HUGUET, JOSEPH (baptisé Jacques-Joseph), jésuite, missionnaire, né le 25 mai 1725 à Saint-Omer, France, fils de Jean Huguet et de Scholastique-Geneviève Verhoune, décédé le 5 mai 1783 à Sault-Saint-Louis (Caughnawaga, Québec).

Joseph Huguet entra dans la Compagnie de Jésus à Tournai (Belgique), le 30 septembre 1744. Professeur des classes de grammaire au collège de Namur, des humanités et de la rhétorique à Cambrai, France, de 1746 à 1752, il fit ses quatre années de théologie à Douai de 1752 à 1756. Le 15 octobre 1757, son nom apparaît au registre de Sault-Saint-Louis. D’abord missionnaire à Saint-Régis, de 1757 à 1759, il revint pendant cette dernière année à Sault-Saint-Louis. Au décès du père Jean-Baptiste de Neuville en 1761, il lui succéda comme supérieur de cette mission et y demeura en fonction jusqu’à sa mort en 1783. De 1769 à 1777, Huguet desservit aussi Châteauguay.

Après la Conquête, Huguet demeura pratiquement seul chez les Iroquois de Sault-Saint-Louis et eut à compter avec des autorités civiles plus ou moins sympathiques. Dès 1762, il se trouva indirectement en conflit avec ses fidèles à propos des limites entre la seigneurie de Prairie-de-la-Madeleine, propriété exclusive des jésuites, et celle de Sault-Saint-Louis, propriété conjointe des jésuites et des Iroquois. Gage, gouverneur de Montréal, trancha d’abord la question en faveur des Iroquois, malgré les droits certains des jésuites établis en 1647 et réaffirmés par le roi de France en 1718. Six mois plus tard, Gage renversait toutefois sa propre décision et ordonnait de replacer les bornes là où elles avaient été plantées à l’origine. L’affaire vint devant les tribunaux en 1766 et en 1768 ; le droit des jésuites fut maintenu, mais un ressentiment inextinguible naquit au cœur des Iroquois, non sans douleur pour le missionnaire et sans dommage pour son prestige. En 1770, Huguet eut cependant la consolation de constater à quel point les Iroquois demeuraient fidèles à leur foi et à leur missionnaire. Un certain Klingancourt (sans doute Mathieu-Benjamin Damours de Clignancour) vint troubler les esprits dans le village ; il insultait le père Huguet et le calomniait. Les Iroquois le défendirent en disant que c’était un homme paisible, un homme de bien, qui s’efforçait de corriger les désordres selon son pouvoir. Ils portèrent la cause devant sir William Johnson, surintendant des Affaires des Indiens du Nord, qui promit de leur donner satisfaction. Klingancourt dut déguerpir.

La Révolution américaine mit le père Huguet à l’épreuve. De quel côté se rangeraient les Iroquois de Sault-Saint-Louis ? Le changement de drapeau en 1760 ne semblait pas les avoir émus profondément. Très tôt, ils avaient su distinguer entre la foi que les missionnaires français leur apportaient et leur allégeance politique. Fidèles à leur foi, les Iroquois, par leurs relations constantes avec les marchands d’Albany, New York, malgré les protestations des Français, avaient appris que leurs intérêts temporels étaient mieux servis par les Britanniques. Au début de la révolution, les Iroquois de Sault-Saint-Louis furent indécis ; après tout, Britanniques comme Américains étaient des envahisseurs. Les premiers succès des Américains les avaient plutôt impressionnés et ils étaient probablement plus sympathiques à la cause des rebelles. Le père Huguet pouvait bien rappeler aux Iroquois leurs devoirs à l’égard de l’Angleterre, ils n’entendaient pas ses paroles. Cependant, dès le début, quelques Iroquois du village combattirent du côté britannique. Le 8 octobre 1775, le père Huguet enterra Ignace et Pierre « tués par les Bostonnais » à Saint-Jean, et, le 16 du même mois, André. Mais le manque d’enthousiasme des guerriers iroquois fut imputé au père Huguet qui fut suspecté, sinon de prêcher la déloyauté, du moins de favoriser un esprit de neutralité, que même Claude-Nicolas-Guillaume de Lorimier*, très influent dans le village, n’arrivait pas à secouer. Il y eut des dénonciations. Le père Huguet fut retiré momentanément de la mission, en 1776.

En juin 1777, le père Antoine Gordan, missionnaire à Saint-Régis, qui partait comme aumônier des guerriers iroquois accompagnant l’armée de Burgoyne, demanda au gouverneur sir Guy Carleton* de permettre au père Huguet de revenir à Sault-Saint-Louis, pour ne pas laisser les Iroquois sans secours spirituels. Il l’obtint. Le père Huguet fut le dernier missionnaire jésuite arrivé sous le Régime français. Il mourut à Sault-Saint-Louis le 5 mai 1783 et fut enseveli sous l’église où il avait exercé son ministère avec dévouement durant plus de 22 ans.

Joseph Cossette

Archives municipales, Saint-Omer (dép. du Pasde-Calais, France), État civil, Saint-Denis, 25 mai 1725. Archives paroissiales, Saint-François-Xavier (Caughnawaga, Québec), Registre des baptêmes, mariages et sépultures, 17351808.— Invasion du Canada (Verreau).— Caron, Inv. de la corr. de Mgr Briand, ANQ Rapport, 19291930, 71–78. Mélançon, Liste des missionnaires jésuites.— E. J. Devine, Historic Caughnawaga (Montréal, 1922), 272331. Lanctot, Le Canada et la Révolution américaine.— Rochemonteix, Les jésuites et la N.-F. au XVIIIe siècle, II : 218. J. Gras, The return of the Jesuits to the Iroquois missions, Woodstock Letters (Woodstock, Md.), XXXV (1906) : 91100.

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Joseph Cossette, « HUGUET, JOSEPH (baptisé Jacques-Joseph) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 16 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/huguet_joseph_4F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1980
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