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GRAHAM, JEAN (Emma J.), enseignante, journaliste, rédactrice en chef de magazine, poète et conférencière, née en mars 1869 à Canton, Ontario, fille aînée du révérend James Graham et d’Emma J. Jeffers, et petite-fille du révérend Wellington Jeffers* ; décédée le 10 juillet 1936 à Toronto.
Il ne faut pas confondre Jean Graham avec la Torontoise du même nom qui servit à titre de missionnaire de l’Église unie en Chine dans les années 1920 et au Japon dans les années 1930. La journaliste Jean Graham, désignée sous le nom d’Emma J. dans les premiers documents, s’en tint rapidement à Jean, qui correspond sans doute à son deuxième prénom. Pendant son enfance, elle fréquenta peut-être des écoles locales dans les communautés du sud-ouest de l’Ontario telles que Goderich, London, Seaforth et Dundas, où son père œuvra comme ministre méthodiste wesleyen. Ses deux parents étaient des auteurs publiés : son père rédigea des articles pour le Canadian Methodist Magazine (Toronto et Halifax), et sa mère écrivit des articles, des nouvelles et une monographie, Etchings from a parsonage veranda (Toronto, 1895), illustrée par John Wilson Bengough*.
Jean Graham était devenue une jeune femme bien instruite quand elle reçut sa maîtrise de littérature anglaise du Wesleyan Ladies’ College [V. Alexander Burns*] à Hamilton, avant 1886. Elle enseigna l’anglais et l’histoire dans des écoles secondaires à Toronto Junction (Toronto), Barrie, Stratford et Kingston, puis dans une école pour filles à Charlotte, en Caroline du Nord. Lorsqu’elle se vit offrir une opportunité intéressante, elle quitta sa carrière dans l’enseignement.
En 1910, environ sept ans après son retour au Canada, Mlle Graham raconterait son entrée dans le journalisme pendant une réunion de la Canadian Press Association à Toronto. Elle affirma que, tandis qu’elle enseignait à Charlotte, un rédacteur en chef lui avait demandé de reprendre la page mondaine de son journal. Elle ne cita ni le nom du journal ni la date de l’événement, mais indiqua que le rédacteur de la rubrique avait été provoqué en duel en raison d’un article peu flatteur qu’il avait écrit au sujet d’un mariage. Le rédacteur en chef en conclut que le regard et la sensibilité d’une femme étaient nécessaires pour la page mondaine. Malgré son manque d’expérience en journalisme, Mlle Graham accepta le poste. Elle trouva dans ce métier ce que ses contemporains désigneraient comme sa vraie vocation, qui fut celle de journaliste.
L’expérience journalistique que Mlle Graham avait acquise aux États-Unis s’avéra utile à son retour au Canada en 1903. Dès lors, elle travailla à Toronto pour le populaire Saturday Night, hebdomadaire national, même si peu de textes paraîtraient sous sa signature avant 1912. Elle gravit les échelons et fut rédactrice de la section féminine pendant un certain temps. Elle couvrit un large éventail de sujets, écrivant notamment sur des personnalités et des lieux internationaux dans les rubriques « Travel and talk » et « Ports of call », et dressa le portrait d’éminents Canadiens, dont le fondateur du Royal Ontario Museum Charles Trick Currelly* et le juge George Herbert Sedgewick. Ses dernières contributions signées paraîtraient en 1933.
De mai 1905 à février 1909, Mlle Graham rédigea la chronique « Woman’s sphere » dans le mensuel Canadian Magazine, publié à Toronto par Thomas Henry Best*. En mars 1909, le titre changea pour « At five o’clock ». L’illustration de femmes discutant à l’heure du thé en tête de la rubrique, qu’elle écrivit jusqu’en avril 1911, donnait le ton à celle-ci. L’année suivante, elle devint rédactrice en chef adjointe du magazine.
À sa fondation en 1909, la section torontoise du Canadian Women’s Press Club élut Mlle Graham à la vice-présidence et son amie Marjory Jardine Ramsay MacMurchy à la présidence. Katherine Angelina Hughes* et Kit Coleman [Ferguson*] avaient créé l’organisme national du même nom cinq ans plus tôt. Mlle Graham en serait membre jusqu’à la fin de sa carrière. On la nomma, en 1909 également, rédactrice en chef du Home Journal (Toronto), poste qu’elle occuperait probablement jusqu’au début des années 1920. Fondé en 1905, le mensuel (à ne pas confondre avec une publication au nom identique qui exista de 1895 à 1901) prit le nom de Canadian Home Journal en juin 1910. À peu près à la même époque, la revue affirmait avoir un tirage de 27 000 exemplaires, chiffre qui dépasserait légèrement les 68 000 au milieu des années 1920. Destinée au lectorat féminin de l’Ontario principalement, elle faisait la promotion de nombreux auteurs canadiens issus d’autres régions du pays. À titre de rédactrice, Mlle Graham n’hésita pas à publier une fiction qu’elle avait écrite, des nouvelles rédigées par des auteures telles que Helen Letitia McClung [Mooney*] et des poèmes d’Isabel Ecclestone Mackay [MacPherson*]. Elle était aussi une amie proche de plusieurs collaboratrices, dont Marjorie Lowry Christie Pickthall*. Parmi ses préoccupations professionnelles figuraient les bas salaires souvent versés aux enseignants et aux journalistes (hommes et femmes). Son adhésion de longue date au Canadian Women’s Press Club et son amitié durable avec d’autres écrivaines et journalistes témoignèrent de son engagement envers sa profession, et de son désir d’établir des réseaux communautaires et professionnels féminins.
En 1911, Mlle Graham, qui n’était qu’au début de la quarantaine, se confia ainsi à son ami proche Newton McFaul MacTavish*, en raison de sa mauvaise santé : « Il est grand temps pour moi de reconnaître le triste fait que je suis une journaliste près de la retraite. » Elle continuerait néanmoins d’écrire et de publier durant plusieurs années. En fait, en 1912, et peut-être même plus tôt, elle était rédactrice en chef adjointe de l’hebdomadaire Canadian Courier (Toronto), sous la direction de John Alexander Cooper*. Elle avait rédigé des critiques de livres en 1911 et, selon les affirmations ultérieures de son amie Marjory [MacMurchy], devenue lady Willison, elle signa, sous les pseudonymes de Canadienne et d’Erin, les pages féminines du journal de 1912 à 1914.
Au fil des ans, 11 poèmes de Mlle Graham parurent dans Saturday Night et quelques-uns dans Life (New York) ; différents journaux et périodiques canadiens et américains en publièrent d’autres. William Wilfred Campbell* choisit le poème « Where dreams are sold » pour l’Oxford book of Canadian verse (Toronto, 1913). Selon lady Willison, le caractère de Mlle Graham « s’exprimait le plus clairement dans les vers qu’elle écrivait, mélodieux, innocents, heureux, simples ».
Mlle Graham avait fait son entrée dans le monde du journalisme au cours d’une période de transformation, ce qui se refléta dans sa vie et dans son parcours professionnel. Jeune femme instruite, elle commença une carrière respectable en enseignement, puis accepta un poste de rédactrice dans un journal aux États-Unis et, en revenant au Canada, suivit sa vocation de journaliste dans les premières décennies du xxe siècle. Le développement du journalisme et la montée du mouvement féministe au cours de cette période furent des facteurs importants dans la carrière de Mlle Graham. L’émergence et la multiplication des organisations féminines entraînèrent non seulement le besoin de produire des articles d’information destinés aux lectrices, mais aussi d’embaucher des femmes journalistes pour couvrir les réunions, les conférences et les rassemblements, de même que les divers changements au sein de ces organisations. Mlle Graham profita pleinement des nouvelles perspectives d’emploi offertes aux femmes de son éducation et de son milieu socioéconomique.
Mlle Graham croyait fermement que la presse pouvait améliorer la qualité du langage et du contenu de l’information. Dans un discours qu’elle prononça devant d’anciens étudiants de la McMaster University à Toronto, elle souligna que les femmes journalistes contribuaient grandement au « travail philanthropique et à la morale publique en général ». Tout au long de sa carrière, elle donna de nombreuses conférences, surtout pour des organisations féminines.
Jean Graham poursuivit sa collaboration avec des périodiques jusqu’en 1934 environ, quand la maladie la contraignit de s’arrêter. Elle mourut deux ans plus tard des conséquences du diabète, combinées à une bronchopneumonie et à une thrombose coronarienne. Même si son grand-père maternel, son père et l’un de ses frères étaient pasteurs méthodistes, Mlle Graham était, selon sa notice nécrologique publiée dans le Globe, une « membre fervente » de l’église presbytérienne St Andrew à Toronto. On l’inhuma dans le lot familial au cimetière Mount Pleasant. Son acte de décès indique qu’elle était veuve, mais on ne sait rien de son mariage ni de son mari.
Pour la préparation de cette biographie, nous avons consulté les périodiques suivants : Canadian Magazine, 1905–1911, Canadian Home Journal (Toronto), 1909–1936, Saturday Night, 1911–1914, 1930–1934, et Canadian Courier (Toronto), 1912–1914.
BAC, R233-34-0, Ontario, dist. Huron North (26), sous-dist. Clinton (f) : 15 ; R233-36-4, Ontario, dist. Elgin West (61), sous-dist. Ridgetown (Town) (F) : 25 ; R2800-0-3 ; MG30-D278 (Newton McFaul MacTavish fonds, Additional corr.), mfm. M-5563, item 449.— FamilySearch, « Canada, Ontario county marriage registers, 1858–1869 », James Graham et Emma J. Jeffers, 13 août 1868 : familysearch.org/ark:/61903/1:1:Q2YM-78NZ (consulté le 8 mai 2023) ; « Canada, Ontario deaths, 1869–1937 and overseas deaths, 1939–1947 », Jean Graham : familysearch.org/ark:/61903/1:1:JKN4-G26 (consulté le 8 mai 2023).— Hamilton Public Library, Local Hist. & Arch. (Ontario), 00079-10 (Wesleyan Ladies’ College fonds, course catalogues).— Globe, 11 juill. 1936.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1912).— Canadian Printer and Publisher (Toronto), 19 (1910).— G. H. Cornish, Cyclopædia of Methodism in Canada […] (2 vol., Toronto et Halifax, 1881–1903).— « Graham, Mrs. Emma », dans Wallace, Macmillan dict., 308.— An index to Saturday Night : the first fifty years, 1887–1937, G. F. Heggie et G. R. Adshead, édit. (Toronto, 1987).— M. L. Lang, Women who made the news : female journalists in Canada, 1880–1945 (Montréal et Kingston, Ontario, 1999).— « The late Jean Graham », Saturday Night, 18 juill. 1936 : 1.— Middlebrow Network, « Magazines, travel and middlebrow culture in Canada, 1925–1960 » : middlebrownetwork.com/resources (consulté le 8 mai 2023).— Fraser Sutherland, The monthly epic : a history of Canadian magazines, 1789–1989 (Toronto, 1989).— Marjory Willison, « Jean Graham : a tribute », Saturday Night, 18 juill. 1936 : 5.
Anne-Marie Kinahan, « GRAHAM, JEAN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/graham_jean_16F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/graham_jean_16F.html |
Auteur de l'article: | Anne-Marie Kinahan |
Titre de l'article: | GRAHAM, JEAN |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2024 |
Année de la révision: | 2024 |
Date de consultation: | 20 déc. 2024 |