GREY, Mary Caroline (elliot, vicomtesse MELGUND et comtesse de MINTO), épouse d’un gouverneur général, réformatrice sociale et auteure, née le 13 novembre 1858 au château de Windsor, Angleterre, benjamine des filles de Charles Grey et de Caroline Eliza Farquhar ; le 28 juillet 1883, elle épousa à Londres Gilbert John Murray-Kynynmound Elliot*, vicomte Melgund, et ils eurent trois filles et deux fils ; décédée le 14 juillet 1940 près de Godalming, Angleterre, et inhumée dans le cimetière de l’Église d’Écosse à Minto, Écosse.

Mary Caroline Grey grandit à la cour de St James à Windsor, en Angleterre. Son père, général dans l’armée, servit à titre d’écuyer de la reine Victoria et de secrétaire particulier du prince Albert, puis, après sa mort, de la reine. Quand elle perdit son père, en 1870, Mary Caroline s’installa avec sa mère au palais St James, à Londres, dans un appartement que la reine avait offert à cette dernière. Une gouvernante hanovrienne veilla à l’éducation en allemand et en français de la jeune fille, à qui l’on enseignait notamment la religion et les arts sociaux de la danse et du chant. Mary Caroline perfectionna ses connaissances linguistiques grâce à sa mère, qui lui parlait rarement en anglais.

Les Grey avaient des liens avec l’Amérique du Nord depuis longtemps. L’arrière-grand-père paternel de Mary Caroline, qui devint le 1er comte Grey en 1806, avait commandé une brigade britannique pendant la rébellion américaine. Son père (le deuxième fils du 2e comte Grey) fut lieutenant-colonel du 71st Foot à l’époque des rébellions dans les Canadas [V. William Lyon Mackenzie* ; Louis-Joseph Papineau*] et, plus tard, assistant du gouverneur en chef de l’Amérique du Nord britannique lord Durham [Lambton*]. Mary Caroline accomplirait pour sa part deux mandats au Canada.

Mlle Grey disait qu’elle « rêvait », dans sa jeunesse, d’être un garçon, et de participer aux jeux et aux activités des garçons de sa famille. Grande, mince, athlétique et énergique, elle adorait les sports comme le patinage et la bicyclette. Elle se distinguait par sa grâce, son style, son charme et son exubérance, qualités que soulignait souvent la revue en vogue Vanity Fair de Londres. Également intelligente, éloquente et pondérée, elle appartenait à une petite coterie d’intellectuels et de personnalités politiques britanniques, les Souls, qui, depuis le milieu des années 1880, se rencontraient pour discuter des questions du jour. Une autre membre du groupe, Margaret Emma Alice Asquith, comtesse d’Oxford et d’Asquith, inviterait Mary Caroline et 14 autres femmes « d’influence et de réalisations » à collaborer à son livre Myself when young, publié en 1938.

En 1883, Mlle Grey épousa lord Melgund, ami de la famille et son aîné de 13 ans. L’union n’apportait pas de grand avantage financier à aucun des partis. Lord Melgund venait d’accepter le poste de secrétaire militaire auprès de lord Lansdowne [Petty-Fitzmaurice*], récemment nommé gouverneur général du Canada. Peu disposée à quitter la cour de St James pour vivre à Rideau Hall, à Ottawa, lady Melgund apprécia toutefois beaucoup ses deux années de résidence au Canada, où naquit son premier enfant. En 1898, elle était plus que prête à y retourner à titre de femme du gouverneur général, nomination que son mari, devenu comte de Minto, avait obtenue en partie grâce à son influence à la cour. Les Minto succédèrent à lord et lady Aberdeen [Hamilton-Gordon ; Marjoribanks], dont ils entreprirent de renverser l’approche quelque peu chaotique et démocratique des activités officielles, désapprouvée par la reine. Leurs tentatives d’exiger la ponctualité, de limiter les divertissements et de purger les listes d’invités (certainement motivées par une diminution de leurs revenus) leur valurent, au début, la réputation de proconsuls guindés, en décalage avec une société de plus en plus égalitaire. Rapidement, toutefois, le couple sut apporter un aspect moins formel à leur fonction vice-royale.

Lady Minto aimait amuser ses amis de la cour en racontant les frasques des Aberdeen au Canada. Elle n’en poursuivit pas moins son œuvre en assurant la présidence honoraire des deux plus importants legs institutionnels de lady Aberdeen : le National Council of Women of Canada et le Victorian Order of Nurses for Canada. Elle tint un rôle principalement symbolique dans le premier organisme, mais s’intéressa activement aux travaux du deuxième. Frappée par le besoin de meilleurs établissements de santé publique, elle créa un fonds d’environ 100 000 $ pour créer des hôpitaux communautaires du Victorian Order of Nurses dans des localités de plus de 2 000 habitants dans le Nord-Ouest et ailleurs. Ce projet, qu’elle soutint à la mémoire de la reine Victoria, permit la création de 43 hôpitaux. En 1900, on ouvrit une aile Lady Minto à l’Ottawa Maternity Hospital [V. Ella Hobday Webster*], en reconnaissance de son intérêt pour les soins infirmiers. Elle poursuivit également le travail de lady Aberdeen en devenant présidente de l’Aberdeen Association, qui cherchait à distribuer de la lecture aux colons isolés. Elle joua aussi de son influence pour embellir les rues d’Ottawa, parraina des concours et offrit des prix d’excellence pour l’entretien et l’ornementation des pelouses et jardins. En 1903, elle devint de plus présidente honoraire de la Canadian League for Civic Improvement.

Lady Minto partageait l’intérêt de son mari pour la préservation du patrimoine canadien, dont celle des plaines d’Abraham à Québec, de la forteresse de Louisbourg en Nouvelle-Écosse et des archives du pays. À son initiative, la Women’s Canadian Historical Society of Ottawa vit le jour, en 1898, notamment dans le but de conserver des documents et artefacts historiques. À l’instar de son mari, elle promouvait des sports (elle suivait le hockey avec enthousiasme) et encourageait particulièrement le patinage artistique, dans lequel elle excellait. En se remémorant cette activité, elle en parlerait comme de son « plaisir le plus intense » au Canada, et ce, malgré la fracture d’une jambe sur de la mauvaise glace, juste avant son départ en 1904, blessure qui l’incommoderait sa vie durant. En guise de témoignage durable à sa passion, elle fonda avec son mari le Minto Skating Club pour favoriser la compétition de patinage artistique. Dans ses dernières années, elle semblait avoir retenu, parmi ses souvenirs les plus vivaces du Canada, la « majesté titanesque » de son environnement naturel et ses diverses aventures dans des lieux sauvages : une visite au Yukon, juste après l’apogée de la ruée vers l’or, un voyage de camping dans le Nord-Ouest, dans des conditions très rustiques et un climat imprévisible, une randonnée en canot sur le lac Saint-Jean et la rivière Saguenay, au Québec, et la descente des rapides de la Petite-Chaudière sur la rivière des Outaouais, en Ontario.

Lady Minto, grâce à ses talents diplomatiques, sa mémoire des visages et son excellente maîtrise du français, contrebalançait souvent la sensibilité fragile de son mari. En 1901, par exemple, elle accompagna le duc et la duchesse de Cornwall dans leur tournée canadienne pour éluder les hésitations de son mari qui se demandait si, à titre de représentant du roi, il devait avoir préséance sur le duc en public. Le New York Times la présenta comme l’une des femmes de vice-roi les plus populaires du Canada, louant sa vie familiale libérale à l’américaine, qui lui permettait de consacrer son temps personnel à l’éducation et au divertissement de ses enfants. On l’aimait bien aux États-Unis, où elle rendait souvent visite à des amis, dont le financier John Pierpont Morgan, le président William McKinley et le gouverneur, puis président, Theodore Roosevelt ; elle recevait aussi des visiteurs américains à Rideau Hall.

Avec ses activités, lady Minto s’attira également des critiques. En février 1902, son parrainage de la Canadian South African Memorial Association, chargée de marquer et d’entretenir les tombes des Canadiens morts pendant la guerre des Boers, provoqua une querelle publique longue et acrimonieuse avec l’Imperial Order Daughters of the Empire. L’organisme avait lancé un projet similaire, qui comprenait un fonds des sépultures de guerre [V. Margaret Smith Polson*] ; Lady Minto avait accepté de devenir la présidente honoraire de l’association et la trésorière honoraire du fonds. De plus, tandis qu’un « groupe de sportifs » prenaient plaisir aux parties de patin et de toboggan des Minto, et que les amis proches aimaient les mises en scène soigneusement réglées de la famille à Rideau Hall, l’entourage du couple s’attira des critiques pour quelques déclarations publiques indiscrètes et des comportements un peu audacieux, dont une propension à se baigner nu.

Les Minto quittèrent Ottawa en 1904, quand le frère de lady Minto, Albert Henry George Grey*, 4e comte Grey, remplaça lord Minto au poste de gouverneur général. Durant leur séjour au Canada, ils s’étaient attachés au pays, se délectant de « son peuple, son soleil, ses montagnes et ses rivières majestueuses », comme l’écrirait lady Minto. Excités par l’avenir prometteur de l’Ouest, ils pensèrent s’y établir et construire une maison dans les contreforts des Rocheuses, avec vue sur la rivière Bow. Toute chance de réaliser ce rêve disparut en 1905, quand ils revinrent en Écosse et que lord Minto reçut sa nomination tant convoitée de vice-roi de l’Inde ; il attribua sa promotion en partie au « bon travail au Canada » de lady Minto. Celle-ci raconterait les années suivantes de leur vie dans son livre India, Minto, and Morley, 1905–1910, paru en 1934, qui s’appuie beaucoup sur son journal personnel. En Inde, elle mit sur pied la Lady Minto’s Indian Nursing Association pour fournir des soins médicaux aux Européens, et sollicita des fonds pour la soutenir. Pour son travail caritatif au Canada, on l’avait nommée dame de grâce de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem en Angleterre en 1904, et ses activités en Inde lui valurent une promotion au titre de dame de justice en 1911.

Après le retour du couple en Angleterre, en 1910, une gestion de biens négligente, dont des dépenses personnelles excessives, greva les ressources limitées de la famille. La situation s’améliora en 1911, quand la reine Mary prit la comtesse comme dame de compagnie (fonction en accord avec sa personnalité et ses aptitudes sociales) et que la maison royale commença à lui verser des émoluments annuels. Après la mort de lord Minto, en 1914, les obligations de la succession et les contraintes financières de la Première Guerre mondiale aggravèrent toutefois les difficultés familiales. Des rumeurs, en 1915, selon lesquelles l’étroite amitié entre lady Minto et lord Kitchener mènerait à un mariage, s’interrompirent avec la disparition de ce dernier, à bord d’un navire qui heurta une mine allemande. La famille de lady Minto paya un lourd tribut à la guerre, particulièrement avec la mort au combat de son gendre, lord Charles George Francis Mercer-Nairne, deuxième fils de lord Lansdowne, en 1914, et de son plus jeune fils, Gavin William Esmond Elliot, trois ans plus tard.

La comtesse conserva un intérêt pour le Canada. En 1923, elle « appuya de tout son cœur » l’idée de fonder une société d’histoire du Canada à Londres, selon les mots d’Arthur George Doughty, l’archiviste du dominion, et agit à titre de vice-présidente de l’organisation. À ce moment-là, après avoir tenté de rédiger elle-même la biographie de son mari, elle avait convaincu John Buchan de l’écrire. Elle lui apporta, affirma-t-il, « une aide si constante et inestimable que, dans une réelle mesure, le livre est le sien ».

Mary Caroline Grey, comtesse de Minto, continua de s’impliquer dans le milieu des soins infirmiers après son retour de l’Inde. De 1911 à 1937, elle siégea au conseil du Territorial Force Nursing Service (qui deviendrait la Territorial Army Nursing Service). Nommée dame de compagnie auxiliaire en 1936, elle fit partie jusqu’à la fin de sa vie de l’entourage de la reine Mary. La colonne presque entière que lui consacra le Times de Londres à sa mort, en 1940, en pleine guerre, témoigne du prestige dont elle jouissait encore, 26 ans après la mort de son mari.

Carman Miller

Mary Caroline Grey, comtesse de Minto, est la compilatrice de : India, Minto and Morley, 1905–1910 (Londres, 1934).

National Library of Scotland (Édimbourg), mss 12365–803 (4th Earl of Minto, papers).— « Lord et Lady Minto », la Patrie, 18 nov. 1904 : 4.— New York Times, 12 juill. 1903.— Ottawa Evening Journal, 1898–1904.— Times (Londres), 16–19 juill. 1940.— John Buchan, Lord Minto : a memoir (Londres, 1924).— Carman Miller, The Canadian career of the fourth Earl of Minto : the education of a viceroy (Waterloo, Ontario, 1980).— Myself when young : by the famous women of to-day, [Margot Asquith], comtesse d’Oxford et Asquith, édit. (Londres, 1938).— Types of Canadian women […], H. J. Morgan, édit. (Toronto, 1903).

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Carman Miller, « GREY, MARY CAROLINE (Elliot, vicomtesse MELGUND et comtesse de MINTO) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 10 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/grey_mary_caroline_16F.html.

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Auteur de l'article:    Carman Miller
Titre de l'article:    GREY, MARY CAROLINE (Elliot, vicomtesse MELGUND et comtesse de MINTO)
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2022
Année de la révision:    2022
Date de consultation:    10 oct. 2024