HOLL, JOHN MYRIE, fermier et homme politique, né le 16 août 1802, à Lambeth, Londres, Angleterre, fils aîné de John M. Holl et d’Ann Lewis, décédé à Londres le 6 avril 1869.

John Myrie Holl, fils, passa son enfance en Angleterre où il reçut son éducation à Cheam School, dans le Surrey. En 1825, il épousa Ann, fille de William Smart, fabricant de tissus de soie à Londres, et ils eurent six fils et une fille ; pendant environ dix ans, ils vécurent près de Bideford, Devon. À 34 ans, Holl émigra à l’Île-du-Prince-Édouard avec son épouse et sa famille.

Peu après son arrivée en 1836, Holl acheta plus de 600 acres du lot 32 près de Charlottetown, qu’il baptisa Kenwith en souvenir de sa résidence de Bideford. Il s’intéressa de près à l’agriculture et devint bientôt membre assidu puis, aux alentours de 1855, président de la Royal Agricultural Society. Outre sa propre ferme, ses propriétés étaient restreintes ; cependant, entre 1850 et 1854, il participa à des transactions foncières considérables lorsqu’il fut nommé l’un des administrateurs du vaste domaine de Charles Worrell qui fut finalement acheté par le gouvernement de l’île en 1854 [V. William Henry Pope*].

Le lieutenant-gouverneur, sir John Harvey*, fit remarquer en 1836 que « des personnes de la classe de M. Holl correspond[aient] exactement à la description de l’immigrant le plus en demande dans la colonie ». Après la création de conseils législatif et exécutif distincts en 1839, le successeur de Harvey, Charles Augustus FitzRoy*, nomma Holl au Conseil législatif ; il le considérait comme « un gentleman indépendant, demeurant dans le comté de Queen, aucunement lié au gouvernement, aux propriétaires ou aux locataires ». Bien que Holl évita pendant de nombreuses années toute étiquette de parti, au cours des années 40, ses antécédents sociaux se reflétèrent dans la position qu’il adopta face au problème de la tenure des terres et à celui du gouvernement responsable. Aux alentours de 1841, il était devenu évident que le système de tenure dans l’île était presque féodal : plus des deux tiers des terres étaient occupées par des locataires. Un parti radical prônant l’escheat (confiscation des terres par l’État), dirigé par William Cooper, avait acquis une influence prédominante à l’Assemblée en préconisant la confiscation de terres non défrichées et leur revente en franc et commun soccage. Influencé par les propriétaires absentéistes, le ministère des Colonies rejeta, en les qualifiant d’irréalisables, la solution de l’escheat et la dernière, celle d’une loi touchant l’acquisition de terres qui autoriserait la couronne à acheter les terres des propriétaires absentéistes. Holl endossa le principe de la vente volontaire des terres comme règlement au problème mais décida, avec l’appui de la majorité des membres du Conseil législatif, que la couronne et les propriétaires devaient se plier à toute mesure adoptée. Son profond respect du droit de propriété obligea Holl, au début des années 40, à s’opposer à toute législation susceptible de s’immiscer dans les titres de propriété.

La lutte pour un gouvernement responsable était étroitement liée au problème de la tenure à bail car il était généralement admis que la tenure en franc et commun soccage serait le premier objectif d’un Conseil exécutif ayant à répondre devant le peuple. En qualité de propriétaire foncier, Holl peut avoir craint un tel changement constitutionnel ; à la fin des années 40 cependant, la définition du gouvernement responsable était suffisamment souple pour englober les partisans qui auraient pu s’opposer à son application rigoureuse. Holl accorda son vote aux résolutions de 1847 en faveur d’un gouvernement responsable, et sa nomination au Conseil exécutif au cours de la même année fut accueillie par les réformistes comme une adhésion à leur cause. Comme la question de principe se faisait de plus en plus pressante, Holl adopta le point de vue britannique selon lequel seuls « le temps et le cours naturel des choses » allaient permettre à la petite société de l’île de posséder suffisamment de terres, d’éducation et de moments libres pour se gouverner elle-même. Cependant, sous la direction de George Coles*, la majorité libérale de l’Assemblée, impatiente, eut recours à ses nouveaux pouvoirs en matière de subsides pour hâter le dénouement. En 1851, Holl et les autres membres du Conseil exécutif durent démissionner pour faire place à un nouvel exécutif qui avait la confiance de la majorité élue.

La controverse concernant l’application du principe de la responsabilité amena bientôt Holl à la tête du mouvement conservateur de l’île. Le premier gouvernement responsable, sous la direction de Coles, était fondé sur un système suivant lequel les ministres détenaient un siège à l’Assemblée jusqu’à ce qu’ils perdent la confiance de la chambre. L’adaptation lente de la colonie à une discipline ministérielle aboutit bientôt à une scission chez les libéraux au sujet d’un projet de loi sur les salaires qui devait mettre les fonctionnaires à l’abri de tout soupçon en remplaçant leurs honoraires par des salaires fixes. Depuis l’instauration du gouvernement responsable, Edward Palmer*, leader conservateur à l’Assemblée, et Holl, au Conseil législatif, avaient soutenu que l’indépendance de la législature eût été mieux protégée et qu’il en aurait résulté une plus grande responsabilité si des fonctionnaires payés par les ministères n’avaient pas occupé de sièges à la chambre. Des élections tenues au cours de l’été fournirent aux conservateurs l’occasion de promouvoir le non-departmentalism, politique d’inspiration profondément américaine, séparant l’administratif du législatif. Coles, déjà en difficulté en raison des taxes scolaires élevées, ne reçut pas de la population l’appui qu’il escomptait et il fut défait, en février 1854, par la majorité conservatrice de l’Assemblée. En avril 1854, en qualité de membre le plus ancien et de leader conservateur au Conseil législatif, Holl devint premier ministre, le premier chez les conservateurs, sous le régime du gouvernement responsable.

Le gouvernement de Holl ne dura que quatre mois. Une forte majorité libérale au sein du Conseil législatif nommé s’opposa à la plupart des grands projets de loi des conservateurs touchant la vente de boissons alcooliques, que l’on voulait interdire en s’inspirant d’une loi en vigueur dans le Maine, les dépenses gouvernementales et le versement de salaires aux fonctionnaires, projet qui excluait les membres du gouvernement de la fonction publique. Se rangeant du côté des libéraux, le lieutenant-gouverneur, sir Alexander Bannerman, s’opposa aux vues des conservateurs concernant la mise en œuvre d’un gouvernement responsable comme étant non britanniques et, malgré l’opposition du Conseil exécutif, provoqua avec audace la dissolution de l’Assemblée, invoquant un artifice de procédure. Tandis que Palmer briguait les suffrages aux élections de juin, Holl et Thomas Heath Haviland représentaient l’île à une conférence tenue à Québec sur le traité de réciprocité qui faisait l’objet de négociations entre la Grande-Bretagne et les États-Unis. Coles fut reporté au pouvoir par un nouvel électorat, le droit de vote ayant été accordé à un plus grand nombre d’électeurs ; ce qui amena la démission des conservateurs en juillet.

L’opposition de Holl à l’extension de la démocratie et le fait qu’il était l’agent des propriétés de Worrell l’identifièrent davantage au groupe des propriétaires fonciers. Ses pires craintes face au gouvernement populaire semblaient s’être réalisées dans la nouvelle Assemblée. Il considéra les lois de 1855 – qui prévoyaient des allocations aux locataires pour les améliorations et qui imposaient une taxe s’ajoutant à la redevance nominale versée par les propriétaires – comme un type de législation discriminatoire qui obligeait les propriétaires à vendre leurs terres au gouvernement local en vertu de la loi d’achat des terres de 1853, situation qu’il décrivit comme « un genre de piraterie législative ». La conviction que « les doctrines communistes de Louis Blanc avaient dépassé le stade de la théorie à l’Île-du-Prince-Édouard » a sans aucun doute joué un rôle dans la décision de Holl de retourner en Angleterre en 1855.

En juin de la même année, 300 éminents citoyens de Charlottetown soulignèrent la contribution publique et privée de Holl à la communauté en lui présentant leurs adieux. Au cours de ses 19 années dans l’île, il avait appuyé l’Auxiliary Bible Society et la Colonial Church Society ; il avait été juge de paix, commissaire chargé de la discipline dans les prisons, membre du Bureau de santé et commissaire chargé de la surveillance de la construction de l’édifice du parlement (Province House). Dans tous les milieux politiques, on reconnaissait son jugement et sa prudence. Son conservatisme, son intérêt personnel pour le progrès économique et social modéré auraient pu être considérés comme des valeurs positives dans une autre colonie en voie de développement. Au xixe siècle cependant, dans l’Île-du-Prince-Édouard, le désir effréné d’obtenir la tenure en franc et commun soccage ne pouvait souffrir de modération. Deux des fils de Holl demeurèrent au pays et exploitèrent le domaine de Kenwith, perpétuant ainsi l’intérêt de leur père pour le développement agricole de l’île.

Mary K. Cullen

Des renseignements utiles ont été fournis par F. M. Holl dans une lettre envoyée au DBC, 23 juin 1962.

PANB, REX/le/lg, Harvey, Letterbook, 28 oct. 1836–18 juill. 1837, p. 10.— PAPEI, P.E.I., Executive Council, Minutes, 1837–1855 (mfm aux APC) ;Records of land registration, general indexes to 1872.— PRO, CO 226/54, 222–227 ; 226/60, 254s. ; 226/71, 566 ; 226/73, 9–11, 384s. ; 226/83, 87s., 92, 123, 126–129, 141–145, 148, 234–239 ; 226/84, 217 ; 226/85, 221, 225–231.— Î.-P.-É., Legislative Council, Journal, 1840–1855.— Examiner (Charlottetown), 13 nov. 1847.— Haszard’s Gazette (Charlottetown), 1er févr., 20 juill., 30 avril, 4, 11, 18, 21 mai, 8 juin, 3 août, 5 oct. 1853, 15, 18, 25 févr., 15, 19, 29 avril, 3, 6, 17, 20, 31 mai, 7 juin, 1er, 5, 12 juill., 2, 5 août, 6 sept. 1854, 13 juin 1855.— Islander, 24 mai, 7 juin 1844, 5 avril 1845, 28 mars 1846, 30 avril, 12, 19 nov. 1847, 13 oct. 1848, 5 juill. 1850, 28 mai 1852, 8 avril, 27 mai 1853, 17, 24 févr., 17 mars, 21 juill. 1854, 16 févr., 15 juin 1855.— Royal Gazette (Charlottetown), 4 août 1840, 30 mars, 1er mai 1841, 26 mars 1844, 25 mars 1845, 13, 27 avril 1847, 9, 16 mai 1848, mars 1849, 21 juill. 1851, 29 mars, 3, 5 avril 1852, 4 avril 1853.— Times (Londres), 26 avril 1866.— Prince Edward Island almanack [...] (Charlottetown), 1853.— The Prince Edward Island calendar [...] (Charlottetown), 1836–1837, 1840–1841, 1843–1845, 1847, 1850–1851, 1855.— Canada’s smallest province (Bolger).— W. R. Livingston, Responsible government in Prince Edward Island : a triumph of self-government under the crown (Iowa City, 1931).— MacKinnon, Government of P.E.I., 61–85.— D. C. Harvey, Dishing the Reformers, SRC Mémoires, 3e sér., XXV (1931), sect. ii : 37–44.

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Mary K. Cullen, « HOLL, JOHN MYRIE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 17 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/holl_john_myrie_9F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1977
Année de la révision:    1977
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