KINNEAR, DAVID, journaliste, né à Édimbourg, Écosse, en 1805 ou 1807, décédé à Montréal le 20 novembre 1862.

Fils d’un éminent banquier écossais, David Kinnear étudia le droit. Dans sa jeunesse, il fit partie du cercle littéraire de sir Walter Scott, John Gibson Lockhart, James Hogg et John Wilson ; il fit une brève expérience des affaires à Londres et il visita rapidement les États-Unis et le Haut-Canada. S’étant installé en 1835 au Bas-Canada, près de Sherbrooke, il combattit les rebelles en 1837 et il prit part au rétablissement de l’ordre en tant que juge de paix et magistrat « stipendiaire » en 1839 et 1840. Par la suite, il s’établit à Montréal tout en gardant une résidence à Napierville.

Dans les années 30, la ville de Montréal comptait deux journaux conservateurs, probritanniques et antipatriotes : le Montreal Herald, qui appartenait à Robert Weir et fut dirigé par son fils Robert après 1838, et la Montreal Gazette, propriété de deux autres Écossais, Hew Ramsay et Robert Armour, fils. Lié d’amitié avec Ramsay, Kinnear entra comme reporter à la Montreal Gazette en 1838 et devint rédacteur en chef en 1839. Après le décès de Robert Weir, fils, en 1843, il passa au Montreal Herald où il obtint le même poste l’année suivante. Les deux journaux luttaient contre le Pilot and Journal of Commerce et le Globe de Toronto, et ils s’opposaient aux vues réformistes ainsi qu’aux « mesures visant à indemniser les rebelles », contenues dans le projet de loi pour l’indemnisation des pertes subies pendant la rébellion.

Lorsque Robert Weir prit sa retraite en 1846, le Montreal Herald fut acheté par la D. Kinnear and Company ; outre Kinnear, les sociétaires étaient Andrew Wilson, l’imprimeur James Potts, John Stewart et Edward Goff Penny*, reporter au journal depuis 1842. La Gazette eut un nouveau directeur et propriétaire en la personne de James Moir Ferres, et les deux journaux adoptèrent des positions de plus en plus divergentes sur le plan politique. Devenu associé principal de même que directeur du Herald, Kinnear se fit en 1848 le porte-parole des commerçants montréalais. Il exprima notamment la consternation dans laquelle ceux-ci se trouvaient par suite des mesures libre-échangistes adoptées en Grande-Bretagne et des modifications aux lois de navigation qui semblaient désavantager les marchands canadiens par rapport aux expéditeurs américains. Il affirma, par exemple, que le projet de loi sur le libre-échange, présenté par sir Robert Peel en 1846, allait priver les Canadiens des revenus qui leur étaient assurés par le régime protectionniste.

C’est en partie cette consternation qui fut à l’origine du mouvement annexionniste de 1849 dont Kinnear devint l’un des dirigeants. Dans ses éditoriaux du mois de juin 1849, le Herald étudia avec circonspection la possibilité d’une union avec les États-Unis prenant pour acquis que la Grande-Bretagne était « prête à dire adieu aux colonies ». En octobre, Kinnear fut l’un des premiers signataires du Manifeste annexionniste, et le Herald publia des comptes rendus détaillés des assemblées tenues dans les circonscriptions électorales rurales par les partisans du mouvement. Kinnear fut élu conseiller à l’Association d’annexion de Montréal, dont le comité exécutif comprenait John Redpath, John Torrance, Jacob De Witt* et Antoine-Aimé Dorion*. Quelques partisans de l’annexion ayant été démis de leurs fonctions judiciaires et administratives, le Herald protesta vigoureusement en janvier 1850. Kinnear s’éleva aussi avec indignation contre l’accusation voulant que le journal reçoive un appui financier des États-Unis : « Pas un sou », tonnait-il. En mars, il accepta de se porter candidat à un poste municipal et d’appuyer le projet d’annexion, mais il se retira avant le jour de l’élection, s’étant rendu compte qu’il ne convenait pas de débattre la question à cet échelon de la politique.

Le Herald cessa graduellement de prôner l’annexion et insista plutôt sur l’importance de la protection douanière. Les éditoriaux de Kinnear montrent qu’il se préoccupa de problèmes plus traditionnels mais toujours pressants : les nouvelles lois sur les boissons alcooliques, la peine capitale, les nids de poules dans les routes de la région.

Devant la concurrence croissante de la Gazette dans les années 50, Kinnear fut amené à utiliser une presse à vapeur – une innovation au Bas-Canada – et à chercher de nouveaux annonceurs dans le monde des affaires. Sur le plan de la publicité, le Herald devança nettement ses rivaux : entre 1845 et 1863 il augmenta de 97 141 le nombre des annonceurs, dépassant ainsi tous les autres journaux montréalais. Directeur d’une feuille de plus en plus commerciale, Kinnear s’intéressa au canal de Welland et aux chemins de fer. En 1860, il possédait cinq presses à vapeur, capables d’imprimer 12 000 exemplaires à l’heure.

David Kinnear mourut victime de la dysenterie à Montréal, le 20 novembre 1862 ; il laissait derrière lui sa femme Mary et une nombreuse famille. À son décès, le journal devint la propriété d’Edward G. Penny, Andrew Wilson et Mary Kinnear, qui formèrent la Penny, Wilson, and Company.

Kinnear avait apporté à la cause conservatrice un ton de fermeté et d’éloquence qui était la marque du Blackwood’s Magazine et de l’Edinburgh Review de son Écosse natale. Son attitude à l’égard de l’annexion, dont on peut suivre l’évolution chaque jour dans les éditoriaux du Herald, illustre un des revirements inattendus qui se produisit dans la pensée politique de certains conservateurs au milieu de la période victorienne.

Elizabeth Waterston

The annexation movement, 1849–50, A. G. Penny, édit., CHR, V (1924) : 236–261.— Montreal Gazette, 1838–1862.— Montreal Herald, 1838–1862.— Beaulieu et Hamelin, Journaux du Québec, 100.— Canada, an encyclopædia, V :165, 186, 226.— The Canadian newspaper directory [...] (Montréal, 1892).— Morgan, Bibliotheca Canadensis, 212.— C. D. Allin et G. M. Jones, Annexation, preferential trade and reciprocity ; an outline of the Canadian annexation movement of 1849–50, with special reference to the question of preferential trade and reciprocity (Toronto et Londres, [1912]), 74, 82, 118–120, 269, 274, 282, 289, 293.— A history of Canadian journalism [...] (2 vol., Toronto, 1908–1959), I.— W. H. Kesterton, A history of journalism in Canada (Toronto, 1967).— S. M. E. Read, An account of English journalism in Canada from the middle of the eighteenth century to the beginning of the twentieth, with special emphasis being given to the periods prior to confederation (thèse de m.a., McGill University, Montréal, 1925), 144.— Rumilly, Hist. de la prov. de Québec, I.— Thomas White, Newspapers, their development in the province of Quebec (Montréal, 1883).

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Elizabeth Waterston, « KINNEAR, DAVID », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/kinnear_david_9F.html.

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Auteur de l'article:    Elizabeth Waterston
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1977
Année de la révision:    1977
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