LONGMORE (Longmoor), GEORGE, médecin, officier, fonctionnaire et propriétaire foncier, né vers 1758 à Banffshire, Écosse ; décédé le 9 août 1811 à Québec.
George Longmore semble avoir appartenu à une famille assez fortunée. Probablement membres de l’Église épiscopale d’Écosse – le frère de George, Alexander, sera vicar de Great Baddow, en Angleterre, de 1779 à 1812 –, les Longmore semblent avoir placé les valeurs intellectuelles au premier plan. Longmore fréquenta le King’s Collège d’Aberdeen, qui lui décerna une maîtrise ès lettres en 1778. Après avoir étudié l’anatomie, la chirurgie et la pratique médicale à l’University of Edinburgh en 1780 et 1781, il vint en Amérique du Nord à titre d’auxiliaire médical dans le service médical de l’armée britannique. À New York, il fut membre du personnel médical sous les ordres de John Mervin Nooth*, qu’il en vint à estimer en tant que médecin et à titre d’ami par la suite. En novembre 1783, il fut muté dans la province de Québec et attaché au personnel médical de l’armée à Trois-Rivières. Il se vit d’abord affecter au service des Loyalistes établis à Yamachiche, dont le nombre ne cessait de croître, et qu’il accompagna quand, en 1784, ils furent transportés à la baie des Chaleurs. En plus d’assumer ses fonctions médicales, il fut, à partir de l’été de 1785, juge de paix et secrétaire de Nicholas Cox*, lieutenant-gouverneur de Gaspé. Durant l’absence de Cox en 1786 et 1787, Longmore lui servit de substitut. Son mariage avec la fille de Cox, Christiana (Christina) Laetitia, qui eut probablement lieu à cette époque, assurait son accession aux échelons inférieurs de la classe dirigeante de la colonie ; le couple devait avoir cinq fils et cinq filles.
En juin 1788, les Longmore arrivèrent à Québec et, à titre d’auxiliaire du personnel médical (qui avait été transféré de Trois-Rivières à Québec), Longmore reprit contact avec Nooth. À cette époque, Québec offrait des perspectives d’avenir pour la pratique privée et l’avancement professionnel. En 1789, devenu aide-chirurgien, Longmore fut assigné auprès du personnel médical de l’Hôtel-Dieu. Deux ans plus tard, avec les docteurs Nooth, John Gould, James Fisher* et Philippe-Louis-François Badelard, il témoigna devant une commission formée par le Conseil législatif pour enquêter sur la nature et l’importance de la maladie de Baie-Saint-Paul. En mars 1795, en compagnie de Nooth, Fisher et Frédéric-Guillaume Oliva*, il répondit aux questions de la chambre d’Assemblée au sujet d’un projet de loi sur la quarantaine, alors en cours de discussion. Le statut professionnel de Longmore fut reconnu cette année-là par sa nomination au sein du Bureau des examinateurs en médecine de Québec. En 1801, il fut nommé commissaire chargé du soin des aliénés et des enfants trouvés.
Longmore se considérait lui-même comme « un esprit curieux » et « attentif ». C’est peut-être cette curiosité intellectuelle, ou l’appât du gain, qui l’amena, en juin 1796, à conclure une curieuse entente avec l’abbé Pierre-Joseph Compain. En effet, Longmore déboursa £129 sur-le-champ et accepta de verser £400 supplémentaires deux ans plus tard pour apprendre la recette d’un traitement secret du chancre, tout en promettant de garder le secret pendant dix ans. Il fut également entendu que, advenant le décès de Longmore au cours d’un voyage qu’il projetait de faire en Grande-Bretagne, Nooth serait informé du traitement et qu’il lui serait permis de l’administrer au profit de la famille de Longmore. Cette année-là ou l’année suivante, il se peut que Longmore ait été déçu de l’efficacité du remède ou de la rentabilité de l’entente, si bien qu’en 1798, à la suite de « difficultés » survenues entre lui et Compain, le second versement passa de £400 à £75. Longmore promit de ne pas divulguer le traitement avant la mort de Compain et ne fut autorisé à faire usage du remède que pour lui-même et sa famille.
Non seulement Longmore déployait-il une grande activité intellectuelle, mais encore avait-il de l’ambition. Six mois après avoir été promu chirurgien, en janvier 1796, il fit le voyage projeté en Grande-Bretagne en vue d’obtenir le doctorat en médecine du King’s Collège et réussit à l’obtenir le 10 novembre. Au cours de son séjour en Angleterre, il contribua modestement à la collection philologique de sir Joseph Banks, président de la Royal Society, par un don de lettres traduites d’Indiens du Saguenay.
De retour à Québec en 1797, Longmore fut chargé, en qualité d’apothicaire des forces armées, d’approvisionner en médicaments et fournitures diverses tous les hôpitaux et postes militaires du Haut et du Bas-Canada, et de fournir aux chirurgiens des régiments le matériel médical essentiel. Il siégea aussi au sein du conseil des hôpitaux au même titre que d’autres chirurgiens plus anciens. En 1799, le lieutenant-gouverneur Peter Hunter, commandant des forces militaires des deux Canadas, lui demanda, ainsi qu’à Fisher et William Holmes*, chirurgien des forces armées, de dresser l’état de la situation de l’épidémie de fièvre typhoïde déclenchée dans le port par l’arrivée de navires. Bien qu’avec ses contemporains il partageât l’idée que la maladie provenait de l’air vicié dans les entreponts, Longmore se distingua plus tard en utilisant dans son traitement un appareil de verre, conçu par Nooth, qui répandait une solution de camphre à intervalles réguliers. Longmore aurait aussi utilisé du « gaz oxygène » – de quelle façon, on ne le sait pas – pourtant alors introuvable. En mai 1800, à la recommandation du Conseil législatif, Longmore et Robert Jones de Montréal reçurent chacun £105 en reconnaissance des soins qu’ils prodiguèrent aux familles pauvres, victimes de la fièvre.
L’empressement de Longmore à adhérer aux idées nouvelles fut une fois de plus démontré lorsque celui-ci se fit le promoteur de la vaccination antivariolique, qu’un jeune officier du génie, George Thomas Landmann*, avait introduite à Québec en 1801. Utilisant des « prélèvements de cowpox », qu’on lui avait fait parvenir d’Angleterre, Longmore entreprit l’ « inoculation du vaccin » le 16 avril 1802 et vaccina personnellement près de 50 patients cette année-là, tout en distribuant le vaccin à d’autres médecins. En 1803, il vaccina gratuitement à l’Hôtel-Dieu et publia dans la Gazette de Québec une série de lettres et d’articles visant à renseigner le public sur le procédé de la vaccination. En plus du personnel médical, des profanes commencèrent aussi à vacciner ; dans la région de Gaspé, le juge de paix Theophilus Fox entreprit d’administrer le vaccin suivant les instructions de Longmore. Cependant, ce dernier fut le seul membre de la profession médicale à promouvoir publiquement la nouvelle méthode. La Gazette de Québec le remercia « de s’être [...] mis de l’avant » pour faire accréditer la vaccination en dépit de l’opposition résultant de la peur, de l’ignorance et du charlatanisme, et elle estima que le peuple « était grandement redevable à ce gentleman de la générosité avec laquelle il avait mené son entreprise ». La fréquentation de la clinique de Longmore s’avéra cependant décevante, et ce n’est qu’en 1815 que l’on tenta de mettre sur pied un programme de vaccination publique.
Longmore avait escompté devenir l’officier supérieur des hôpitaux et chirurgien des forces armées, mais ses espoirs s’évanouirent quand, en 1803, James Macaulay* fut nommé à ce poste. Plus encore, le poste d’apothicaire fut supprimé, en raison d’une réduction de personnel cette année-là. La perspective d’être à la demi-solde, avec une « femme et six enfants à nourrir et à faire éduquer », ne lui souriait guère, mais, grâce à une requête habilement formulée et présentée au commandant en chef Hunter, Longmore obtint sa réintégration avec plein traitement. De plus, en 1805, il fut nommé officier de santé du port de Québec, fonction civile garantissant une rémunération de £100 par an. Ses responsabilités dans le domaine maritime ressemblaient à celles qu’il avait précédemment assumées comme apothicaire. Longmore tira également des revenus de la pratique privée et, de 1804 à 1807, en tant que chirurgien de la division civile du Board of Ordnance à Québec.
Longmore mena’ une vie aisée et se révéla un habitué du petit cercle de la société de la haute ville de Québec. À partir de son arrivée à Québec, il logea successivement dans diverses maisons bien situées des rues Saint-Louis, Buade et Sainte-Anne, et, en 1795, il avait apparemment employé deux domestiques. Comme membre de la garnison, il put prendre part à la vie mondaine qui se déroulait au château Saint-Louis, résidence du gouverneur. Il participa aussi, dans une certaine mesure, à la vie communautaire, en plus de se préoccuper de la santé publique. Il fut membre de la Société d’agriculture, fondée en 1789, souscrivit à une pétition réclamant, en 1790, l’établissement d’une université et, quatre ans plus tard, signa une déclaration de loyauté envers la Grande-Bretagne, dans un contexte d’agitation politique fomentée par des agents favorables à la Révolution française [V. David McLane*]. Même s’il ne fait aucun doute qu’il tira parti de ses talents médicaux, littéraires et administratifs, il dut certainement une partie de sa réussite sociale à des personnages influents, tels que Nooth, Cox, Hunter et Henry Caldwell.
Comme plusieurs de ses contemporains britanniques, Longmore investit beaucoup de temps et d’argent dans l’acquisition de terres en vue d’en faire la spéculation. En 1785, il avait acquis dans la région de Gaspé neuf lots urbains (davantage qu’en acquit Cox lui-même) et au moins un lot situé en campagne, et, en 1791, il acheta une ferme de 200 acres près du havre de Bonaventure. Longmore se vit également entraîner dans la course à l’obtention de concessions dans les Cantons de l’Est. Au début des années 1790, en qualité de chef, conformément au système des chefs et associés de canton [V. James Caldwell], il demanda des terres dans les cantons de Horton et Aberdeen, mais ne les obtint pas. En compagnie de Nooth et de quelques autres médecins, il s’associa à Hugh Finlay, président du comité des terres du Conseil exécutif, pour présenter une pétition en vue d’obtenir 20 000 acres le long de la rive occidentale de la rivière Saint-François. En 1803, en reconnaissance de services qu’il rendit à Cox dans la région de Gaspé, il reçut plus de 11 000 acres dans le canton de Kingsey. Il acheta également 5 500 acres de Nooth dans le canton de Thetford et 1 200 dans le canton de Tewkesbury. En 1810, Longmore était probablement assez riche. En août de cette année-là, il partit en congé pour l’Angleterre, peut-être pour des raisons de santé. Il revint au début de juillet 1811 et mourut subitement le mois suivant, âgé d’environ 53 ans.
Malgré sa situation confortable au sein de l’establishment colonial, George Longmore démontra un souci constant pour la santé publique en général ; par exemple, il ne reçut aucune rémunération pour ses 22 ans de service à l’Hôtel-Dieu et, en 1802, il soigna gratuitement des immigrants malades. Ce qui le distingua cependant de quelques-uns de ses contemporains fut sa volonté d’innover. Bien que formé dans la tradition médicale du xviiie siècle, il était prêt à s’adapter à la médecine scientifique du xixe siècle en train d’émerger, et sa reconnaissance de l’importance de la médecine préventive apparaît clairement dans le combat qu’il mena en faveur de la vaccination, laquelle, comme il l’avait prévu, allait devenir une pratique universelle.
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Barbara R. Tunis, « LONGMORE (Longmoor), GEORGE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 21 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/longmore_george_5F.html.
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Auteur de l'article: | Barbara R. Tunis |
Titre de l'article: | LONGMORE (Longmoor), GEORGE |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1983 |
Année de la révision: | 1983 |
Date de consultation: | 21 déc. 2024 |