Provenance : Bibliothèque et Archives Canada/MIKAN 2266118
HENDAY (Hendey, Hendry), ANTHONY, manœuvre, laceur et explorateur au service de la Hudson’s Bay Company, circa 1750–1762.
Anthony Henday fut l’un des premiers hommes de race blanche à explorer les vastes espaces de l’Ouest canadien. Avant lui, d’autres voyageurs s’étaient aventurés à l’intérieur du continent : Henry Kelsey* s’était rendu jusqu’aux plaines en 1690–1692, William Stuart* avait traversé les Barrens jusqu’à la région sud-est du Grand lac des Esclaves (Great Slave Lake, T.-N.-O.) en 1715–1716, mais dans l’ensemble, la Hudson’s Bay Company n’avait pas manifesté beaucoup d’intérêt pour les régions à peu près ignorées qui s’étendaient au-delà de la baie d’Hudson. Toutefois, lorsque Pierre Gaultier de Varennes et de La Vérendrye et ses successeurs commencèrent à drainer le commerce de l’Ouest au cours des années 40, la compagnie commença à s’intéresser de plus près à ce qui se passait là-bas dans les vastes territoires qu’elle revendiquait aux termes de sa charte. Aussi, le comité de Londres donna-t-il son assentiment à la suggestion de James Isham qui avait la direction du fort York (York Factory, Man.) ; selon lui, « si une personne choisie avec soin était envoyée à l’intérieur du pays, avec des présents pour les Indiens, cela pourrait se révéler un bon moyen pour attirer un grand nombre d’indigènes vers la baie pour y commercer ».
Henday se porta volontaire pour l’expédition. Natif de l’île de Wight, située au sud de l’Angleterre, il avait exercé le métier de pêcheur avant d’entrer au service de la compagnie, en 1750, en qualité de laceur et de manœuvre. Selon Andrew Graham*, qui l’avait connu à York, il avait été proscrit pour contrebande en 1748, chose que les autorités de la Hudson’s Bay Company ignoraient lorsqu’elles l’embauchèrent. Depuis qu’il était à la baie d’Hudson, il avait acquis quelque expérience de déplacements à l’intérieur du pays car il avait voyagé avec un parti d’Indiens jusqu’au lac Split, en février et mars 1754, dans le but de se faire une idée des distances.
Le 26 juin 1754, il se mit en route avec un détachement de Cris des plaines qui retournaient à l’intérieur du pays. Le parcours qu’ils suivirent se situait plusieurs milles au nord de celui que suivront au xixe siècle les convois en partance de York ; ils quittèrent la rivière Hayes à l’embouchure de la Fox et traversèrent les lacs Utik et Moose pour atteindre la rivière Paskoya (Saskatchewan). Ayant appris que dans trois jours l’expédition passerait en vue d’un poste français, Henday consigna son appréhension : « Je n’aime pas beaucoup cela, car je n’ai aucune raison satisfaisante à leur donner pour justifier mon voyage à l’intérieur du pays et il est fort possible qu’ils croient que je suis un espion. » Lorsque le groupe atteignit Paskoya (Le Pas, Man.), le 22 juillet, effectivement, les traiteurs français (Louis de La Corne était peut-être du nombre) menacèrent de s’emparer de Henday et de l’expédier en France, mais impressionnés peut-être par le grand nombre d’Indiens qui l’accompagnaient, ils lui permirent de poursuivre sa route.
Henday et ses compagnons ne tardèrent pas à abandonner leurs canots pour poursuivre leur route à pied à travers les immenses prairies. Au bout de quelques milles, les Indiens retrouvèrent les membres de leurs familles qui n’avaient pas fait le long trajet par eau jusqu’à la baie. Henday voyageait déjà en compagnie d’une femme de la tribu des Cris dont l’aide lui fut infiniment précieuse aussi bien pour trouver sa nourriture et l’apprêter qu’à titre d’interprète. Il ne mentionne pas son nom dans son journal, se contentant de la désigner comme sa « compagne de lit ». Les références à sa situation par rapport à cette femme sont absentes du journal dans la version officielle qu’Isham fit parvenir à Londres, car il était bien connu que le comité désapprouvait ce genre de choses.
Le groupe, maintenant plus considérable, continua en direction de l’ouest, traversa la rivière Saskatchewan du Sud, au nord de ce qui est aujourd’hui Saskatoon, et passa au sud de l’emplacement où s’élèvera plus tard Battleford. L’itinéraire qu’ils parcoururent, particulièrement après avoir quitté la région de Battleford, est un sujet de controverse. L’original du journal de Henday n’existe plus et les quatre copies qui subsistent se contredisent sérieusement. Quoi qu’il en soit, les inscriptions succinctes dans le journal de Henday se prêtent à différentes interprétations. « Nous nous rendons compte, signalera par la suite le comité de Londres, que Henday n’est pas très expert dans le tracé précis des plans ou dans l’évaluation des distances autrement qu’au jugé. » La plus récente et la plus convaincante des tentatives pour retracer son itinéraire a été faite par J. G. MacGregor, dans Behold the Shirting Mountains. Selon MacGregor, les voyageurs continuèrent en direction du nord-ouest et de l’ouest en longeant la vallée de la rivière Battle du côté sud.
Le 6 septembre, ils rencontrèrent un groupe d’Aigles, une bande assiniboine qui n’avait jamais trafiqué avec les Blancs. La diplomatie que déploya Henday fut, semble-t-il, efficace, car, par la suite, des groupes d’Aigles se rendirent à York tous les ans. Les Indiens que Henday recherchait étaient ceux que les gens de la Hudson’s Bay Company connaissaient vaguement sous le nom d’« Archithinues » ; ces Indiens étaient soit des Atsinas (Gros Ventres) soit des Siksikas (Pieds-Noirs). Attickasish, chef du groupe cri qui accompagnait Henday, avait rencontré deux Archithinues le 4 septembre, mais les autres étaient plus loin à l’ouest lancés à la poursuite des troupeaux de bisons les plus considérables. Henday nota, à la date du 15 septembre : « les bisons étaient en si grand nombre que nous fûmes obligés de les faire s’écarter de notre route ». À mesure qu’ils avançaient, Henday et ses compagnons rencontraient de nombreux groupes d’Assiniboines qui chassaient le bison. Le 14 octobre, à 18 milles environ au sud-est de l’endroit qui est aujourd’hui Red Deer, Alberta, ils trouvèrent enfin le grand campement des Archithinues où quelque 200 tentes s’alignaient sur deux rangées. À une des extrémités trônait la cabane en peaux de bison où logeait le grand chef et dans laquelle pouvaient prendre place environ 50 personnes. Le chef, entouré de 20 anciens, reçut Henday, le fit asseoir à sa droite sur une peau de bison neuve. Plusieurs calumets furent allumés et distribués à la ronde sans qu’aucune parole ne vienne rompre le silence ; puis on fit circuler des morceaux de viande de bison bouillie disposés dans des corbeilles faites d’herbes tressées et on offrit à l’invité d’honneur 12 langues, le mets raffiné par excellence des Archithinues.
Le jour suivant, Henday rencontra le chef à nouveau et pour se conformer aux instructions de la compagnie, il lui demanda de permettre à de jeunes Indiens de retourner à York avec lui. Le chef répliqua que ses Indiens ne pouvaient subsister sans viande de bison, ne pouvaient non plus abandonner leurs chevaux et qu’ils ne savaient pas se servir de canots. Il s’était laissé dire, en outre, que les gens qui descendaient vers les établissements de la baie souffraient de la faim pendant le voyage. « Ces constatations me parurent on ne peut plus vraies », remarqua Henday, qui avait accompli seulement la moitié de son épuisant voyage après 16 semaines passées à franchir les rivières, les lacs et la plaine.
Henday et un certain nombre de Cris se déplacèrent vers la région située à l’ouest des lieux qui deviendront plus tard Innisfail et Red Deer et ils y passèrent la première partie de l’hiver. Ils étaient alors en vue des Rocheuses mais dans les copies du journal de Henday qui subsistent il n’est pas fait clairement mention de cette imposante chaîne de montagnes. À la mi-janvier, ils prirent la direction nord-nord-est, passé le lac qui est connu aujourd’hui sous le nom de lac Sylvan, vers le point où la rivière Sturgeon se déverse dans la rivière Saskatchewan du Nord (à environ 20 milles en aval de l’actuelle ville d’Edmonton). Ils campèrent à cet endroit du 5 mars au 28 avril et s’employèrent à fabriquer des canots pour la longue randonnée en direction de l’est.
En descendant la rivière Saskatchewan du Nord à la rame, ils firent la rencontre de bandes d’Indiens qui se joignirent à eux ou troquèrent leurs fourrures avec les Cris contre des articles de provenance anglaise. Ses compagnons d’expédition avaient promis à Henday qu’ils essaieraient de persuader les Archithinues de descendre à la baie ; néanmoins, malgré les nombreux Indiens de cette tribu qui se trouvèrent sur leur route, les rusés Cris ne firent rien pour tenir parole. Bien au contraire, comme le fit remarquer Henday, « c’est à peine s’il rest[ait] un fusil, une marmite, une hachette ou un couteau, tout ayant été vendu aux Archithinues ». Il devint clair à son esprit que les structures économiques des Indiens étaient plus complexes que ne le pensait la Hudson’s Bay Company. Nombre d’Indiens qui faisaient du commerce à la baie d’Hudson avaient abandonné la chasse et le « trappage » pour servir d’intermédiaires aux membres de leur tribu ou aux membres des autres tribus de l’intérieur des terres lesquels n’utilisaient pas de canots.
Lorsque la flottille, qui comptait maintenant 60 canots, arriva au fort Saint-Louis, quelque dix milles au sud de la fourche de la Saskatchewan, les trafiquants français de l’endroit commencèrent par offrir de l’eau-de-vie à leurs clients puis obtinrent d’eux environ mille peaux de premier choix. Ils répétèrent le même stratagème à Basquia, et Henday observa : « Les Français parlent plusieurs langues à la perfection ;ils ont l’avantage sur nous en toutes choses ; et s’ils avaient du tabac du Brésil [...] ils nous raviraient tout le commerce. » Après quatre jours passés à Paskoya, il ne restait plus que les peaux lourdes ; Henday et les Cris reprirent la route de la baie d’Hudson en suivant le même chemin qu’à l’aller. Leur extraordinaire voyage se termina à York le 23 juin. Ils avaient été absents tout près d’un an. Henday s’était rendu plus loin à l’intérieur du continent, vers l’ouest, que tout autre Européen avant lui et il avait fait des constatations très utiles sur l’économie des Indiens et sur le genre de concurrence que leur faisaient les Français. Certains de ses récits semblèrent si étranges à ceux qui étaient restés au poste qu’ils furent accueillis avec une bonne dose d’incrédulité. Lorsqu’il raconta que les Archithinues se déplaçaient à dos de cheval, ses dires n’éveillèrent que scepticisme et éclats de rire.
Henday passa moins d’une semaine à York puis retourna à l’intérieur des terres, accompagné, cette fois, de William Grover. Toutefois, Grover fut incapable de supporter le harassement du voyage et le 2 juillet les deux hommes étaient déjà de retour à la baie. Apparemment Henday se ressentait, lui aussi, de la fatigue de ses expéditions car, en 1756, lorsque lsham l’envoya à l’intérieur du pays « pour prendre une vue réelle et exacte de l’endroit qu’il avait jugé propre à un établissement, à 500 milles de la baie, d’après les calculs », son mauvais état de santé l’obligea à rentrer à York sans avoir pu mener sa mission à terme. En 1758, il passa l’hiver à Ship River, un avant-poste de York, mais tomba si gravement malade « des suites d’un rhume » qu’un parti fut dépêché en mars pour le ramener au poste principal. Il recouvra la santé et en juin 1759 il se rendit de nouveau au pays des Archithinues. Il n’existe pas de journal de cette expédition. Il fit le voyage en compagnie de quelques Archithinues qui étaient venus trafiquer à la baie d’Hudson, fruit de son expédition antérieure, et de Joseph Smith qui avait déjà à son actif plusieurs longs voyages à l’intérieur du continent. Henday, Smith et 61 canots montés par les Indiens réapparurent à York en juin 1760.
Henday quitta le service de la compagnie en 1762. D’après Andrew Graham, qui était à York à l’époque, il avait été déçu de ne pas se voir accorder de promotion et mécontent d’avoir été l’objet d’insultes de la part des équipages des navires de ravitaillement parce qu’il ne leur avait pas acheté d’objets de luxe. Ainsi prit fin la carrière d’un explorateur « audacieux et hardi » qui a largement contribué à renseigner la compagnie sur les contrées que celle-ci revendiquait et sur les gens qui les peuplaient.
L’original du journal de Henday n’existe plus et les quatre différentes copies qui subsistent dans les HBC Archives se contredisent sérieusement sur certains points. Sous la cote B.239/a/40 on trouve la copie que James lsham expédia de York en 1755 ; elle est inexacte à certains égards mais se termine par un vibrant plaidoyer en faveur de l’expansion continentale. Parmi les manuscrits qui constituent les « Observations » d’Andrew Graham, il y a trois copies : E.2/4, ff.35–60, datée erronément de 1755–1756 et en réalité rédigée aux environs de 1768–1769 ; E.2/6, ff.10d–38d, écrite vers 1767–1769 ; et E.2/11, ff.l–40d, écrite vraisemblablement en 1790 seulement et qui contient d’utiles annotations de Graham. Cette version dû journal, la seule qui ait été publiée, est intitulée York Factory to the Blackfeet country – the journal of Anthony Hendry, 1754–55, L. J. Burpee, édit., MRSC, 3e sér., I (1907), sect. ii : 307–364.
Les autres sources de renseignements sur Henday sont : Morton, History of the Canadian west ; J. G. MacGregor, Behold the Shining Mountains, being an account of the travels of Anthony Henday, 1754–55, the first white man to enter Alberta (Edmonton, 1954) ; Glyndwr Williams, Highlights in the history of the first two hundred years of the Hudson’s Bay Company, Beaver (Winnipeg), outfit 301 (autumn 1970), 4–63 ; C. P. Wilson, Across the prairies two centuries ago, CHA Report, 1954, 29–35. [c. w.]
Clifford Wilson, « HENDAY (Hendey, Hendry), ANTHONY », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 17 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/henday_anthony_3F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/henday_anthony_3F.html |
Auteur de l'article: | Clifford Wilson |
Titre de l'article: | HENDAY (Hendey, Hendry), ANTHONY |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1974 |
Année de la révision: | 1974 |
Date de consultation: | 17 déc. 2024 |