LA ROCQUE (Larocque), JOSEPH, prêtre catholique, professeur et évêque, né à Chambly, sur le Richelieu, Bas-Canada, le 28 août 1808, fils de Timothée-Amable La Rocque et de Marie-Angèle Paré, décédé à Saint-Hyacinthe le 18 novembre 1887.

Grâce à l’Association pour faciliter les moyens d’éducation dans la Rivière-Chambly, le jeune Joseph La Rocque, tout comme son cousin Charles La Rocque*, put faire, à titre de boursier, des études classiques régulières au collège de Saint-Hyacinthe. De 1821 à 1829, il parcourut le cycle des classes, toujours le premier parmi ses camarades, succès attribuable à son amour de l’étude, à la pénétration de son intelligence et à la solidité de son jugement. Durant sa rhétorique, qu’il fit après sa philosophie, sous la direction de l’abbé Joseph-Sabin Raymond, on le pria d’assumer l’enseignement de la philosophie à la place de l’abbé Louis Proulx*, appelé inopinément à la direction du collège. Au témoignage de l’historien de la maison, « son enseignement, grâce à la préparation qu’il y apporta, fut goûté et donna pleine satisfaction ».

La Rocque revêtit la soutane au mois d’août 1829. Tout en étudiant la théologie, il enseigna les lettres, soit à Saint-Hyacinthe même, soit au collège de son village natal. De retour à Saint-Hyacinthe, il ajouta à ses leçons de littérature celles de calligraphie, de sténographie et de dessin. De concert avec son ami et ancien professeur de rhétorique, Raymond, il prit part à une polémique sur le fondement philosophique de la certitude tel qu’il avait été soutenu en France, quelques années auparavant, par Hugues-Félicité-Robert de La Mennais. La condamnation pontificale des thèses ménaisiennes mit abruptement fin à un débat où se relayait la fougue plus disputeuse qu’éclairée des deux amis [V. Isaac-Stanislas Lesieur-Désaulniers*].

Ordonné prêtre le 15 mars 1835 par Mgr Jean-Jacques Lartigue*, La Rocque poursuivit son enseignement au collège de Saint-Hyacinthe aux côtés des abbés Raymond, Lesieur-Désaulniers et Jean-Charles Prince*. Il fut nommé directeur le 22 juillet 1840 et, deux ans plus tard, supérieur, lorsque Mgr Ignace Bourget érigea canoniquement le collège en séminaire.

En août 1847, Mgr Bourget appela La Rocque à l’évêché de Montréal pour lui conférer un canonicat dans le chapitre de sa cathédrale. Il fut particulièrement chargé de la rédaction des Mélanges religieux après qu’Hector-Louis Langevin* eut démissionné le 20 juillet 1849 : on trouvait à l’évêché, dont les Mélanges étaient l’organe officiel, que Langevin avait fini par donner au journal qu’il dirigeait depuis deux ans une allure décidément trop partisane, qui allait encore s’accentuer dans la chronique politique qu’on lui avait demandé d’assurer après son départ comme rédacteur. « Les Mélanges ayant à présent, écrivait La Rocque à Langevin le 1er octobre 1849, un caractère plus ecclésiastique, il semble qu’ils doivent éviter, autant que possible, de heurter de front les passions des hommes [...] Je crois que vous penserez comme [moi], si vous vous rappelez combien les Prêtres sont mal reçus, quand ils veulent donner des avis aux partisans politiques. » Malgré qu’il en eût, le pacifique chanoine La Rocque, avec la collaboration jusqu’en décembre 1849 de l’abbé d’origine lyonnaise Joseph-François Cénas, fut contraint de polémiquer contre l’Avenir, qui s’en prenait alors avec virulence aux dîmes et, en général, à l’influence du clergé, que les « rouges » jugeaient excessive dans deux domaines précis : la politique et l’éducation. Ses adversaires les plus coriaces étaient Louis-Antoine Dessaulles* et Joseph Doutre. En septembre 1851, La Rocque fut heureux de céder sa place à l’avocat François-Magloire Derome*. Journaliste à son corps défendant, il était certes plus à son aise comme directeur spirituel des religieuses qu’on lui avait confiées, celles de Notre-Dame de Charité du Bon-Pasteur et celles de la Charité de la Providence (Sœurs de la Providence).

La Rocque accompagna Mgr Prince à titre de secrétaire au cours d’un voyage à Rome en 1852. Lors de son passage en France, il vit le célèbre Henri Lacordaire, rencontre qui ne fut pas sans influence sur le projet d’une fondation dominicaine à Saint-Hyacinthe. À Rome, Pie IX le nomma, le 6 juillet 1852, évêque de Cydonia in partibus infidelium et coadjuteur de Montréal pour succéder à Mgr Prince, promu le 8 juin précédent au nouvel évêché de Saint-Hyacinthe. De retour au pays, La Rocque reçut dans l’église de sa paroisse natale, le 28 octobre suivant, la consécration épiscopale. Non content de se dépenser dans le diocèse de Montréal, Mgr La Rocque se chargea en outre de l’administration du diocèse de Saint-Hyacinthe pendant la maladie de Mgr Prince, du 13 novembre 1856 au 15 juillet 1857. Des fatigues excessives minèrent sa santé. Il commença dès lors à ressentir l’effet des infirmités qui devaient l’obliger à abandonner prématurément les fonctions épiscopales.

Au décès de Mgr Prince, le 5 mai 1860, La Rocque fut appelé à lui succéder ; il prit possession de son siège le 3 septembre suivant. Son administration fut marquée par l’érection canonique de six paroisses, l’établissement de deux missions nouvelles et l’ordination de 31 prêtres. Il visita les paroisses et les missions pour en connaître les besoins et y administrer la confirmation. Des confréries diverses furent établies, les travaux de construction de l’Hôtel-Dieu de Saint-Hyacinthe s’amorcèrent, des églises et autres édifices religieux furent construits ou réparés.

Mais l’œuvre principale de l’évêque fut, de concert avec le grand vicaire Joseph-Sabin Raymond, la fondation, le 14 septembre 1861, de la Congrégation des Sœurs adoratrices du Précieux-Sang. Au témoignage d’un ecclésiastique de la région qui allait devenir le premier évêque de Nicolet, Mgr Elphège Gravel, cette fondation était une « œuvre de prière et d’expiation dans la ville de Saint-Hyacinthe », destinée à faire contrepoids « au mépris, aux attaques » de l’Institut canadien, dont le président était alors précisément un citoyen de Saint-Hyacinthe, et non le moindre, puisqu’il s’agissait de Dessaulles !

À l’endroit de ce diocésain récalcitrant qu’était Dessaulles, Mgr La Rocque usa de mansuétude, au point de s’attirer une remontrance plutôt vive de l’évêque de Montréal. Mis au pilori par une « annonce » lue en chaire par les curés de Montréal le dimanche 18 janvier 1863, au sujet de la conférence qu’il avait prononcée à l’Institut canadien le 23 décembre précédent, Dessaulles ne fut que trop heureux, dans sa lettre du 1er février 1864 à Bourget, d’opposer « la douceur et l’esprit de charité, d’indulgence, d’impartialité » de l’évêque de Saint-Hyacinthe à la rigueur de celui de Montréal. D’après lui, Mgr La Rocque n’avait repéré dans sa conférence sur « le progrès » comme dans ses autres écrits ni « le monstre affreux du rationalisme », ni « sa tête hideuse », ni « son venin infect », ni « les blasphèmes » de la « chaire de pestilence » que Mgr Bourget avait stigmatisés dans son « annonce » de l’année précédente. Avouant que cette information, transmise dès le lendemain par son correspondant épiscopal, était pour son « âme une pilule amère », Mgr La Rocque chercha à se disculper dans sa lettre du 3 février 1864 : l’« opinion » dont se réclamait Dessaulles avait été « écrite avec une modération extrême pour le fond et pour la forme » : « Votre Grandeur, poursuivait-il, en comprend le motif, en pensant au zèle amical qui me fait désirer de voir M. Dessaulles revenir aux principes qu’il a sucés avec le lait de son excellente mère. Mais, néanmoins, je suis loin de n’y pas blâmer les tendances rationalistes de l’écrivain. Il est vrai que j’informe les lecteurs que je vais passer rapidement sur cette partie de la lecture, comme sur quelques autres. Mon intention a été uniquement d’étouffer le feu qui avait embrasé les esprits, et de tâcher de ramener une paix désirable. »

Valétudinaire depuis de nombreuses années, affligé d’une sciatique qui le confinait de plus en plus souvent dans sa chambre, allergique par ailleurs aux détails d’une administration obérée d’environ $44 000, dette énorme pour l’époque, Mgr La Rocque supplia Pie IX de le décharger du fardeau qui l’accablait. Par un rescrit du 17 août 1865, il fut autorisé à se démettre de son évêché et transféré au siège de Germanicopolis in partibus infidelium. En juillet de l’année suivante, il confiait la direction du diocèse à son cousin et successeur, Mgr Charles La Rocque, et se retirait chez les religieuses adoratrices du Précieux-Sang.

Sa retraite fut féconde. Elle lui permit de consolider la congrégation qu’il avait fondée et d’en écrire les constitutions. Il composa en outre son manuel, Dévotion au Précieux Sang [...], et l’Année ecclésiastique et liturgique [...], recueil de considérations sur tous les dimanches et les principales solennités de l’Église, et enfin une série de méditations pour les retraites annuelles. Il célébra ses noces d’or sacerdotales le 19 mars 1885. Deux ans et huit mois plus tard, le 18 novembre 1887, il décédait au milieu de sa famille religieuse, à l’âge de 79 ans. Son corps repose dans le cimetière des Sœurs adoratrices du Précieux-Sang.

« Monseigneur Joseph », comme on l’appelait familièrement dans le petit cercle de ses intimes, était remarquable par la finesse de son esprit, le charme de sa conversation et la noblesse de ses manières. Pour le dominicain français Louis-Thomas Bourgeois, qui l’avait connu à Saint-Hyacinthe, il demeura « comme l’un des types les plus aimables de la bonté, dans l’élévation de l’esprit et du cœur ».

Philippe Sylvain

Joseph La Rocque est l’auteur de l’Année ecclésiastique et liturgique, comprenant toute l’année chrétienne depuis la XXIVe semaine après la Pentecôte jusqu’à la fin de l’année ecclésiastique suivante (Montréal, 1887) et de Dévotion au Précieux Sang, spécialement préparé pour le mois du Précieux Sang (juillet) (4e éd., Saint-Hyacinthe, Québec, 1897).

ACAM, 901.135, 864-1, -2.— Mandements, lettres pastorales et circulaires des évêques de Saint-Hyacinthe, A.-X. Bernard, édit. (8 vol., Montréal, 1888–1898), II : 5–16.— Mélanges religieux (Montréal), juill.1849–sept. 1851.— É.-J.[-A.] Auclair, Mère Catherine-Aurélie ; histoire de mère Catherine-Aurélie du Précieux-Sang, née Aurélie Caouette, fondatrice de l’Institut duPrécieux-Sang au Canada, 1833–1905 (Québec, 1923), 422ss.— C.-P. Choquette, Histoire du séminaire de Saint-Hyacinthe depuis sa fondation jusqu’à nos jours (2 vol., Montréal, 1911–1912), I.— Désilets, Hector-Louis Langevin, 49.— Monet, Last cannon shot, 133.— A.-J. Plourde, Dominicains au Canada (3 vol. parus, Montréal, 1973–  ), I, no 1.— Claude Galarneau, « L’abbé Joseph-Sabin Raymond et les grands romantiques français (1834–1857) », SHC Rapport, 1963 : 85.

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Philippe Sylvain, « LA ROCQUE (Larocque), JOSEPH », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/la_rocque_joseph_11F.html.

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Auteur de l'article:    Philippe Sylvain
Titre de l'article:    LA ROCQUE (Larocque), JOSEPH
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1982
Année de la révision:    1982
Date de consultation:    20 nov. 2024