DEANE, RICHARD BURTON, officier de la Police à cheval du Nord-Ouest et de la Gendarmerie royale à cheval du Nord-Ouest et auteur, né le 30 avril 1848 à Ootacamund, Inde, fils de Henry Deane, ministre de l’Église d’Angleterre, et d’Aurora Cavendish Lewis ; le 7 novembre 1870, il épousa dans l’île de Portland, Angleterre, Martha Critchell Ridout, et ils eurent trois fils et deux filles, puis le 22 avril 1908, à Calgary, Mary Dennehy, et finalement le 19 février 1917, à Londres, May Thyne ; décédé le 13 décembre 1930 à Diano Marina, Italie.

Moustache tombante, long corps maigre, teint pâle, regard froid, langue acérée : Richard Burton Deane avait des allures vaguement menaçantes. De 1883 à 1914, au fil de ses 31 ans de carrière dans la Gendarmerie royale, il vit les vastes étendues du sud des Prairies canadiennes se peupler d’exploitations agricoles et prit part à cette transformation.

À bien des égards, Deane était un officier type. Issu d’une famille respectable mais non riche, il avait des antécédents militaires, était de confession anglicane, connaissait le droit militaire et le droit criminel, et défendait les valeurs de l’élite anglo-canadienne. L’essentiel de sa vie professionnelle se déroula au Canada, mais il n’était Canadien ni de naissance, ni par inclination. En un sens, sa carrière au pays fut celle d’un officier de l’Empire ; sans doute, recevoir l’ordre du Service impérial en 1915 le combla. Pour lui, l’Empire britannique était une réalité, non une abstraction. Pourtant, même une fois retiré en Angleterre, son expérience canadienne continua d’occuper son esprit, comme en témoignent ses écrits volumineux. Jusqu’à la fin de sa vie, d’ailleurs, Deane porta les rêches sous-vêtements réglementaires de la Gendarmerie royale.

Au moment de la naissance de Deane, son père était aumônier à l’East India Company. Même après leur installation en Angleterre vers 1851, les Deane restèrent fascinés par l’Inde et l’Empire. À la grammar school d’Ipswich et au sein de l’Église d’Angleterre, le jeune Richard Burton apprenait à voir le monde par les yeux de la gentry. Il se débrouillait assez bien dans les matières scolaires mais excellait dans les sports, le cricket surtout.

En 1866, à l’âge de 18 ans, Deane s’enrôla dans les Royal Marines. D’abord lieutenant en second, il fut promu lieutenant en premier l’année suivante. Une compression radicale de l’effectif interrompit son avancement. Néanmoins, il servit au cours de plusieurs croisières et combattit pendant la campagne de 1873–1874 contre les guerriers achantis dans l’actuel Ghana. En 1876, les Royal Marines reconnurent ses qualités d’organisateur en le nommant adjudant de la division de Chatham, forte de 3 500 hommes, mais sa promotion au grade de capitaine ne survint qu’en 1881. Or, il avait alors une femme et cinq enfants et, s’il demeurait simple capitaine, il devrait prendre sa retraite dans un délai de moins de dix ans, avec une pension qu’il jugeait insuffisante. Il devança donc sa retraite et s’installa au Canada avec sa famille en 1882. Grâce à son cousin Thomas Charles Patteson, influent conservateur canadien, il obtint pour quelques mois un poste d’assistant auprès du gouverneur général, lord Lorne [Campbell*], et finit par convaincre le premier ministre, sir John Alexander Macdonald*, de le nommer inspecteur de la Police à cheval du Nord-Ouest à compter du 1er juillet 1883.

Au nouveau quartier général, à Regina, Deane eut d’abord pour mandat de former les recrues et de rédiger le règlement de la police. Moins d’un an plus tard, il fut nommé adjudant et promu surintendant ; son salaire annuel atteignit la jolie somme de 1 400 $. Pendant la rébellion du Nord-Ouest en 1885, il exerça le commandement à Regina en l’absence du commissaire Acheson Gosford Irvine. À la fin des hostilités, on lui confia la garde des prisonniers, dont Louis Riel*. Reconnaissant envers son geôlier de lui accorder la permission d’écrire dans le bureau du commissaire, le chef métis lui dédia un poème.

Au congédiement d’Irvine en 1886, Deane espéra lui succéder, mais on lui préféra Lawrence William Herchmer*, qui avait de meilleures relations et de plus longs états de service dans l’Ouest canadien. Fonctionnaires compétents, Deane et Herchmer étaient aussi des hommes caustiques et opiniâtres. À la moindre occasion, ils se querellaient. Les laisser tous deux à Regina était impossible. On nomma donc quelqu’un d’autre au poste d’adjudant et l’on envoya Deane en voyage de recrutement dans l’est du pays. Finalement, en 1888, il fut placé à la tête d’une division relativement nouvelle, celle de Lethbridge (Alberta).

Arrivé à son nouveau poste le jour de ses 40 ans, Deane commanderait durant 26 ans l’une ou l’autre des divisions de la Gendarmerie royale dans le sud des Prairies canadiennes. Pendant la première décennie, ce fut celle de Lethbridge. De 1898 à 1902, il fut, dans les faits, surintendant de la division de Lethbridge et de celle du fort Macleod (Fort Macleod, Alberta). De 1902 à 1906, après avoir eu le malheur de traîner en justice des amis du ministre de l’Intérieur, Clifford Sifton, il fut relégué à la division de Maple Creek (Saskatchewan). De 1906 à 1914, après un changement de ministre à Ottawa, il eut l’affectation la plus convoitée, le commandement de la division de Calgary. Nulle part, aucun des policiers vivant dans les quartiers de la gendarmerie n’était mieux logé que lui : la maison bâtie à son intention est maintenant un site historique provincial, Deane House.

Le commandant divisionnaire Deane s’acquittait de ses multiples fonctions avec une grande compétence. Très exigeant envers ses hommes, il n’hésitait pas à réprimander vertement ceux qui manquaient à leur devoir. Par ailleurs, il savait reconnaître le mérite et n’entretenait pas d’attentes déraisonnables. Enclin à porter des jugements catégoriques sur les gens qui attiraient l’attention de la gendarmerie, il restait parfois bouche bée devant des malheureux victimes d’un monde qui les dépassait et pouvait même leur témoigner une sympathie véritable. Il ne croyait pas la société perfectible. Souvent, ses supérieurs avaient du mal à le mettre au pas : il était un surintendant efficace et nullement irréfléchi, mais il débordait d’assurance et répliquait à la critique avec adresse et véhémence.

Les rapports officiels de Deane brossent un vif tableau des Prairies à l’époque des pionniers. Certes, il y est question des aspects positifs de la colonisation, mais on y voit aussi toute une galerie de personnages : juges incompétents, prostituées assassinées, ivrognes bagarreurs, voleurs de bétail, femmes battues, autochtones affamés, ministres du culte fanatiques, aliénés indigents. Deane raconte tout, depuis les crimes les plus odieux jusqu’aux chamailleries entre policiers. Il rapporte même que, une fois, des agents de la paix jetèrent dans les latrines la literie d’un sous-officier impopulaire. Truffés d’opinions personnelles, d’humour, d’ironie et de locutions latines ou françaises, ses rapports sont passionnants, à l’encontre de ceux de tant d’autres commandants. L’un d’eux s’ouvre par cette phrase : « La nouvelle année criminelle [...] a commencé gaiement par un attentat à la pudeur, un vol et un homicide volontaire. »

Les compétences et champs d’intérêt de Deane s’étendaient bien au delà de la police. À son arrivée au Canada, il était déjà un magicien, un acteur, un metteur en scène et un producteur accompli. Il fut l’un des premiers à organiser du théâtre à Regina et à Lethbridge. En Angleterre, il avait joué au cricket dans des équipes de haut calibre, notamment contre des professionnels en tournée. Il continua de pratiquer ce sport, quand c’était possible, jusqu’en 1897. Il exerça de hautes fonctions dans la franc-maçonnerie. Au sein de l’Église d’Angleterre, il fut marguillier et, à l’occasion, officiant laïque. En outre, il se passionnait pour le jardinage, collectionnait des recettes et brassait quelques affaires.

Des cinq enfants de Deane, deux moururent avant sa première femme, qui s’éteignit en 1906. Il se remaria en 1908, quelques jours avant son soixantième anniversaire, afin que son épouse ait droit à une pension de veuve. Cette précaution se révéla inutile. Tombée malade, la deuxième Mme Deane, malgré les soins de son beau-fils, le docteur Reginald Burton Deane, mourut en 1914.

Richard Burton Deane quitta Calgary le 30 septembre, après l’enterrement, et se retira en Angleterre. En 1916, il publia Mounted police life in Canada : a record of thirty-one years’ service. Malgré sa composition boiteuse, ce livre demeure un document précieux sur l’histoire de la Gendarmerie royale. Il n’a rien du panégyrique : Deane ne s’y gêne pas pour critiquer des notables, qu’ils aient été ou non membres de l’organisation. Il continua d’écrire, mais après son troisième mariage, en 1917, il en vint peu à peu à couler des jours paisibles dans le Somerset, vivant de sa pension et dorlotant ses roses. Il mourut en 1930 en Italie, où il s’était rendu, semble-t-il, pour des raisons de santé.

William M. Baker

Les détails concernant la vie personnelle et familiale de Richard Burton Deane ont été glanés dans les India Office Records, Oriental and India Office Collections, à la British Library (Londres), au GRO, aux National Arch. (G.-B.), ADM, dans les dossiers de la marine royale, et au Suffolk Record Office, Ipswich, Angleterre. La documentation sur la vie de Deane au Canada comprend ses papiers conservés aux GA (M 311, M 313, M 3933, M 6017), et à BAC (MG 29, E48). Les dossiers de la Gendarmerie royale à cheval du Nord-Ouest à BAC, RG 18, contiennent des milliers de rapports, dossiers et lettres rédigés par Deane, ou encore qui lui ont été présentés ou qui le concernent. On trouve aussi les propres rapports de Deane dans les rapports annuels de la Police à cheval du Nord-Ouest, 1883–1903, et de la Gendarmerie royale à cheval du Nord-Ouest, 1904–1914, imprimés dans Canada, Parl., Doc. de la session.

L’ouvrage de Deane intitulé Mounted police life in Canada : a record of thirty-one years’ service (Londres, 1916) a été réimprimé à Toronto en 1973, et un de ses plus courts écrits, « The story of Joe Bush », a été édité par W. M. Baker et publié dans Alberta Hist. (Calgary), 40 (1992), nº 4 : 3–15.

W. M. Baker, « Captain R. Burton Deane and theatre on the prairies, 1883–1901 », Recherches théâtrales au Canada (Toronto), 14 (1993) : 31–59 ; « Superintendent Deane of the mounted police », Alberta Hist., 41 (1993), nº 4 : 20–26.— William Beahen, « For the sake of discipline : the strange case of Cst. Basil Nettleship – deserter », Rev. trimestrielles de la GRC (Ottawa), 49 (1984), no 3 : 41–45.— William Beahen et S. [W.] Horrall, Red coats on the prairies : the North-West Mounted Police, 1886–1900 (Regina, 1998).— S. W. Horrall, « The (Royal) North-West Mounted Police and prostitution on the Canadian prairies », Prairie Forum (Regina), 18 (1985) : 105–127.— R. C. Macleod, The NWMP and law enforcement, 1873–1905 (Toronto, 1976).— A.-M. Mavromichalis, « Tar and feathers : the mounted police and frontier justice », Alberta Hist., 43 (1995), nº 2 : 16–24.— Pioneer policing in southern Alberta : Deane of the Mounties, W. M. Baker, édit. (Calgary, 1993).

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William M. Baker, « DEANE, RICHARD BURTON », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/deane_richard_burton_15F.html.

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Année de la publication:    2005
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