WYET (Wyeth ou Wyatt), SYLVESTER, capitaine de voilier et pêcheur anglais qui visita Anticosti ; circa 1594.
On ne sait rien au sujet de Wyet sauf ce qui a trait au voyage du Grace, de Bristol, navire de 35 tonneaux qui appartenait à Rice Jones et dont il fut capitaine lors d’un voyage dans le golfe du Saint-Laurent en 1594. Les Anglais commencèrent à s’intéresser aux voyages dans le Saint-Laurent en 1591 [V. Fisher et La Court de Pré-Ravillon] ais il s’agit ici, autant que l’on sache, du premier voyage effectué par des Anglais jusqu’au littoral ouest de Terre-Neuve et à l’île Anticosti.
Le navire quitta Bristol le 4 avril 1594, et, après avoir reconnu le « Cape d’Espere » (Cape Spear), à Terre-Neuve, le 19 mai, Wyet mit le cap vers le Sud puis vers l’Ouest jusqu’à la baie de Plaisance (Placentia), où la pêche à la morue était entre les mains de pêcheurs basques (français et espagnols). Il ne vit que deux navires de « Sibiburo » (Ciboure) avant de doubler le cap Rey et il repéra les épaves de deux vaisseaux basques qui, d’après des survivants qui arrivèrent à Saint-Jean-de-Luz, avaient échoué là en 1593 avec des cargaisons précieuses. Du côté sud de la baie de Saint-Georges, il découvrit ces navires, qui étaient fort avariés ; il en retira tout de même de 700 à 800 fanons de baleine et certains gréements, mais pas d’huile. Ayant doublé le cap Saint-Georges et « appris » (sans doute des Basques) que des baleines blessées gisaient sur le rivage de l’île de l’Assomption, ou Natiscotec (montagnais : Natiskotek, soit l’actuelle île Anticosti) – laquelle se trouvait, comme il le savait bien, « à l’embouchure même du grand fleuve qui remonte vers le Canada » – , Wyet traversa le golfe du Saint-Laurent jusqu’à l’extrémité est de l’île. De là, il en longea toute la côte nord, puis la côte sud, apercevant la végétation de l’île, mais sans découvrir de baleines échouées. Il retourna donc sur la côte sud de Terre-Neuve, relevant cette fois le cap Breton par tribord ; il entra dans la baie de Plaisance, où se trouvaient non moins de 60 vaisseaux basques, dont 8 espagnols seulement, qui se livraient à la pêche. Les Basques se révélèrent très bien disposés, allant même jusqu’à prêter deux pinasses aux Anglais pour leur permettre de charger leur navire. Wyet et ses hommes se retirèrent à « Pesmarck » (c’est-à-dire Horse Chops, dans la baie Fortune ou Pesmarq près d’Oderin, dans la baie de Plaisance) et tout alla bien jusqu’à ce que les Béothuks eussent coupé les amarres de leurs bateaux. Ils parvinrent à recouvrer leurs embarcations, mais crurent préférable de ne pas rester là ; ils se rendirent donc jusqu’à « Farrillon » (Ferryland), où se trouvaient 20 navires de pêche anglais. Ayant rempli leur cale de poisson, ils firent voile vers l’Angleterre le 24 août, atteignant Hungroad, près de Bristol, le 24 septembre.
Dans son récit du voyage, Wyet est nettement réticent sur la façon dont il parvint à s’orienter si facilement et à traiter si habilement avec les Basques. C’est très probablement qu’il avait à son bord un maître pilote basque, du nom de Stevan de Bocall. Une lettre sans adresse ni signature, datée du 6 mars 1595, informe quelqu’un (probablement. Lord Burghley) du désir d’un pilote basque qui se trouvait alors à Saint-Jean-de-Luz d’entrer de nouveau au service des Anglais. Cet homme connaît à fond les pêcheries et le commerce des fourrures du Canada et il a traité avec les Indiens. En outre, il a déjà passé deux saisons à Bristol et a piloté des expéditions, mais, ajoute la lettre, « il ne pouvait obtenir ce qu’il voulait pour le ravitaillement, et les hommes obéissaient mal à ses ordres, et ce, sur un bâtiment de 35 tonneaux. » Il s’agissait vraisemblablement du Grace, et Stevan de Bocall est sans doute la source des renseignements au sujet des épaves basques et des baleines échouées dans l’île Anticosti, de même que la cause de l’amitié manifestée par les Basques dans la baie de Plaisance. Ce que les hommes ne voulaient pas faire est moins clair : peut-être Wyet refusait-il de chasser la baleine à la manière basque. Si la mention de pilotage en 1593 n’a pas trait au Grace et que rien n’indique que ce navire ait fréquenté les eaux du golfe plus tôt, peut-être alors Bocall pilota-t-il George Drake, cette année-là, dans son voyage aux îles de la Madeleine [V. Fisher].
Imprimé par Hakluyt en 1600, le journal de Wyet est un document précieux par le récit limpide qu’il fait de la marche du navire, les noms de lieux, les brèves indications des ressources naturelles des endroits visités et, surtout, la description intelligente et détaillée d’un village de Béothuks sur la baie Saint-Georges, encore que ce village fût désert quand ils le découvrirent. Il, a été, autant que l’on sache, le premier Anglais a décrire la côte ouest de Terre-Neuve et l’île Anticosti.
PRO, S.P. 94/5, ff.9–10v.— Hakluyt, Principal navigations (1903–05), VIII : 162–165.— W. P. Anderson, Place names on Anticosti Island, Geog. Bd. Can. 17th Report, 3e partie (1922), 53–65 ; Nomenclature géographique de l’île Anticosti, Soc. de géographie de Québec, Bull., XVIII (1924) : 297–303 ; XIX (1925) : 47–50, 95–99, 174–178.— Biggar, Early trading companies.
David B. Quinn, « WYET (Wyeth, Wyatt), SYLVESTER », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 18 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/wyet_sylvester_1F.html.
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Auteur de l'article: | David B. Quinn |
Titre de l'article: | WYET (Wyeth, Wyatt), SYLVESTER |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1966 |
Année de la révision: | 1986 |
Date de consultation: | 18 déc. 2024 |