JARDINE, ROBERT, homme d’affaires, promoteur de chemins de fer et fonctionnaire, né le 12 janvier 1812 à Girvan, Ayrshire, Écosse, fils d’Alexander Jardine, maçon, et de Helen Davidson ; à Saint-Jean, Nouveau-Brunswick, le 30 octobre 1834, il épousa Euphemia Reid (auparavant de Kildonan, Écosse) et ils eurent quatre filles ; décédé le 16 juin 1866 à Saint-Jean.

II semble que Jardine fit des études en Écosse et s’occupa un peu de droit et de commerce avant d’émigrer à Saint-Jean au début des années 1830. Peu après son arrivée, il trouva un emploi chez Barnabas Tilton, un épicier. En 1838 ou 1839, avec son frère Alexander qui s’était joint à lui en 1835, il se porta acquéreur de l’établissement dont la raison sociale devint alors Jardine and Company.

Durant les années 40 et 50, les Jardine donnèrent à leur maison de commerce les dimensions d’une vaste entreprise, grâce à l’importation de denrées et de produits exotiques provenant de toutes lés régions du monde : café de Java, mélasse de Porto Rico, semences de Grande-Bretagne, tabac des États-Unis, engrais du Pérou, farine du Canada, cacao d’Afrique et poisson de la Nouvelle-Écosse, ainsi que des instruments aratoires allant des faux et des râteaux aux appareils les plus récents. En outre, Robert Jardine acheta une ferme appelée « Woodside », à environ un mille à l’est de Saint-Jean, sur laquelle il éleva du bétail de l’Ayrshire et expérimenta de nouvelles méthodes de culture. Ces activités l’amenèrent à faire partie de la Saint John Agricultural and Horticultural Society, dont il fut président à plusieurs reprises, et de la New Brunswick Society for the Encouragement of Agriculture, Home Manufactures, and Commerce, dont il devint vice-président en 1851.

Pour Jardine, l’agriculture ne fut jamais qu’un passe-temps. En 1851, il était président de la Saint John Gas Light Company et de la New Brunswick Electric Telegraph Company, et il était membre du conseil d’administration de la Saint John Water Company, de la Saint John Hotel Company et de la Fredericton and Saint John Electric Telegraph Company. Il était aussi vice-président de la Chambre de commerce de Saint-Jean, président de la St Andrew’s Society de cette ville et membre de la commission scolaire de la paroisse de Simonds. L’un des citoyens les plus en vue dans les affaires municipales de Saint-Jean, il s’attira tout particulièrement des éloges durant l’épidémie de choléra qui sévit en 1854 : en tant que président de la Saint John Water Company, il se hâta de faire installer un système d’épuration de l’eau qui allait fonctionner durant plusieurs décennies.

Jardine s’intéressait surtout aux chemins de fer. Il prit la tête d’un groupe d’hommes d’affaires de Saint-Jean qui rêvaient de voir leur ville devenir le centre ferroviaire prospère de la côte est. Il assista au congrès sur les chemins de fer tenu à Portland, Maine, le 31 juillet 1850 [V. John Alfred Poor*] et il revint à Saint-Jean pour participer à la fondation de l’European and North American Railway Company qui devait construire une ligne reliant Saint-Jean aux États-Unis à l’ouest, et au golfe Saint-Laurent à l’est. La compagnie entreprit d’abord la construction d’un tronçon entre Saint-Jean et Shediac. Jardine était président lorsque la première pelletée de terre fut levée le 14 septembre 1853.

Durant les années 1853 et 1854, les travaux progressèrent de façon satisfaisante ; en 1855, cependant, toute activité cessa et l’Assemblée réclama des explications à Jardine. Malgré les difficultés que lui causaient les entrepreneurs britanniques Peto, Brassey, Betts, Jackson, and Company, Jardine lutta vaillamment pour sauver le projet que certains, par dérision, appelaient « le chemin de fer de la grande chimère ». Finalement, les intérêts que les entrepreneurs possédaient dans l’affaire furent achetés par le gouvernement provincial, qui prit des dispositions pour achever la ligne dans le cadre des travaux publics. Jardine était l’homme tout désigné pour mener la tâche à bonne fin, car il était un fidèle partisan du gouvernement libéral, et particulièrement de Samuel Leonard Tilley*, secrétaire de la province et membre du conseil d’administration de l’European and North American. Les travaux de construction furent toutefois suspendus quand le lieutenant-gouverneur John Henry Thomas Manners-Sutton* obligea le gouvernement à démissionner, sur la question du projet de loi concernant la prohibition, présenté par Tilley en 1855, et chargea John Hamilton Gray* et Robert Duncan Wilmot* de former un nouveau gouvernement. Aux élections de 1856, Jardine se porta candidat dans Saint-Jean contre Gray et Wilmot, mais il fut battu à plate couture.

Moins d’un an plus tard, Tilley et les libéraux furent reportés au pouvoir et, en août 1857, Jardine fut nommé commissaire en chef des chemins de fer du Nouveau-Brunswick. De 1857 à 1860, ses activités et celles de l’European and North American furent l’objet de trois enquêtes menées par des commissions parlementaires, et Jardine fut vilipendé par les journaux de l’opposition. Dans un rapport présenté en 1858, la première commission fit état de quelques irrégularités mineures. La seconde commission, devant laquelle Jardine passa de longues heures, conclut en 1859 que le chemin de fer allait être « une voie de premier ordre, d’une qualité supérieure, solide et bien construite ». Jardine avait néanmoins été blâmé et il n’avait pas la faveur de certains membres du cabinet. Il estima qu’on l’avait insulté et, dans son exaspération, il se plaignit à Tilley de ce que la commission avait utilisé des propos « anonymes, diffamatoires et calomnieux, en demandant, en entendant et en publiant à titre de preuve les affirmations – faites sans prestation de serment – d’employés congédiés et d’individus déçus et ouvertement malveillants qui ne jouissaient d’aucune estime ni réputation ». Il résigna publiquement ses fonctions de commissaire des chemins de fer. Lorsque Tilley refusa sa démission, de nouvelles accusations furent portées contre « messieurs Tilley et Jardine et la faction des smashers », et une troisième commission d’enquête fut constituée. Celle-ci présenta deux rapports : l’un, majoritaire, faisait l’éloge des intéressés, tandis que l’autre, minoritaire, les blâmait. Se ralliant à l’avis du plus grand nombre, Gray, le chef conservateur, estima que le chemin de fer était une « voie construite à toute épreuve » et que Jardine était un homme admirable. La ligne de 108 milles entre Saint-Jean et Shediac fut achevée le 8 août 1860.

Jardine pressa alors Tilley de s’occuper de la « ligne reliant Saint-Jean et l’état du Maine [...] médiatement ». Bien qu’il fût en faveur du projet, Tilley voulait se consacrer à des tâches plus urgentes et Jardine fut chargé de diriger l’European and North American. Edward Watkin affirma que Jardine était « l’un des hommes les plus compétents dans le domaine des chemins de fer qu’il avait jamais rencontrés et que l’entreprise qu’il gérait était la plus efficace en matière de construction ferroviaire et la mieux administrée sur ce continent ».

Jardine assuma la direction des chemins de fer du Nouveau-Brunswick jusqu’au 22 mars 1865, alors qu’il résigna ses fonctions de commissaire par suite de la défaite du gouvernement Tilley aux élections tenues sur la question du projet de confédération. Deux ans auparavant, une attaque de paralysie l’avait laissé fort mal en point. Le 16 juin 1866, il tomba malade au cours d’une promenade en voiture et il mourut d’une crise cardiaque, semble-t-il, presque sur-le-champ. Après le décès de Robert, son frère Alexander le remplaça à la tête de la firme Jardine and Company jusqu’à sa retraite en 1875 ; il mourut en février 1878.

Un Écossais travailleur et doué d’un esprit pratique, Robert Jardine mena une vie bien remplie et rendit de nombreux services à sa ville ainsi qu’à sa province d’adoption. Parce qu’il s’était principalement consacré à l’European and North American, on lui fit l’insigne honneur de donner son nom, en 1868, à une locomotive construite à Saint-Jean. Une plaque de métal à l’effigie de Jardine fut placée à l’avant de la locomotive et on peut l’admirer présentement au New Brunswick Museum.

C. M. Wallace

APC, MG 27, I, D15.— N.B. Museum, Edward Barron Chandler papers, Jardine to Chandler, 26 févr. 1857 ; Jardine family papers ; Marriage register B (1828–1839) ; Tilley family papers.— N.-B., House of Assembly, Journals, 1855–1861.— Morning Freeman (Saint-Jean, N.-B.), 1859–1860.— Morning News (Saint-Jean, N.-B.), 1840–1860, 18 juin 1866.— Morning Telegraph (Saint-Jean, N.-B.), 19 juin 1866.— New Brunswick Courier, 22 juin 1839, 1840–1860.— New-Brunswick almanac, 1851, 1854, 1856, 1860, 1864.— I. A. Jack, History of St. Andrew’s Society of St. John, N.B., Canada, 1798 to 1903 (Saint-Jean, N.B., 1903).— N.B. Museum, History Bull. (Saint-Jean), I (août 1952).

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C. M. Wallace, « JARDINE, ROBERT », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/jardine_robert_9F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1977
Année de la révision:    1977
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