GARLAND, GEORGE, marchand et juge de paix, baptisé le 2 août 1793 à Poole, Angleterre, septième fils de George Garland, marchand de Poole, et d’Amy Lester, fille de Benjamin Lester* ; décédé célibataire le 20 février 1833 à Stanley Green (Poole).

George Garland avait huit ans lorsque son père hérita en 1802 de la moitié de l’immense entreprise commerciale que Benjamin Lester possédait à Terre-Neuve. Trois ans plus tard, un nouveau legs enfla encore la fortune de la famille Garland : sir John, le fils unique de Lester, qui avait eu la seconde moitié de la succession, mourut sans laisser d’héritier de sexe masculin. Ainsi, la famille Garland reçut l’ensemble des biens que Lester avait à Terre-Neuve et la plupart de ceux qu’il possédait en Angleterre. Ce changement soudain de situation transforma la vie et la carrière du jeune George, des cinq frères qu’il lui restait et de ses deux sœurs.

Même si l’ascension sociale et matérielle de la famille Lester dans le monde des affaires de Poole et de Terre-Neuve s’était amorcée plusieurs générations avant celle de Benjamin Lester, celui-ci n’en gravit les derniers échelons pour y devenir le marchand le plus en vue que vers la fin du xviiie siècle. À sa mort, Lester possédait le plus grand commerce de morue entre Terre-Neuve et l’Angleterre. Il avait établi le centre terre-neuvien de ses affaires à Trinity, mais il possédait également des biens répartis entre Bay de Verde et l’île Fogo et il exploitait d’autres postes de pêche et de chasse au phoque sur la côte du Labrador. En plus de Trinity, il avait des établissements commerciaux permanents, tenus par des agents, commis, boutiquiers et artisans à Scilly Cove (Winterton), Bonavista, Barrow Harbour, Greenspond, Tickle Harbour (Bellevue) et Fogo. Dès 1806, George Garland père était propriétaire et directeur de l’ensemble de ce commerce.

Les familles Garland et Lester étaient entrées en relation en 1779 quand George Garland, fils d’un yeoman d’East Lulworth, dans le comté de Dorset, épousa Amy Lester. Peu après son mariage, Garland, qui s’était déjà lancé dans les affaires avec son frère et son oncle à Poole et à Southampton, fut engagé, à titre de salarié, comme chef du service de comptabilité de Lester à Poole. Sa carrière prit alors une autre tournure. Il ne tarda pas à prendre en main la plupart des questions pratiques du commerce terre-neuvien de Lester, ce qui l’amenait à beaucoup voyager, tant en Angleterre que sur le continent. Il allait acheter des produits destinés outre-Atlantique et vendait les produits de base provenant de la colonie, soit la morue salée, l’huile d’animaux marins, le saumon et d’autres produits. Quand il hérita d’une partie du commerce et qu’il devint l’un des principaux associés, Garland avait déjà près de 50 ans et il élevait une nombreuse famille. En fait, en 1802, quatre de ses fils avaient plus de 20 ans et le cadet n’avait que 4 ans. Toutefois, Garland ne se rendit jamais à Terre-Neuve, probablement en raison de son âge, de celui des membres de sa famille et de son élection en 1801 comme député de Poole. La direction de son commerce l’amena à faire appel à ses neveux et de plus en plus à ses fils, à mesure qu’ils grandissaient.

George Garland père avait un sens exceptionnel des affaires. Au cours des guerres napoléoniennes, qui furent lucratives pour le commerce terre-neuvien, notamment de 1809 à 1815, il enregistra des profits considérables et multiplia ses avoirs. En 1817, il prit ses fils George et John Bingley comme associés ; au bout de deux ans, il déclarait des profits de £15 000, malgré la dépression qui durait depuis la fin des guerres. En 1822, Garland confia la direction de ses affaires à ses deux fils, mais il continua de s’y intéresser jusqu’à sa mort qui survint trois ans plus tard. Il laissa à sa descendance un patrimoine plus important que celui de Benjamin Lester. La famille Garland devint ainsi l’une des plus grandes familles terriennes du Dorset au xixe siècle.

À l’instar de son beau-père, Garland prépara soigneusement sa succession. Il accorda une attention particulière à l’éducation de ses enfants et s’efforça tout spécialement de placer ses fils dans des situations avantageuses. En 1797, il envoya son aîné, Benjamin Lester, à Trinity, afin qu’il puisse « voir, entendre, observer, apprendre et essayer de comprendre toute chose et toute personne que concern[aient] les affaires du grand-père ». En 1805, conformément au testament de son aïeul, Benjamin Lester Garland remplaça son nom de famille par Lester. En 1809, il fut élu à la chambre des Communes et, à la grande déception de son père, il préféra la politique et la vie sociale de Londres à la carrière de marchand à Poole. Il refusa à plusieurs reprises l’association que son père lui proposait. Toutefois, ce dernier lui accorda de mauvaise grâce un traitement prélevé à même les bénéfices du commerce terre-neuvien. Benjamin Lester conserva jusqu’en 1835 son siège de député ; il prit alors sa retraite pour voyager. Il ne se maria jamais et mourut à Paris en 1838. Joseph Gulston et Francis Penton, les deux fils de Garland qui suivaient l’aîné, étaient jumeaux. Le premier s’engagea dans la marine royale et y devint contre-amiral ; le second dirigeait à Poole un commerce de fer et de bois hérité des Lester. Garland fit envoyer ses autres fils à l’étranger et les établit dans les diverses succursales du commerce de la morue. Lester alla travailler pour une compagnie de commercialisation située à Livourne (Italie), où il mourut en 1798 à l’âge de 15 ans ; le cadet, Augustus Lester, reçut en 1820 une somme de £4 000 pour s’associer avec Henry Lloyd Routh, fils de Richard*, dans une entreprise de courtage de Livourne. John Bingley et George fils furent ceux qui contribuèrent le plus à maintenir le renom de Garland dans les pêcheries et le commerce terre-neuviens.

En 1807, John Bingley, alors âgé de 16 ans, fut envoyé par son père au service de comptabilité de la Hart and Robinson, de Londres [V. Marmaduke Hart], afin d’être « utile à ses employeurs tout en recevant lui-même une formation dans un bureau de comptabilité ». À peu près au même moment, George, qui était âgé de 14 ans, s’embarquait pour Trinity, car son père voulait que David Durell, représentant de la firme familiale, l’initie à l’industrie de la pêche et au commerce. Ce dernier avait pour directives de « le traiter comme [son] fils, [de] veiller à ce qu’il soit sérieux, appliqué et attentif à son travail [...] si possible, lui apprendre à bien écrire [...] n’admettre aucune erreur ». Garland étudiait très soigneusement les rapports concernant son fils, qui n’étaient évidemment pas toujours entièrement favorables. Il s’inquiétait en particulier que George soit peu enclin à rendre visite à John Clinch*, le pasteur et médecin de Trinity, que lui-même estimait beaucoup. Mais, avant son départ pour Trinity, George fils avait manifesté certains traits de caractère qui, selon son père, le prédisposaient davantage au commerce terre-neuvien que certains de ses frères. Il manquait de raffinement et de distinction, mais il était très combatif. Ainsi, lorsque Durell rédigea certains rapports peu élogieux à son sujet, Garland écrivit ce qui suit : « le commerce terre-neuvien auquel je le destine n’est peut-être pas le plus mauvais choix pour lui ».

Le jeune Garland passa cinq ans à Trinity, sous la tutelle de Durell ; l’entreprise était florissante à cette époque. Entre 1797 et 1809, plusieurs des principaux concurrents de Lester à Trinity, John Jeffrey, Thomas Street* et Samuel White entre autres, abandonnèrent le commerce terre-neuvien. En 1804, une autre firme de Poole, qui appartenait au frère de Thomas Slade*, Robert, s’installa à Trinity, mais elle n’était pas assez bien établie pour rivaliser avec la compagnie Garland. Entre 1809 et 1811, lorsque le prix du poisson grimpa, Garland enregistra d’énormes profits ; en effet, il détenait véritablement le monopole de ce commerce, tant dans la baie Trinity que sur la côte nord-est. De plus, la compagnie étendit alors ses activités à la chasse au phoque en utilisant des goélettes construites à Terre-Neuve même. Le nombre de résidents étant en pleine expansion, Gârland vit son marché intérieur s’élargir. En 1812, Garland ouvrit une maison de courtage à Lisbonne où il envoya travailler son fils George. Ce dernier y resta sept ans, puis retourna à Trinity avec John Bingley, où ils furent associés dans la firme George Garland and Sons. Le 9 juin 1819, les frères débarquèrent du brick Brothers et, le lendemain, George partait inspecter les installations de Greenspond et de Bonavista. Pendant le reste de son séjour à Terre-Neuve, il tint surtout lieu d’ « agent extérieur », se rendant fréquemment à St John’s et dans les petits villages de pêche. Bien qu’étant théoriquement sur un pied d’égalité avec John Bingley, George était manifestement sous la coupe de son frère ainé, qui dirigeait le service de comptabilité à Trinity. En juillet 1819, le gouverneur Charles Hamilton* visita Trinity et les deux frères furent nommés parmi les quatre juges de paix du district.

Jusqu’en 1821, ils allèrent passer tous les hivers à Poole. C’est cette année-là que leur père leur envoya William Furnell, un employé de son bureau de comptabilité à Poole, car il avait évidemment senti que ses fils avaient besoin d’aide pour mener leurs affaires. Furnell et George fils ne cessaient de tourmenter William Kelson, l’agent de Robert Slade, avec leur attitude agressive et leurs intrigues, au point que Kelson, frustré, écrivit un jour : « Je souhaiterais que Furnell et G. G. fils restent chez eux. » Cependant, il avouait l’estime qu’il portait à John Bingley, avec qui il s’entendait bien pour fixer les salaires et les prix et traiter d’autres questions commerciales.

La plupart des fils Garland se risquèrent en politique au cours de leur carrière. En 1832, John Bingley devint le premier député de Trinity Bay à la chambre d’Assemblée de Terre-Neuve, où il fut aussi le premier président. Quant à George, il fut seulement nommé magistrat, fonction qui, à cette époque, revenait habituellement à l’agent d’un marchand. En 1820, il fit également partie d’un comité chargé de la construction d’une église à Trinity mais, cette fois encore, il occupait le poste de vice-président, alors que son frère était président.

Après la mort de George Garland père en 1825, le nom de la firme fut modifié pour inclure le nom des deux héritiers. Le 20 septembre 1828, George fils quittait définitivement Terre-Neuve. Il était apparemment en mauvaise santé, ce qui expliquerait son retrait du commerce deux ans plus tard. Toujours célibataire, il s’installa dans le domaine de Stanley Green, qui était situé près de Poole et qui avait appartenu à Benjamin Lester ; en 1823, Garland père avait acheté cette propriété pour son fils George et sa fille célibataire Maria. Le 20 février 1833, George y mourut à l’âge de 40 ans. Sur la plaque commémorative qui fut placée plus tard dans la chapelle mortuaire de Trinity, il est inscrit qu’elle fut offerte par « les habitants de Trinity [...] en hommage à la munificence discrète de [George Garland], bienfaiteur de cette église » ; mais il semblerait que cette plaque ait été payée et gravée par ses frères.

En 1817, quand George et son frère John Bingley débutèrent dans le commerce terre-neuvien, leur père établit leur part à £80 000. En 1822, lorsqu’il confia la direction de la firme à ses fils, il leur permit de partager les bénéfices, une fois que lui auraient été versés des intérêts de 4 %, calculés apparemment sur le montant de l’investissement. Il demeura propriétaire de ses biens à Terre-Neuve et de ses navires, qu’il légua par testament en parts égales à ses deux fils. À la mort de leur père, ceux-ci se partagèrent une somme supplémentaire de £14 000 et la plus-value de capital du commerce terre-neuvien ; ils reçurent aussi chacun un domaine et de nombreux autres biens.

Comme chefs d’entreprise, ni George Garland fils ni John Bingley ne manifestèrent l’énergie, le pragmatisme ou la clairvoyance de leur père ; leur indépendance financière peut expliquer leur manque de motivation. En fait, ils semblaient se soucier davantage de maintenir le commerce terre-neuvien à un certain niveau de rentabilité que de le faire progresser. Entre 1820 et 1830, ils tentèrent d’appliquer une politique préconisée par leur père au déclin de sa vie, qui visait l’efficacité par la concentration et l’économie. Entre 1827 et 1830, la flotte des Garland comptait dix long-courriers ; en 1830, quand John Bingley prit seul la direction de l’affaire, il réduisit rapidement ce nombre à quatre. Tandis que les Garland se contentaient du statu quo et qu’ils diminuaient le nombre de cargaisons et d’établissements, Robert Slade parvenait à étendre son entreprise qui, dès 1830, rivalisait d’égal à égal avec celle des Garland dans la baie Trinity.

W. Gordon Handcock

Dorset Record Office (Dorchester, Angl.), D365 ; P227 / RE3–18.— EEC, Diocese of Nfld. Arch. (St John’s), St Paul’s Church (Trinity), reg. of baptisms, marriages, and burials (mfm aux PANL).— Nfid. Museum (St John’s), W. G. Handcock, « The merchant families and entrepreneurs of Trinity in the nineteenth century (rapport préparé pour le Nfld. Dept. of Culture, Recreation, and Youth, copie dactylographiée, St John’s, 1981).— PANL, GN 5/1/B/1, Trinity, minutes, 1805–1825 ; estates, 1789–1816 ; GN 5/4/B/1, Trinity, 1775–1811, 1826–1842 ; P7/A/6, Slade & Kelson, letters, Trinity, 1809–1826.— Trinity Hist. Soc. Arch., Slade-Kelson diaries, 1809–1846 (photocopies aux Maritime His. Group Arch., Memorial Univ. of Nfld., St John’s).— DBC, 5 (biog. de Benjamin Lester).— Derek Beamish et al., Mansions and merchants of Poole and Dorset (Poole, Angl., 1976).

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W. Gordon Handcock, « GARLAND, GEORGE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/garland_george_6F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1987
Année de la révision:    1987
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