JAMOT, JEAN-FRANÇOIS, prêtre catholique, missionnaire et évêque, né le 23 juin 1828 à Châtelard, Creuse, France, fils de Gilbert Jamot, fermier et propriétaire foncier, et de Jeanne Cornabat, décédé le 4 mai 1886 à Peterborough, Ontario.

Jean-François Jamot fit ses premières études dans sa ville natale et, en juillet 1849, obtint le diplôme de bachelier ès lettres de l’académie de Bourges (université de France). Il entreprit par la suite des études en théologie au grand séminaire de Limoges et fut ordonné prêtre le 9 octobre 1853. L’année suivante, alors qu’il enseignait les humanités au collège d’Ajain, il rencontra l’évêque catholique de Toronto, Armand-François-Marie de Charbonnel*, Français de naissance, et lui confia son désir d’aller travailler comme missionnaire au Canada. Charbonnel lui conseilla d’apprendre l’anglais, et Jamot passa huit mois à l’All Hallows College, de Dublin, avant de débarquer à Toronto le 10 mai 1855.

Un mois après son arrivée, Jamot fut nommé curé de Barrie et desservant des catholiques de neuf cantons environnants. Pendant les huit années qu’il occupa ces charges, il fit montre d’une conception énergique et consciencieuse du ministère, en dépit des frustrations causées par l’insuffisance de personnel et de ressources financières. Il construisit deux écoles et, en 1857, engagea comme enseignantes les Sœurs de la Congrégation de Saint-Joseph, de Toronto, acheta et échangea des propriétés à revenu et des terrains pour de futures églises et écoles, bâtit des églises dans les missions éloignées et un presbytère à Barrie, visita les missions et dirigea étroitement la vie spirituelle et le travail des quelques prêtres auxiliaires à son service, tout en suscitant l’appui des laïcs capables de l’assister dans sa tâche. Il tenait ses supérieurs à Toronto amplement informés de son activité et de ses problèmes et, tout en protestant qu’il aimerait « mieux n’avoir aucun rapport avec les questions d’argent », il laissa sa cure de Barrie en septembre 1863 à la fois bien établie et solvable, moyennant cependant des déboursés considérables de sa poche.

En 1860, se trouvant encore à Barrie, Jamot fut nommé vicaire général et chancelier du diocèse de Toronto par le successeur de Mgr Charbonnel, John Joseph Lynch, qui, à la fin de 1863, le créa également recteur de la cathédrale St Michael de Toronto. La population catholique de cette ville comptait plus de 12 000 âmes en 1860, le tiers constitué des paroissiens de Jamot. Le diocèse, bien qu’il s’étendît à l’est et à l’ouest de la ville et loin au nord, était en très grande partie urbain, irlandais et de classe ouvrière. En dehors de son travail de vicaire général, que Lynch appelait « l’organisation des rouages de l’Église », Jamot s’occupa, après avoir réuni des fonds à cet effet, de diriger les travaux d’achèvement de la cathédrale et, en 1866, il exerça les fonctions d’aumônier des forces armées postées le long de la frontière du Niagara pendant les raids féniens. En 1869–1870, il accompagna Lynch au premier concile du Vatican. Durant son séjour à Rome, l’évêque plaida en faveur de la création d’un diocèse séparé, comprenant les vastes territoires au nord du diocèse de Toronto.

Les efforts de Lynch et de Joseph-Bruno Guigues*, évêque d’Ottawa, afin d’obtenir la création d’un diocèse dans le nord ontarien furent finalement couronnés de succès ; le pape Pie IX créa, le 25 janvier 1874, le vicariat apostolique du Canada septentrional et désigna Jamot comme son titulaire. Sacré évêque à Issoudun, en France, le 24 février 1874, il revint à Toronto en juillet.

Le vicariat apostolique de Jamot était borné au sud par la rivière Muskoka, s’étendait de la baie Georgienne jusqu’à la ligne de partage des eaux du lac Huron et de la rivière Outaouais à l’est et s’étirait ensuite au nord et au nord-ouest jusqu’aux frontières politiques de l’Ontario, incluant les îles canadiennes des lacs Supérieur et Huron. Jamot calculait qu’il y avait approximativement 8 000 catholiques sur une population totale de 20 000 âmes ; le vicariat avait été habité antérieurement par des Indiens, des Canadiens français et des Métis, mais les gouvernements fédéral et ontarien encourageaient l’immigration et la construction de chemins de fer dans la région, et l’affluence de travailleurs de la construction et de pionniers de souches diverses avait déjà commencé. Jamot était assisté de dix prêtres, dont six jésuites, qui assuraient le service de 13 chapelles dans le district d’Algoma, cependant que les districts de Parry Sound et de Muskoka n’avaient ni églises ni prêtres ; il estimait la valeur totale des propriétés de l’Église à moins de $3 000. Cinq écoles étaient dirigées par des communautés religieuses d’hommes et de femmes – deux à Wikwemikong, sur l’île Manitoulin, une à Garden River et deux à Fort William (maintenant partie de Thunder Bay) – et accueillaient 200 élèves indiens.

Jamot s’installa à Sault-Sainte-Marie en septembre 1874 et, après y avoir commencé la construction d’une église, il se mit à la recherche de sources de financement. Il fixa son choix sur l’Œuvre de la propagation de la foi à Paris et n’hésita pas à exploiter les sympathies et les préjugés de ses directeurs. Pour la première année complète d’activité du vicariat, il estima les coûts d’entretien du personnel et des édifices à $4 500, avec un revenu ne dépassant pas $240. Il renseigna également l’œuvre sur l’activité des missionnaires de l’Eglise d’Angleterre qui essayaient de miner la foi des Indiens catholiques et sur l’élection récente d’un évêque anglican « huguenot », Frederick Dawson Fauquier. Jamot soutint que la meilleure façon de convertir les Indiens nomades consistait à les encourager à s’établir dans des villages catholiques indigènes ; mais, pour ce faire, on avait besoin de plus de prêtres, et des livres et des catéchismes écrits dans les langues autochtones s’avéraient essentiels. L’organisme de Paris répondit aux demandes de Jamot par des dons généreux et, de 1874 à 1883, fournit annuellement $4 000 à $5 000, ce qui représentait près de la moitié des besoins financiers. Pour réunir des fonds, Jamot effectua aussi des tournées dans les diocèses du sud de l’Ontario pendant l’hiver, saison pendant laquelle il lui était impossible de visiter le reste de son vaste territoire.

En 1876, Jamot déménagea son quartier général à Bracebridge, ville principale des districts de Parry Sound et de Muskoka, qui se peuplaient rapidement de colons ayant bénéficié de concessions gratuites. Il contribua de façon décisive à encourager cette colonisation en publiant des lettres dans les journaux et en travaillant étroitement avec les fonctionnaires et les ministres du gouvernement de l’Ontario ; en décembre 1877, il rappela à Timothy Blair Pardee, commissaire des Terres de la couronne, que, par le moyen d’assemblées publiques et de visites dans les paroisses du sud ontarien, il avait eu « fort à faire » pour attirer le « nombre considérable de personnes qui [étaient] venues ». En retour de l’aide apportée à la politique de colonisation et de son assistance discrète durant les élections, le gouvernement libéral d’Oliver Mowat* engagea souvent des arpenteurs et des agents des terres que Jamot lui avait recommandés et qui, selon ce dernier, favoriseraient l’établissement de colons catholiques. Mais ces relations ne furent pas toujours sans nuages : Jamot accusa le gouvernement de ne pas ouvrir de terres sur la rive sud du lac Nipissing aux colons qu’il avait recrutés dans le comté de Waterloo et, en 1877, Pardee s’offusqua de ses « menaces franches et directes d’opposition résolue au gouvernement, si certaines demandes formulées n’étaient pas agréées immédiatement ».

À la fin de la décennie 1870 et au début des années 1880, l’activité fébrile de peuplement dans les districts sud de son vicariat, de construction ferroviaire et d’exploitation forestière à Algoma, bien qu’encourageante pour Jamot, accrut grandement les demandes face à ses fonds déjà insuffisants et à ses prêtres débordés. Dès 1877, il avait prié instamment le délégué apostolique au Canada, Mgr George Conroy*, de recommander le rattachement à son vicariat d’une partie du diocèse très peuplé et généreusement pourvu de Kingston, et, en 1879, les évêques d’Ontario appuyèrent unanimement cette suggestion. Le 11 juillet 1882, le pape Léon XIII nomma Jamot évêque du nouveau diocèse de Peterborough, adjoignant les comtés de Durham, de Northumberland, de Victoria, de Peterborough et une partie de celui de Haliburton au vicariat existant. Son diocèse s’étendait maintenant de Port Hope à la frontière du Manitoba ; aux 27 églises, 22 écoles, 14 prêtres et 10 000 catholiques du précédent vicariat vinrent s’ajouter, par suite de l’inclusion des cinq nouveaux comtés, 20 000 fidèles, 11 prêtres, 13 écoles, 20 églises et des propriétés ecclésiastiques affranchies de dettes et évaluées à plus de $200 000. De sa cathédrale St Peter-in-Chains à Peterborough, qu’il agrandit en 1884, Jamot s’attaqua à son travail avec une vigueur renouvelée.

Jamot consolida la position de l’Église déjà bien établie dans les comtés du sud en créant de nouvelles missions, en construisant des églises, en établissant des écoles « séparées », en recrutant des communautés religieuses pour y enseigner et en dirigeant la formation des séminaristes, dont six furent ordonnés entre 1883 et 1886 en vue de servir dans son diocèse. Mais les problèmes concernant la partie septentrionale du diocèse exigeaient des méthodes moins conventionnelles. L’éducation des enfants indigènes continua d’intéresser Jamot : il intervint à plusieurs reprises auprès du gouvernement fédéral afin d’obtenir des subventions plus importantes, de meilleurs salaires pour les enseignants et la participation des Indiens dans l’administration des écoles. Il dénonça également comme des folies bureaucratiques la sélection des professeurs et des manuels par des agents des Affaires indiennes et les tentatives de rendre obligatoires la fréquentation scolaire et l’utilisation de l’anglais comme langue d’enseignement. Lorsqu’un jésuite de Port Arthur (maintenant partie de Thunder Bay) se plaignit à Jamot en 1883 que les Indiens, « les petits qui étaient écrasés par les plus puissants », se voyaient frustrés de leurs droits sur les forêts des réserves, Jamot attaqua le gouvernement fédéral, écartant l’accusation de sir John Alexander Macdonald* voulant que les Indiens fussent engagés dans une « conspiration » pour révoquer une cession légale. Entreprendre une action politique en vue de réaliser des objectifs chrétiens se révélait dangereux, puisque, comme le soulignait un autre missionnaire au fort William, Macdonald était « mécontent de voir les relations amicales qui existaient entre l’épiscopat et le clergé, et le gouvernement d’Ontario ».

Jamot se montra particulièrement intéressé au bien-être des milliers d’hommes qui travaillaient dans les camps de bûcherons, dans les mines, dans la construction de chemins de fer et l’exécution de travaux publics dans le nord. Il encouragea les Sœurs de la Congrégation de Saint-Joseph à établir un hôpital à Fort William (ouvert en 1884) pour soigner les ouvriers blessés et, en 1883, il plaça un prêtre sur le trajet du chemin de fer reliant les chantiers de construction de North Bay et de Sudbury. Lors de sa dernière grande tournée du diocèse, à la fin de 1884, il visita de nouveaux établissements, églises, écoles et orphelinats dans tout le nord. Quand, le 10 novembre 1885, il quitta Peterborough pour Rome afin de rendre compte à Léon XIII de la situation de son diocèse, il décrivit une Église aux ressources réduites, ayant, malgré tout, relevé avec succès de nombreux et uniques défis.

Jamot se remit à la tâche à son retour de Rome en mars 1886 mais contracta une pneumonie et mourut à Peterborough le 4 mai. Acharné à poursuivre ses buts et habile à rassembler et manier à ses fins tous les moyens susceptibles de faire avancer son œuvre, Jamot fut un bâtisseur épique, dont les ouvrages de dévotion révèlent également une vie spirituelle intense que perçurent tous ceux qui l’entouraient.

Alan Stillar

Arch. of the Archdiocese of Toronto, Barrie, Sacred Hearts of Jesus and Mary, general corr., 1849–1899 ; Edward Kelly, « Biographical notes of some interest to me probably not so to anybody else » (copie aux Univ. of St Michael’s College Arch., Toronto) ; Peterborough ; St Michael’s Cathedral, 1866–1873.— Arch. of the Diocese of Peterborough (Peterborough, Ontario), Bishop J. F. Jamot corr., 1862–1881 ; 1882–1886 ; Diocese of Peterborough, Canada, Memorandum book ; Personal effects of Bishop Jamot.— Daily Evening Review (Peterborough), 6, 7 mai 1886.— Daily Examiner (Peterborough), 4–6 mai 1886.— E. J. Boland, From the pioneers to the seventies : a history of the diocese of Peterborough, 1882–1975 (Peterborough, 1976).— H. C. McKeown, The life and labors of Most Rev. John Joseph Lynch, D.D., Cong. Miss., first archbishop of Toronto (Montréal et Toronto, 1886).— J. S. Moir, « The problem of a double minority : some reflections on the development of the English-speaking Catholic church in Canada in the nineteenth century », HS, n7 (avril 1971) : 53–67.

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Alan Stillar, « JAMOT, JEAN-FRANÇOIS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/jamot_jean_francois_11F.html.

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Auteur de l'article:    Alan Stillar
Titre de l'article:    JAMOT, JEAN-FRANÇOIS
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1982
Année de la révision:    1982
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