HAYES (Haies), EDWARD, explorateur anglais, écrivain et promoteur d’entreprises coloniales, né vers 1550 à West Derby, près de Liverpool, dans le Lancashire, mort vers 1613.
Le père de Hayes était marchand et petit propriétaire foncier ; peu après la naissance de son fils, il alla s’établir à Liverpool. Hayes fréquentait King’s College, à Cambridge, en 1565 et on l’y retrouve en 1571, mais il n’obtint pas de grade. Il entra au service d’Elizabeth, Lady Hoby (Lady Russell à partir de 1574) à Bisham Abbey, dans le Berkshire, peut-être comme précepteur d’un de ses fils, et il aurait alors été, semble-t-il, signait a l’attention du lord trésorier, Lord Burghley, beau-frère de Lady Russell. Il fut souvent par la suite en relations avec Burghley et il semble avoir joui de certaines faveurs de sa part de temps à autre.
Pendant cinq ans, de 1578 à 1583, il fut très étroitement associé aux voyages et aux entreprises de colonisation de Sir Humphrey Gilbert en Amérique. En 1578, sous le nom de « Mr. Haies, gentilhomme de Leerpolle », il souscrivit à l’expédition que préparait Sir Humphrey Gilbert en vue de trouver un pays où établir une colonie anglaise, et peut-être participa-t-il au voyage infructueux de cette année-là, bien que les registres n’en fassent nulle mention. Il partit en mer comme capitaine d’un navire marchand vers 1579. Vers la fin de 1581 ou le début de 1582, il acheta le Samuel, de Weymouth, qu’il rebaptisa le Golden Hind en l’honneur du vaisseau de Sir Francis Drake, et fit au moins un voyage de course à bord de ce navire. À partir de 1580, cependant, il collabora étroitement avec Gilbert aux préparatifs d’une seconde entreprise maritime. Comme Gilbert, il abandonna le Sud-Est de l’Amérique pour se tourner vers le Nord-Est et peut-être avait-il subi l’influence de la propagande d’Anthony Parkhurst en faveur d’une colonie anglaise à Terre-Neuve, bien que les intérêts particuliers de Gilbert fussent concentrés sur la partie continentale située au sud du Cap-Breton, et tout particulièrement dans ce qui devait plus tard porter le nom de Nouvelle-Angleterre. Dès 1582, il était déjà connu de Richard Hakluyt et s’occupait de préparer le voyage (et probablement aussi de faire de la propagande en faveur de cette expédition). Il mit au service de celle-ci son trois-mâts, le Golden Hind, de 40 tonnes. Le capitaine de ce vaisseau était un marin endurci et expérimenté du nom de William Cox, de Limehouse, qui avait commandé un bâtiment armé en corsaire dans les Antilles en 1576–1578, et qui plus tard s’était distingué (et avait même trouvé la mort) au cours de la campagne contre l’Invincible Armada.
Peut-être Hayes fut-il désigné pour rédiger une relation du voyage ou décida-t-il de le faire de son propre chef. En tout cas, son récit vivant et dramatique, publié sous le titre de « A report of the voyage ... », dans l’édition de 1589 de l’ouvrage d’Hakluyt, The principall navigations, fait autorité en ce qui concerne ce voyage qu’il nous fait voir comme il l’a vu. Hayes écrit bien, surtout lorsqu’il raconte simplement ce qui s’est passé, et son récit est célèbre à juste titre. Le Golden Hind quitta Plymouth avec l’expédition le 11 juin et releva la terre près du détroit de Belle-Isle le 30 juillet. Mettant le cap prudemment vers le Sud à partir du 51 degré de latitude nord, ou à – peu près, Hayes aperçut d’abord l’île Funk, puis l’île Baccalieu et le cap Saint-François, rejoignant le Swallow à la baie de id Conception. Gilbert, qui était à bord du Delight (commandé par Richard Clarke) le rejoignit dans le havre de Saint-Jean. Après l’arrivée de Gilbert le 3 août, Hayes descendit à terre et fit, le lendemain, une petite randonnée autour du havre, mais il se blessa (on ne dit pas comment), et fut immobilisé pendant quelques jours. Il dut donc s’en remettre dans une large mesure aux récits des détachements que Gilbert dépêcha de sa base, bien qu’ils n’eussent pas réussi à pénétrer bien loin à l’intérieur [V. Stephanus Parmenius]. Il résuma ces rapports avec soin, décrivit le climat intelligemment, estima les ressources qu’offraient les abords de l’île en matière de pêche, et en conclut que toutes les denrées des régions septentrionales, qu’elles fussent ou non présentes dans l’île – bois d’œuvre, chanvre, lin, fourrures et, croyait-il, blé. —, pouvaient y être produites et exploitées avantageusement ; mais il allait falloir, comme en Scandinavie, affronter les rigueurs de l’hiver. Il recueillit des renseignements au sujet des arbres, des fruits, des oiseaux et des animaux, soulignant particulièrement les richesses minérales de l’île, le fer, le cuivre, le plomb et, pensait-il, l’argent.
Hayes fait un récit attachant de l’étape suivante de voyage (24–29 août) et raconte tout ce qu’il sait du naufrage du Delight. Hayes, qui suivait l’autre navire, semble avoir choisi une route plus sûre, vers le ‘Sud-Ouest [V. Sir Humphrey Gilbert]. Mais l’expédition était trop réduite pour pouvoir continuer ; le Golden Hind et le Squirrel étaient incapables d’affronter les rafales et d’exécuter le long voyage de reconnaissance qui avait été prévu pour l’automne le long de la côte à partir du Cap-Breton. Gilbert quitta le Squirrel pour aller s’entretenir avec Hayes et Cox. lis décidèrent à contrecœur, rapporte Hayes, d’abandonner le voyage.
Mais Gilbert n’avait pas pour autant abandonné ses projets. Lors d’un dernier entretien, il demanda à Hayes et à Cox de commander les expéditions qu’il allait organiser en 1584 en direction du Sud (le long du littoral continental) pendant qu’il dirigerait lui-même une expédition vers le Nord (c’est-à-dire jusqu’à Terre-Neuve). Mais le lundi soir 9 septembre, les feux du Squirrel s’éteignirent et Hayes ne put que supposer que le navire avait fait naufrage. Le lendemain on ne trouva aucune trace ni du vaisseau ni de ses occupants. Le Golden Hind retourna donc seul en Angleterre ; il atteignit Falmouth le 22, puis jeta l’ancre à Dartmouth où on fit part de la triste nouvelle au frère de Gilbert. Le navire se rendit ensuite à Weymouth où les hommes furent licenciés. Ils étaient restés unis et en bonne santé durant tout le voyage malgré de nombreux contretemps. Hayes, qui avait subi de lourdes pertes, demeura quand même optimiste. Il s’était révélé bon navigateur et homme de ressources.
A son retour, Hayes s’employa à assurer la continuation de l’entreprise de Gilbert, prenant une part active à la rédaction du tract de Sir George Peckham intitulé A true report ... (1583), par lequel il espérait se gagner des appuis en faveur de cette affaire. Mais la plupart des commanditaires catholiques de l’entreprise l’avaient abandonnée et ceux qui avaient confié des fonds à Gilbert avaient déjà perdu trop d’argent. Nous ignorons si Hayes rédigea cf diffusa son propre compte rendu. Christopher Carleill partit au mois de mai 1584, mais il ne dépassa pas l’Irlande. Hayes était néanmoins convaincu que Terre-Neuve offrait des perspectives fort intéressantes, mais encore fallait-il trouver l’appui financier nécessaire pour exploiter ce territoire ; aussi, ne s’associa-t-il pas à Walter Raleigh et à Sir Francis Walsingham, son patron, qui se mirent bientôt à élaborer des projets de colonisation juste au nord de la Floride espagnole.
Il chercha plutôt à s’assurer l’appui de Lord Burghley, son vieux protecteur,’dont les intérêts outre-mer se concentraient sur les pêches, le commerce des fourrures et la production de fournitures pour la marine, soit, surtout, le bois d’œuvre, le chanvre et le lin. Dès le 10 mai 1585, lorsque Hayes écrivit à Burghley (BM, Lansdowne MS 37, ff.166s.), il avait préparé divers documents détaillés au sujet de Terre-Neuve et remis dès le début de 1596, d’abord « A discourse of Master Haies of the new lande discovered » (BM, Lansdowne MS 100, ff.83–87), dans lequel il traite du climat et des produits de Terre-Neuve par rapport aux besoins économiques et aux droits politiques de l’Angleterre, puis un autre « Platt » (carte ou plan) (ibid., ff.88–94) devant servir à l’exécution de ses projets en vue de fonder une colonie qui régirait les pêcheries.
Il montra une connaissance assez détaillée des pêcheries et se dit convaincu que tous, Anglais et étrangers, accepteraient, dans les havres, des mesures de réglementation et d’imposition qui leur vaudraient d’être protégés contre les attaques [V. Sir Richard Clarke, Sir Bernard Drake]. Il proposa la création d’une société représentant les pêcheurs établis dans tous les principaux havres et dirigée par un homme de la haute noblesse, société dont pourraient faire partie d’autres Anglais intéressés à l’industrie de la pêche. Cette société ne devait pas différer beaucoup du consortium qui avait été organisé en 1603 pour la traite des fourrures en Nouvelle-France. Peut-être Hayes avait-il l’appui de certains ports du Sud, tels que Southampton et Weymouth ; cependant, les ports du Sud-Ouest étaient satisfaits du régime existant, et d’ailleurs tous les pêcheurs intéressés étaient extrêmement individualistes. Sans compter qu’on n’était pas du tout certain de pouvoir régir et taxer les navires de pêche étrangers. Pour sa part, Hayes offrit d’emmener là-bas 200 forçats pour exécuter les durs travaux de galériens et de manœuvres. Il donnait à entendre que le commandement de l’expédition devait lui revenir. Peut-être Burghley se montra-t-il favorable au projet, mais il ne chercha pas à y donner suite. Ce dessein avait pourtant une certaine importance, puisqu’il fut cause qu’on examina plus attentivement la possibilité de coloniser Terre-Neuve.
La reproduction de compte rendu du voyage de Gilbert, par Hayes, dans la première édition (1589) de l’ouvrage d’Hakluyt, The principall navigations, fit connaître le caractère vivant et dramatique de son récit et exposait en outre les vues de Hayes sur la colonisation anglaise en général ; ce compte rendu s’accompagnait de « A brief relation of the New found lande », qui est la première description systématique du genre jamais publiée. (Cette relation a été réimprimée dans la deuxième édition, III (1600) : 143–161.) Hayes ne se borna pas à favoriser la colonisation, car durant toute sa vie active, de 1579 à 1613, il soumit de nombreux projets à Burghley et à ses successeurs au poste de lord trésorier, ainsi qu’au fils de Burghley, Sir Robert Cecil. Il s’agissait parfois de projets de réformes intérieures, dont bon nombre avaient trait à l’amélioration du régime monétaire de l’Angleterre ou de l’Irlande ou encore à la réorganisation de la milice ; d’autres visaient, par exemple, à améliorer l’aqueduc de Londres ou à exécuter d’autres travaux d’intérêt local. Dans la plupart des cas, il proposait qu’on lui confiât la direction de ces affaires. Ajoutons aussi que cet homme actif et habile fit la guerre de course de 1589 à 1591.
Vers l’année 1593, Hayes avait retrouvé son enthousiasme pour l’Amérique du Nord, mais il décida alors que le climat de Terre-Neuve était trop rigoureux pour qu’on songeât à y établir une colonie permanente. Il fallait plutôt, croyait-il, favoriser des établissements sur le continent même, entre le 40e et le 45e degré de latitude, afin que les colons anglais puissent jouir d’un climat plus conforme à celui de leur propre pays, ou encore dans la vallée du Saint-Laurent où les Français avaient atteint le 45e degré et où on avait de fortes chances de découvrir un passage vers les mers du Sud. Il fallait établir la colonie sur des fondements économiques solides, grâce au commerce profitable des fourrures avec les Indiens, à la création graduelle de petits établissements et à la possibilité d’attirer par la suite les pêcheurs de Terre-Neuve vers le littoral continental, où l’on pourrait mettre à leur disposition des pêcheries et les installations nécessaires. Plus tard, lorsque la colonisation aurait pris de l’ampleur, un grand nombre de colons – 20 000, au besoin – pourraient être transportés en Amérique à bord des vaisseaux de pêche venant de la métropole et l’on pourrait créer ainsi une solide dépendance de la couronne d’Angleterre, tandis que la découverte d’une route jusqu’au Pacifique serait une source de richesse non seulement pour les colons mais pour toute l’Angleterre.
Le plan s’inspire en grande mesure des idées de Christopher Carleill, qui, en 1583–1584 [V. Sir Humphrey Gilbert], avait formé le projet de coloniser les côtes au nord du 40e degré de latitude, mais qui en avait été détourné par diverses affectations militaires en Irlande. Il est fort possible qu’à son retour en Angleterre, en 1593, il se soit uni à Hayes (et peut-être même à Richard Hakluyt). De cette collaboration naquit un vaste et précieux projet de colonisation de ce qui est maintenant le Canada et la partie nord de la Nouvelle-Angleterre. Ce document, qui n’a jamais été publié, s’intitule : « A discourse concerning a voyage intended for the plantation of Christian religion and people in the northwest regions of America in places most apt for the constitution of our bodies and the speedy advancement of a state » (Cambridge University Library, MS Dd 3.85). La chose devait se faire de 1593 à 1595, mais, dès 1595, Carleill était déjà parti, dit-on, prendre part au dernier voyage de Sir Francis Drake, tandis qu’en 1596 Hayes consentait à suivre Sir Walter Raleigh en Guyane. D’autres personnes étaient-elles attirées par ces plans ? On l’ignore, mais il est fort possible qu’ils aient été soumis à Lord Burghley, qui s’intéressait alors à des projets de pénétration dans le Saint-Laurent [V. Richard Fisher, Sylvester Wyet, Charles Leigh)].
La version du discourse qui figure, sous la signature de Hayes, comme appendice à l’ouvrage de John Brereton, A brief and true relation... (1602), est très abrégée : elle se rattache plutôt aux tentatives d’exploration et de colonisation du Maine et du Massachusetts qui avaient été le but du voyage entrepris par Bartholomew Gosnold en 1602. Toute mention du Saint-Laurent est disparue (les Anglais ont fini par abandonner la vallée aux Français), mais le titre de l’appendice, « A treatise, containing important inducements for the planting in these parts, and finding a passage that way to the South Sea and China », continue de souligner la possibilité de découvrir, sinon par le Saint-Laurent, du moins par d’autres cours d’eau, un passage vers l’Ouest jusqu’au Pacifique. Mais des listes de produits découverts sur la côte atlantique comprennent quelques nouvelles bribes de renseignements probablement recueillis par Hakluyt, à propos de la Nouvelle-Écosse.
Hayes cesse alors de s’intéresser aux entreprises américaines. De 1599 à 1603, il occupe, pour le compte de l’État, un emploi qui a trait à l’Irlande. Eut-il alors d’autres occupations ? Nous l’ignorons. Il préférait vivre à Londres, mais on le découvre à diverses époques à Fittington, dans le comté d’Essex, et à Hamsell, dans le Sussex. De 1601 à 1603, il dirige en Irlande un projet d’altération de la monnaie dont il est lui-même l’auteur. Il s’intéresse à diverses inventions, ou plutôt à leur application, surtout dans le domaine de la frappe des monnaies. Sur la fin de sa vie, à partir de 1603, il toucha une pension de l’État. Mais il continua de s’intéresser vivement à l’Amérique du Nord de 1578 jusqu’à au moins 1606, année où, de concert avec un de ses parents, Thomas Hayes, il présenta à Lord Salisbury un projet de financement public de la Virginia Company, que l’on se proposait alors d’établir.
Nous devons à Hayes une des meilleures relations qui soient d’un voyage entrepris par les Anglais au xvie siècle vers la région qui est maintenant le Canada ; mais nous devons le considérer en outre comme le plus ardent protagoniste de la colonisation de Terre-Neuve, des provinces atlantiques et de la région du Saint-Laurent sous le règne d’Élisabeth. De son vivant, seule l’île de Terre-Neuve fut colonisée par des Anglais. Mais il semble fort probable qu’il réussit au moins à entretenir leur intérêt pour cette région, encore que son nom ne soit pas associé à la Newfoundland Company, créée en 1610.
La relation du voyage de Gilbert rédigée par Hayes sous le titre : A report of the voyage and successe thereof, attempted in the yeere of our Lord, 1583, by Sir Humfrey Gilbert knight [...] a été reproduite dans l’ouvrage d’Hakluyt, Principall navigations (1589), 679–697. Réimpressions plus récentes : Hakluyt, Principal navigations (1903–05), VIII : 34–77 ; Voyages of Gilbert (Quinn), II : 385ss.— « A discourse of Master Haies of the new lande discovered », de Hayes, se trouve au BM, Lansdowne MS 100, ff.83–87 ; il figure aussi en appendice à l’ouvrage de John Brereton, A brief and true relation of the discovery of the north part of Virginia [...] (London, 1602).— W. G. Gosling, The life of Sir Humphrey Gilbert (London, 1911).-Prowse, History of Nfld.— D. B. Quinn, Edward Hayes, Liverpool colonial pioneer, Lancashire and Cheshire Hist. Soc. Trans., CXIII (1960) : 25–45.
David B. Quinn, « HAYES (Haies), EDWARD », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 21 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/hayes_edward_1F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/hayes_edward_1F.html |
Auteur de l'article: | David B. Quinn |
Titre de l'article: | HAYES (Haies), EDWARD |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1966 |
Année de la révision: | 1986 |
Date de consultation: | 21 déc. 2024 |