et aux États-Unis en 1917−1918, mais il resta engagé dans le traitement des soldats blessés. Son aversion pour la dégradation corporelle stimula son dévouement au rétablissement physique et l’éloigna de toute description artistique de l’enfer des tranchées. En 1919, il était de retour à la University of Pennsylvania et avait intégré le corps professoral de la Philadelphia School of Occupational Therapy, fondée cette année-là.
Alors surchargé de travail, McKenzie avait renoncé à la pratique privée. Dans la foulée de l’après-guerre, on rechercha son expertise pour ériger des monuments en Grande-Bretagne, aux États-Unis et au Canada, où il souhaitait ardemment obtenir la reconnaissance. Des articles de fond accrurent sa notoriété. La McGill University lui décernerait un doctorat en droit en 1921, et plusieurs projets découlèrent de ses liens constants avec des dignitaires canadiens. En 1919, on érigea à Montréal son premier monument commémoratif canadien, en hommage à un fils de sir George Alexander Drummond*. Encouragé par ces missions, McKenzie recommença à exposer ses œuvres en 1920. Cette année-là, dans une exposition tenue à Londres, ses études de jeunes hommes athlétiques s’attirèrent des louanges pour leur imitation des sculpteurs de la Grèce ancienne, non pas tant pour le modelage que pour l’énergie qui semblait s’en dégager. Sa réputation en Grande-Bretagne lui valut la commande d’un monument commémoratif de guerre à Cambridge, Home-coming (1920−1922), pour lequel il fit des recherches sur les visages et les corps lisses du « type racial » des braves hommes de l’Est-Anglie qu’il souhaitait représenter, démarche aujourd’hui remise en question à titre de pseudoscience. Antithèse de la chair éclatée et essence de l’espoir, l’œuvre est l’équivalent visuel des jeunes décrits par les poètes de guerre célèbres tels Wilfred Owen et Rupert Brooke. L’imagerie déchirante du monument Royal Artillery (1923–1925) de Charles Sargeant Jagger, érigé à Londres, n’inspirait pas McKenzie. Ce dernier sculpta ensuite pour Almonte un monument commémoratif empreint de sentimentalisme, The volunteer (1921–1923), autre représentation d’un jeune homme en uniforme (supposément à l’« âme inquiète »), qui ramena McKenzie dans la vallée de l’Outaouais pour la première fois depuis la mort de sa mère en 1914. Plus tard, il produisit un monument imposant, The call (1924−1927), montrant la transformation d’un civil en soldat à Édimbourg. Il considérait cette œuvre, parrainée par la St Andrew’s Society of Philadelphia, comme sa meilleure.
Ces sculptures, qui exigèrent de patientes négociations avec les comités locaux et une bonne compréhension du sentiment d’après-guerre, permirent à McKenzie de passer aisément à la conception, de 1927 à 1930, d’une statue idéalisée du général James Wolfe*, installée à Greenwich (Londres). L’étude d’écrits d’historiens anglocentriques et de longues promenades sur les plaines d’Abraham, à Québec, lui fournirent les assises héroïques recherchées. Membre de la National Sculpture Society des États-Unis à partir de 1922 et de la Pennsylvania Academy of the Fine Arts, il fut élu membre de l’Académie royale des arts du Canada en 1928. La même année, la University of Pennsylvania lui décerna un doctorat honorifique en arts. Cette visibilité accrue entraîna une attention redoublée de la critique. En 1925, son nom figura dans un article de l’International Studio de New York sur une variété de sculpteurs sportifs des deux sexes. En 1928, à Toronto, une exposition qui rassemblait les œuvres de McKenzie et de Paul Howard Manship confirma leur maîtrise du muscle en mouvement ; le jeune Manship avait toutefois élevé l’archaïsme à des niveaux avant-gardistes.
Pour McKenzie, la sculpture constituait néanmoins un dérivatif lucratif et nécessaire à la rancune qui régnait entre son département et l’association sportive indépendante de l’université, en particulier après la guerre. Dans ses cours et ses articles, où il ne cessait de promouvoir l’éducation et la performance physiques de la personne moyenne, il fulminait contre ce clivage issu de la rancœur, les effets corporels délétères de la compétition imposée à des garçons en croissance, l’octroi de subventions, le laxisme dans la gestion des recettes et les anciens étudiants, qu’il jugeait trop enthousiastes. Même si ses plans furent déjoués et mis en minorité pendant des années, il avait progressé dans la réalisation de ses objectifs : instauration d’un monitorat en éducation physique pour femmes (1919), tentative des administrateurs de l’université de fusionner l’éducation physique et l’activité sportive (1922), programme de formation pour les professeurs d’éducation physique, et nombreux manuels et articles importants sur l’éducation physique et la physiothérapie, principaux domaines où il exerçait de l’influence. En 1929, on accorda une année de congé à McKenzie, surmené, qui avait menacé de démissionner à plus d’une reprise. Une biographie hagiographique publiée cette année-là par l’historien d’art britannique Christopher Hussey, qui le qualifia de « Phidias moderne », lui apporta un encouragement additionnel.
Voyageurs invétérés, McKenzie et sa femme mondaine prirent des vacances en Méditerranée et en Grande-Bretagne en 1930. Un ami écrivit à McKenzie qu’il devrait profiter de l’occasion pour étudier la véritable « Antiquité grecque et romaine », afin d’étayer sa définition des « canons de la beauté masculine ». Le travail de McKenzie s’imprégnait pleinement de l’homoérotisme profondément ancré dans la culture du sport amateur. D’autres commentateurs attestèrent de son intérêt pour les perceptions des idéaux grecs de la perfection masculine en vogue au début du xxe siècle, intérêt qui concordait avec son engouement pour le mouvement olympique et ses affinités constantes avec Edward Gardiner qui, dans son livre sur les sports anciens publié en 1930, avait cité les bronzes de McKenzie comme s’apparentant à la représentation archéologique de cette perfection.
McKenzie retourna à ses racines en cherchant un refuge estival : il acheta en 1931 un moulin abandonné près d’Almonte. Aidé de son neveu architecte, William O’Neil, il le restaura, y ajouta un atelier et le baptisa Mill of Kintail en mémoire de la demeure ancestrale des McKenzie en Écosse. Le lieu constituait un splendide décor pour son attachement sentimental aux Highlands. Inspiré par des historiens locaux, McKenzie collectionna des artefacts et des documents. De vieilles connaissances se souvinrent de lui comme d’un homme doux et extrêmement méthodique. De Philadelphie, il venait au Canada de plus en plus souvent. Ses rapports avec les élites canadiennes s’accrurent. En 1932, McKenzie et sa femme séjournèrent à la résidence du gouverneur général, lord Bessborough Fields. Dans son petit recueil de poésie de 1932, Ethel McKenzie vante la dextérité de son mari pour modeler l’argile. McKenzie tira également de la satisfaction des fonctions administratives qu’il assuma au sein d’organismes tels que l’American Academy of Physical Education et l’Academy of Physical Medicine. Dans son université, à la faveur d’exposés de la Carnegie Foundation for the Advancement of Teaching et d’un changement à la présidence, le département avait connu des réformes en 1931 en vue de restaurer l’amateurisme dans les sports et de mettre sur pied des divisions de la santé estudiantine, de l’éducation physique et du sport interuniversitaire, qui comptaient des étudiants dans leur comité de gestion. En reconnaissance de l’engagement de McKenzie à titre de conseiller et pour retarder son départ à la retraite, l’université le nomma à la chaire de recherche J. William White en éducation physique, nouvellement établie.
], à l’occasion du dévoilement de son monument commémoratif de la Confédération à l’édifice du Centre, sur la colline du Parlement à Ottawa. Cette année-là, McKenzie conçut la médaille Fields (prix international de mathématiques) pour son collègue canadien John CharlesLes commandes de sculptures se multiplièrent pendant les années 1930. Au cours de sa carrière, McKenzie réalisa plus de 200 œuvres. Les courants artistiques en vogue depuis la guerre, entre autres le primitivisme (imagerie empruntée à des peuples non occidentaux), les attaques contre ce qu’on appela « le poids encombrant de la Grèce » et la sculpture en pierre ne présentaient aucun intérêt pour McKenzie, désormais plein d’assurance. Son travail avait peu évolué ; il se passionnait plus pour la capture répétitive de moments commémoratifs et sportifs. Ses dernières années furent gratifiantes, malgré des problèmes cardiaques, et le temps passé dans ses ateliers tempéra sa vie publique quasi hyperactive.
En 1938, la Chambre des communes du Canada demanda à Robert Tait McKenzie de concevoir un monument commémoratif en hommage à l’archiviste du dominion sir Arthur George Doughty. Cette année-là, McKenzie mourut subitement à son domicile d’une crise cardiaque avant d’avoir terminé le projet. Il avait exprimé le désir que son cœur soit enterré à Édimbourg sous sa sculpture The call ; comme les autorités municipales rejetèrent la requête, on inhuma plutôt l’organe à proximité, dans la cour de l’église St Cuthbert. On déposa ses cendres à l’église épiscopale St Peter, à Philadelphie. Des nécrologies reconnurent ses années de formation au Canada et louangèrent ses succès en éducation et en médecine, mais certains trouvèrent difficile d’évaluer la valeur de son œuvre artistique. Un biographe britannique avoua que, chez McKenzie, les « intérêts artistiques, anatomiques et sportifs étaient si étroitement liés qu’il [était] extrêmement complexe d’établir une appréciation juste de son rang comme sculpteur ». Il vaut mieux examiner la question en regard de l’ensemble de ses réalisations pionnières dans les domaines de l’éducation physique et de la physiothérapie. À la fois compétent et populaire, McKenzie considérait la pratique sculpturale comme la science empirique permettant de comprendre le corps dans sa noble condition athlétique, et puisa constamment dans les canons classiques pour façonner un style tout à fait contemporain : la figure sportive américaine.
Pour leur aide précieuse, nous remercions sincèrement Bruce Kidd, David J. Getsy, Marc Gotlieb, Stephanie Kolsters, Joyce Millar, Sarah O’Neil-Manion et Jesse C. Roberts.
Dans J. S. McGill, The joy of effort : a biography of R. Tait McKenzie ([Toronto] et Bewdley, Ontario, 1980), on trouve une liste des publications et sculptures de Robert Tait McKenzie, ainsi que des organismes dont il a fait partie. Fred Mason analyse ses écrits liés à la guerre dans « Sculpting soldiers and Reclaiming the maimed : R. Tait McKenzie’s work in the First World War period », Bull. canadien d’hist. de la médecine (Waterloo, Ontario), 27 (2010) : 363–383.
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David Roberts, « McKENZIE, ROBERT TAIT », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/mckenzie_robert_tait_16F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/mckenzie_robert_tait_16F.html |
Auteur de l'article: | David Roberts |
Titre de l'article: | McKENZIE, ROBERT TAIT |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2021 |
Année de la révision: | 2021 |
Date de consultation: | 20 déc. 2024 |