DUFFY, JAMES W., prêtre catholique, fermier et fonctionnaire, né vers 1798 dans le comté de Monaghan (république d’Irlande) ; décédé le 1er décembre 1860 à Charlottetown.

C’est à l’invitation de Mgr Michael Anthony Fleming* que James W. Duffy, alors vicaire en Irlande, vint s’établir à Terre-Neuve. Il arriva à St John’s le 21 septembre 1833 et y demeura jusqu’au début de l’année suivante ; il fut alors envoyé par l’évêque à Ferryland. À titre d’auxiliaire de Timothy Browne, avec lequel il ne s’entendait pas, Duffy ne desservit apparemment que cette partie de la paroisse qui s’étendait de Fermeuse, où il demeurait, à la baie de Sainte-Marie en passant par Trepassey. Les relations entre les deux hommes étaient en fait si mauvaises que Browne considérait Duffy comme « détestable et immoral ». Fleming, qui n’aimait pas Browne, trouvait néanmoins que Duffy était « un enseignant zélé et infatigable » et appréciait particulièrement les efforts qu’il déployait à bâtir des églises.

Deux églises précédemment construites à St Mary’s avaient été démolies par le vent, et Duffy décida en décembre 1834 d’en bâtir une nouvelle sur les basses terres près de la plage. Ce projet se heurta à l’opposition de John Wills Martin*, représentant pour la région de la Slade, Elson and Company, qui possédait des locaux de grandes dimensions dans les environs, mais Duffy jugea que l’emplacement proposé par Martin ne convenait pas et donna suite à son projet. Martin, l’un des quatre non-catholiques de St Mary’s, venait d’ériger une vaste claie à sécher le poisson, qui gênait l’accès à l’église ; il refusa de l’enlever malgré les protestations voulant que la coutume ait établi un droit de passage public sur la plage. En outre, même s’il considérait que la construction de l’église justifiait une poursuite au civil pour violation de propriété, il donna simplement instructions à son commis, William Lush, de ne pas faire affaire avec Duffy. Suivant les déclarations de Martin, Lush refusa de remplir la commande de brandy du prêtre, et, le 13 janvier 1835, Duffy partit avec quelque 80 personnes pour démolir et brûler la partie de la claie excédant la propriété de la Slade, Elson and Company, celle-ci portant selon eux atteinte aux droits du public. Le reste fut détruit de façon similaire peu de temps après. Des accusations furent portées contre Duffy et neuf autres personnes.

Bien que la Cour de circuit ait siégé à St Mary’s cet été-là, aucune poursuite ne fut intentée avant le mois de novembre, et cette fois devant la Cour suprême de Terre-Neuve à St John’s. Duffy fut arrêté à Fermeuse pour délits, et deux constables l’amenèrent à Ferryland où il fut mis en liberté sous caution. Il crut comprendre que sa cause serait entendue à la session d’hiver du tribunal, mais lorsqu’il comparut le 30 décembre avec un autre homme, qui s’était rendu à St John’s de son plein gré, il découvrit que le procureur général, James Simms*, et le juge en chef, Henry John Boulton*, n’étaient pas prêts à engager les poursuites. Pendant ce temps à St Mary’s, un brick du gouvernement tenta d’arrêter les autres personnes accusées en même temps que Duffy, mais l’autorité des constables fut mise en doute et ceux-ci, redoutant la violence, se retirèrent. Le gouverneur Henry Prescott* en fut très outré. En mai 1836, il apprêta un navire de guerre et demanda dans une proclamation que les inculpés se livrent. Cependant, une requête de la part de Mgr Fleming parvint à St Mary’s la première, et les hommes allèrent à St John’s afin de se rendre. L’absence de témoins à charge entraîna d’autres délais. Et lorsque Duffy comparut pour une troisième fois en décembre 1836, cette affaire l’avait déjà contraint à parcourir plus de 1 300 milles ; Ce n’est qu’en mai 1837 que la couronne abandonna les poursuites ; Duffy et les autres accusés furent finalement acquittés. Le parc provincial Father Duffy’s Well indique de nos jours le lieu où le prêtre se reposait pendant ses nombreux voyages entre St Mary’s et St John’s.

La lutte entre les bureaucrates et le prêtre catholique fit de Duffy un héros pour beaucoup de gens, et de Boulton un scélérat. Le Newfoundland Patriot, journal libéral de St John’s, accusa Boulton d’avoir entamé ces poursuites afin de discréditer les catholiques qui s’opposaient à lui. La prise en charge personnelle d’un cas de délit par le juge en chef, ses déclarations apparemment empreintes de prévention et la prolongation indue des poursuites dans l’affaire Duffy donnaient toutes fondement à l’accusation. Cette affaire eut sans doute une influence sur la destitution de Boulton en 1838.

Duffy devint en 1837 le premier curé de St Mary’s et de Trepassey, paroisse qui avait été formée d’une partie du district de Browne. À St Mary’s, il fut un pionnier de l’agriculture terre-neuvienne, et ses propriétés – 25 acres de terre cultivée, un grand nombre de bestiaux et même deux graves – constituaient un exemple d’autosuffisance pour ses paroissiens.

En 1841, cependant, Duffy fut de nouveau mêlé à une controverse, cette fois à titre de commissaire de la voirie de St Mary’s, poste qu’il occupait depuis 1837. Le litige avait pour objet le remplacement des anciens collègues de Duffy par de nouveaux commissaires, dont Lush. Duffy annonça qu’il ne ferait jamais partie de la nouvelle commission et stoppa ainsi tous les travaux de voirie dans la région. Les pressions qu’on exerça en vain sur Fleming à cette époque afin d’obtenir le transfert de Duffy contribuèrent peut-être au remplacement de ce dernier en 1843 par Kyran Walsh*. L’année suivante, Duffy vendit sa ferme aux enchères et quitta St John’s le 4 septembre pour Cork (république d’Irlande). On ne possède aucun renseignement sur ses allées et venues pendant les six années qui suivirent.

Duffy arriva en 1850 dans le diocèse d’Arichat en Nouvelle-Écosse et demanda la responsabilité d’une paroisse à Mgr William Fraser, qui se montra tout d’abord hésitant. En 1851, à Pâques, celui-ci lui avait toutefois confié la charge temporaire de la cathédrale Notre-Dame, à Arichat ; avant la mort de l’évêque survenue plus tard cette année-là, il fut envoyé dans la paroisse St Ann, à Guysborough. Par suite d’une dispute avec le curé James D. Drummond, Duffy assuma seul la charge de la paroisse, tandis que Drummond fut affecté ailleurs. La façon dont Duffy administra les affaires de la paroisse suscita constamment des controverses, lesquelles atteignirent leur paroxysme avec l’exclusion de l’église de Mgr Colin Francis MacKinnon*. Duffy avait quitté la paroisse en juillet 1857.

En novembre 1858, Duffy alla s’installer à l’Île-du-Prince-Édouard et devint prêtre auxiliaire à la cathédrale St Dunstan, à Charlottetown. Il accepta la cure de Kelly’s Cross en février 1859. Duffy se fit de nouveau remarquer par ses efforts pour instruire les gens et construire des églises, mais aussi par sa lutte en faveur de la tempérance. Malheureusement, il souffrit d’un mauvais rhume pendant tout le printemps et l’été de 1860, et, lors d’un voyage d’affaires à Charlottetown au mois de septembre, il était devenu trop malade pour retourner dans sa paroisse. Il mourut dans la demeure de Mgr Peter MacIntyre* et fut inhumé le 3 décembre dans le cimetière de Kelly’s Cross.

Fleming dit de la contribution de James W. Duffy à St Mary’s que, malgré ses points faibles, il était généralement admis que « son enseignement et son exemple avaient fait des gens du district les plus vertueux et les plus travailleurs de l’île ». Duffy représentait, allant presque jusqu’à la caricature, les traits caractéristiques du clergé rural canadien de son époque : la résistance aux épreuves, un esprit intrépide, un souci des besoins économiques, politiques et religieux de ses paroissiens, ainsi qu’une forte indépendance d’esprit. Il possédait nul doute ce dernier trait à l’excès.

Raymond J. Lahey

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Raymond J. Lahey, « DUFFY, JAMES W. », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/duffy_james_w_8F.html.

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Auteur de l'article:    Raymond J. Lahey
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1985
Année de la révision:    1985
Date de consultation:    20 déc. 2024