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HOWARD, HENRY, médecin, né à Nenagh (République d’Irlande), le 1er décembre 1815, décédé à Montréal le 12 octobre 1887.
Après des études à Dublin et au Royal College of Surgeons de Londres, Henry Howard immigre au Canada en 1842. Il s’établit d’abord à Kingston, Haut-Canada, où il demeure jusqu’en 1845, puis à Montréal où il obtient un poste à la Montréal Eye and Ear Institution. Il devient rapidement spécialiste en ophtalmologie. Manifestant un grand intérêt pour les questions scientifiques, il signe régulièrement, de 1845 à 1851, des articles dans le British American Journal of Medical and Physical Science (publiée à Montréal, cette revue devient le British American Medical and Physical Journal en mai 1850), de même que dans certaines revues médicales anglaises. En 1850, sa réputation d’excellent spécialiste de la vue s’étend à l’ensemble de l’Amérique du Nord grâce à la publication à Montréal et à Londres de son ouvrage intitulé The anatomy, physiology and pathology of the eye.
L’activité professionnelle du docteur Howard est très diversifiée : il s’intéresse activement aux organismes qui se consacraient, depuis 1840, aux intérêts de la profession médicale et à l’avancement de la médecine au Canada. De 1844 à sa mort, il est membre de la Montreal Medico-Chirurgical Society, fondée en 1843 afin de favoriser les contacts et les échanges entre les membres de l’école de médecine et de chirurgie de Montréal. À sa mort en 1887, Howard comptera de nombreux amis parmi les membres de cette société dont il sera le doyen. En 1851, l’école de médecine de Saint-Laurent, à Montréal, ouvre ses portes aux étudiants ; Howard y est chargé de cours en ophtalmologie et en otologie. Il y jouera cependant un rôle secondaire à cause de la brève existence de cet établissement.
Un autre volet de la carrière de Howard nous permet d’évaluer son rôle dans l’évolution de la médecine au Bas-Canada. En juin 1861, il est nommé surintendant médical du nouvel asile des aliénés de Saint-Jean par le gouverneur général de la province du Canada. La création de cet asile d’État constitue une expérience unique au Bas-Canada. En effet, lors de la fondation de l’asile de Beauport (centre hospitalier Robert-Giffard) en 1845 [V. James Douglas], le gouvernement de la province du Canada, qui n’avait pu s’engager financièrement à construire de tels établissements, avait adopté un système d’affermage par lequel l’administration était confiée, par contrat, à des particuliers qui devenaient propriétaires des édifices. L’asile de Saint-Jean était, au contraire, financé totalement par l’État.
En 1872, Laurent-David Lafontaine, médecin et député à l’Assemblée législative de la province de Québec, conteste certaines dépenses faites par l’asile, notamment pour l’achat de spiritueux, et recommande de confier le soin des aliénés à une communauté religieuse. Howard défend son administration et s’insurge contre le désir du gouvernement de remettre l’ensemble des établissements psychiatriques du Québec entre les mains de propriétaires privés, tant religieux que laïques. Pour lui, la surveillance des asiles doit nécessairement relever de la profession médicale afin d’éviter toute forme d’exploitation des aliénés. À cet égard, Howard affirme que le système d’asiles d’État offre une meilleure protection ; il démontre, avec statistiques à l’appui, que le pourcentage de guérisons est plus élevé à l’asile de Saint-Jean qu’à celui de Beauport où le taux de patients incurables devient alarmant, en raison des mesures d’économie appliquées au traitement des maladies mentales. Conscient que le gouvernement est disposé à abandonner le système d’asiles d’État dans le but d’épargner d’importantes sommes en frais d’immobilisation et d’opération, Howard suggère une formule de compromis. Tout en poursuivant l’objectif de faire prédominer les intérêts médicaux sur les intérêts pécuniaires dans les soins apportés aux aliénés, il s’engage à assumer les coûts de construction d’un asile à la condition que le gouvernement lui accorde un contrat d’affermage semblable à celui signé avec les propriétaires de l’asile de Beauport ; ce contrat prévoyait, entre autres, une allocation gouvernementale annuelle de $143 par patient, jusqu’à concurrence de 650 patients, et de $132 pour tout patient additionnel. Malgré ce plaidoyer, le gouvernement décide en 1875 de transférer les patients de Saint-Jean à l’asile de Longue-Pointe (hôpital Louis-H. LaFontaine, Montréal), ouvert en 1873 et administré par les Sœurs de la Charité de la Providence (Sœurs de la Providence).
Howard poursuit sa carrière à l’asile de Longue-Pointe de 1875 à 1887. Durant ces années, il représente le gouvernement soit à titre de médecin visiteur, soit à titre de membre du Bureau médical, créé en 1885. Les mesures prises par le gouvernement, durant les années 1880, afin de rapatrier la direction médicale des établissements d’aliénés, jusque-là aux mains des propriétaires, lui procurent sans doute une grande satisfaction. En effet, en 1885, le gouvernement de John Jones Ross*, à la suite des critiques sur le système d’affermage et sur l’état des asiles au Québec, et face aux accusations de non-réformisme lancées par l’opposition, décide de passer une loi qui assure au gouvernement le contrôle médical des asiles d’aliénés. L’affrontement est toutefois violent entre les membres du Bureau médical et certains propriétaires d’asiles qui s’opposent aux mesures « laïcistes » du gouvernement.
Les démêlés administratifs du docteur Howard n’entachent pas son œuvre d’aliéniste. Son invention d’un système de ventilation témoigne à la fois de l’état précaire des asiles canadiens au xixe siècle et de l’importance qu’il accordait au traitement physique dans la guérison de l’aliénation mentale. Howard donne une définition précise de cette dernière : « l’aliénation mentale [est] une maladie d’ordre physique causée par un changement pathologique dans les nerfs sensoriels et dans l’organe de la conscience ». Utilisant les ressources de la logique et de la rhétorique, Howard croit que tout traitement efficace doit provenir de l’application des lois naturelles, sinon on ne s’attaque qu’aux symptômes.
L’aliénation morale constitue un deuxième élément essentiel de la théorie du docteur Howard sur les maladies mentales. L’ordre naturel est à une société moralement saine ce que le corps est à un esprit développé intellectuellement. Selon lui, le remède idéal serait que l’élite intellectuelle et morale parvienne à isoler la catégorie des aliénés, afin de contrôler l’évolution de la société, empêchant surtout ces derniers de se reproduire.
La compétence du docteur Howard est sans doute respectée. Cependant, plusieurs de ses collègues, du milieu francophone en particulier, critiquent le caractère absolu de ses énoncés et la logique implacable de son argumentation. Lors du procès d’une personne accusée d’un crime, en 1881, Howard corrobore le plaidoyer de la défense, basé sur la non-responsabilité en raison d’aliénation mentale. Selon la majorité des autres spécialistes, les arguments du docteur Howard n’ont rien d’évident et pour eux l’accusé est sain d’esprit. Le verdict de culpabilité rendu à cette occasion montre l’attitude conservatrice des autorités en matière d’aliénation mentale.
La participation du docteur Howard à plusieurs associations médicales canadiennes et américaines, son activité politique à la Société Saint-Patrice de Montréal, ses occupations administratives et professionnelles dénotent une personnalité ambitieuse et douée d’une grande vitalité intellectuelle. Son œuvre la plus remarquable demeure l’administration de l’asile de Saint-Jean. Grâce à sa vaste expérience de médecin aliéniste, il préconise des réformes administratives bénéfiques au traitement des aliénés. En revanche, sa théorie sur l’aliénation mentale et morale appelle certaines réserves, surtout à cause de son caractère empirique.
Henry Howard est l’auteur de The anatomy, physiology and pathology of the eye (Montréal et Londres, 1850) et de A rational materialistic definition of insanity and imbecility, with the medical jurisprudence of legal criminality, founded upon physiological, psychological and clinical observations (Montréal, 1882). De 1845 à 1851, il a aussi écrit plusieurs articles dans le British American Journal of Medical and Physical Science (Montréal) ainsi que les articles suivants dans le Canada Medical and Surgical Journal (Montréal) : « Mental and moral science ; with some remarks upon hysterical mania », 6 (1877–1878) : 439–453 ; « Some remarks on the medical jurisprudence of insanity », 6 : 210–220 ; et « Responsibility and irresponsibility in crime and insanity [...] », 7 (1878–1879) : 347–458.
Sur la situation des asiles à cette époque, on consultera avec profit les ACAM qui possèdent la correspondance entre les autorités de l’archevêché, les religieuses de l’asile de Longue-Pointe et le gouvernement provincial concernant les lois relatives aux asiles d’aliénés, de 1880 à 1885, ainsi que les rapports annuels des inspecteurs des prisons et asiles, reproduits dans Canada, prov. du, Parl., Doc. de la session, 1860–1867, et dans Québec, Parl., Doc. de la session, 1869–1888. [r. s.]
Borthwick, Hist. and biog. gazetteer, 144s.— Fernand Harvey et Rodrigue Samuel, Matériel pour une sociologie des maladies mentales au Québec (Québec, 1974).— Heagerty, Four centuries of medical hist. in Canada, II : 92–112, 119.— H. E. MacDermot, One hundred years of medicine in Canada, 1867–1967 (Toronto et Montréal, 1967).
Rodrigue Samuel, « HOWARD, HENRY », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 9 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/howard_henry_11F.html.
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Auteur de l'article: | Rodrigue Samuel |
Titre de l'article: | HOWARD, HENRY |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1982 |
Année de la révision: | 1982 |
Date de consultation: | 9 oct. 2024 |