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HUYGHUE, SAMUEL DOUGLASS SMITH, écrivain, fonctionnaire et artiste, né le 23 avril 1816 à Charlottetown, fils de Samuel Huyghue, officier de l’armée britannique, et d’Isabella Clarke Totten ; décédé le 24 juillet 1891 à Melbourne (Australie).
Au moment où naquit son fils aîné, le lieutenant Samuel Huyghue était en garnison à Charlottetown avec son régiment, et l’enfant fut baptisé Samuel Douglass Smith Huyghue en l’honneur du lieutenant-gouverneur de l’Île-du-Prince-Édouard, Charles Douglass Smith*. Le 25 octobre 1817, le lieutenant Huyghue était officier à la demi-solde et vivait à Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick ; il se peut donc que Samuel Douglass Smith ait fait ses études à la Saint John Grammar School. Il commença à se faire connaître à titre d’écrivain en envoyant, de novembre 1840 à mai 1841, des poèmes au Halifax Morning Post & Parliamentary Reporter ; il habitait alors Halifax et signait ses œuvres du pseudonyme de Eugene. En octobre 1841, de retour à Saint-Jean, c’est dans un périodique de cette ville, l’Amaranth, qu’il publia, entre cette date et janvier 1843, un essai sur la vie des insectes, des nouvelles, de la poésie et un roman intitulé Argimou : a legend of the Micmac. Si ses textes révèlent souvent de l’intérêt pour les peuples autochtones, c’est ce roman qui illustre le mieux combien il s’inquiétait du déracinement culturel dont les nations micmaques et malécites, poussées par les Blancs à l’assimilation économique et sociale, étaient victimes. « Nous sommes la seule et unique cause de leur épouvantable misère, de leur extinction graduelle », note-t-il dans le premier chapitre. Dans ce récit d’aventures qui se passe dans le Nouveau-Brunswick du xviiie siècle, il compare les vertus de l’homme primitif, « que ne refrènent ni codes pénaux, ni chaînes, ni dongeons aux murs épais », à l’hypocrisie et au luxe de la civilisation occidentale. Premier roman canadien à décrire la déportation des Acadiens survenue en 1755 et l’un des premiers à témoigner d’une conscience sociale tout en explorant le sort des peuples autochtones, Argimou eut assez de succès pour qu’on le réédite sous forme de livre à Halifax en 1847 et de feuilleton dans l’Albion de Saint-Jean en 1859–1860.
Au début des années 1840, toujours à Saint-Jean, Huyghue aida le commissaire provincial aux Affaires indiennes, Moses Henry Perley*, à organiser une exposition d’artefacts indiens en vue du grand bazar qui se tint au Mechanics’ Institute en mai 1843. En outre, il eut l’occasion d’approfondir son intérêt pour les populations autochtones et sa connaissance de la région de la rivière Saint-Jean à titre de délégué à la commission qui commença en 1843 à arpenter la frontière du Nouveau-Brunswick, du Bas-Canada et du Maine [V. James Bucknall Bucknall Estcourt*]. Il était à Fredericton en août 1846, puisqu’un résident de l’endroit écrivit dans son journal que le 28 du mois Huyghue y avait parlé avec des amis « jusque vers 11 [...] de poètes et de poésie », mais apparemment, à la fin des années 1840, il quitta le Nouveau-Brunswick pour Londres. C’est là qu’en 1849 et 1850 le Bentley’s Miscellany publia le vivant compte rendu de son séjour dans le nord du Nouveau-Brunswick en 1843–1844, ainsi que ses croquis intitulés « Récollections of Canada : the scenery of the Ottawa » et « Forest incidents : recollections of Canada ».
Selon un recensement de Londres, le 30 mars 1851 Huyghue occupait un logement rue Great Russell et se définissait comme romancier. En 1850, il avait d’ailleurs publié un autre roman, Nomades of the west ; or, Ellen Clayton, que le Morning Post de Londres avait qualifié de « livre très agréable, contenant quelques tableaux pittoresques de la vie des Indiens, bon nombre d’aventures intéressantes et une très belle description du paysage canadien [tel qu’il était] en 1690 ». Dans sa préface, Huyghue répétait que les Indiens disparaissaient rapidement sous la poussée de la civilisation occidentale. « Ainsi, écrivait-il, j’ai vécu dans le wigwam de l’Homme rouge ; j’ai fumé, parlé et chassé avec lui, [et ...] il m’est toujours apparu moins comme un sauvage que comme une grande âme, un être religieux. » Probablement était-ce en raison de ce mélange de primitivisme et de conscience sociale que le roman avait plu à l’éditeur Richard Bentley. En vertu du contrat, Huyghue avait droit à la moitié du bénéfice net, mais les ventes se soldèrent par un déficit de £34 3s. Dès lors, il semble qu’il renonça à vivre de sa plume à Londres.
Samuel Douglass Smith Huyghue s’embarqua pour l’Australie et arriva à Melbourne, dans la colonie de Victoria, le 4 février 1852. Il devint employé permanent du gouvernement et, le 27 août 1853, on le nomma commis au Bureau des mines à Ballarat. Témoin du soulèvement qui eut lieu en décembre 1854 à Eureka, situé dans cette région aurifère, il en écrivit l’un des premiers comptes rendus, sous le pseudonyme de Pax. Il demeura à Ballarat jusqu’en 1872, occupa des postes de commis ailleurs dans la colonie puis prit sa retraite le 9 janvier 1878. Durant toutes ses années en Australie, Huyghue manifesta quelque talent d’artiste et d’illustrateur. Des dessins de lui parurent dans une histoire de Ballarat, et une aquarelle qui représente le soulèvement d’Eureka (The Eureka stockade) se trouve à la Ballarat Art Gallery. En outre, il continua de s’intéresser à des sujets scientifiques, dont l’anthropologie, et à la littérature. Même s’il qualifiait sa carrière de « bigarrée », le goût qu’il manifesta toujours pour ces questions donne à celle-ci un caractère de continuité. En 1988, un costume de chef micmac dont Huyghue avait fait l’acquisition au Nouveau-Brunswick en 1840 fut renvoyé d’Australie et présenté dans tout le Canada dans le cadre d’une exposition intitulée « le Souffle de l’esprit : traditions artistiques des premiers habitants du Canada ».
Des poèmes écrits par Samuel Douglass Smith Huyghue sous le pseudonyme de Eugene ont été publiés dans le Halifax Morning Post & Parliamentary Reporter, 19, 27 nov., 5, 26 déc. 1840, 16 janv. et 25 mai 1841. Des récits, articles et poèmes présentés sous le même pseudonyme ont paru dans l’Amaranth (Saint-Jean, N.-B.), oct.–nov. 1841, janv.–mai 1842, et janv. 1843. Son roman Argimou : a legend of the Micmac a paru en feuilleton dans ce périodique entre mai et sept. 1842 ; il a été réédité avec une introduction de Gwendolyn Davies (Sackville, N.-B., 1977 ; 2e éd., [1979]). Une seule copie de l’édition de Halifax de 1847 a été retrouvée ; elle est conservée dans la bibliothèque des PANS. Comme la plupart des articles qui ont paru dans Bentley’s Miscellany (Londres), Nomades of the west ; or, Ellen Clayton (3 vol., Londres, 1850), a été publié sous son vrai nom.
APNB, MC 300, MS16, no 8, 28 août 1846.— British Library (Londres), Add. mss 46560–46652.— Musée du N.-B., C11 : 35.— PRO, HO 107/1509 : 37 (mfm au Greater London Record Office).— St Paul’s Anglican Church (Charlottetown), Reg. of baptisms, 12 mai 1816 (mfm aux PAPEI).— State Library of Victoria (Melbourne), Australian
Gwendolyn Davies, « HUYGHUE, SAMUEL DOUGLASS SMITH », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/huyghue_samuel_douglass_smith_12F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/huyghue_samuel_douglass_smith_12F.html |
Auteur de l'article: | Gwendolyn Davies |
Titre de l'article: | HUYGHUE, SAMUEL DOUGLASS SMITH |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1990 |
Année de la révision: | 1990 |
Date de consultation: | 20 nov. 2024 |