DE LISLE, JEAN (il signait parfois De Lisle de La Cailleterie), notaire et marchand, né vers 1724 à Nantes, France, fils de Jean-Guillaume De Lisle, négociant, et d’Angélique Chevalier ; décédé le 11 mars 1814 à Montréal.

Dans les années 1750, Jean De Lisle émigra à New York pour des raisons inconnues. Il y épousa Ann Denton en 1756 et, l’année suivante, ils eurent un fils, Jean-Guillaume. En avril 1764, De Lisle était à Québec avec son fils, et il déclara posséder 280# 15s. en monnaie de cartes. En 1767, il inscrivit Jean-Guillaume à l’école d’enseignement secondaire que le sulpicien Jean-Baptiste Curatteau* inaugurait dans son presbytère à Longue-Pointe (maintenant partie de Montréal). Nantais lui aussi, Curatteau se chargea avec son supérieur, Étienne Montgolfier*, des frais d’enseignement et de pension de l’enfant. Le 15 juillet 1768, De Lisle reçut du gouverneur Guy Carleton une commission de notaire pour exercer dans le district de Montréal. Il fut autorisé, la même année, à dresser des procès-verbaux d’arpentage, tâche qu’il accomplit jusqu’en 1771. Cette année-là, il aurait été témoin d’un prodige : le soir du décès de Mme d’Youville [Dufrost*], il aperçut au-dessus de l’Hôpital Général une croix lumineuse « régulièrement formée ».

En 1783, De Lisle et Jean-Baptiste-Amable Adhémar* furent élus délégués canadiens afin de porter à Londres, au roi George III, une pétition réclamant une réforme du gouvernement et du système judiciaire. Ils devaient aussi demander au nom des catholiques, avec l’agrément tacite de Mgr Briand* et malgré l’opposition du gouverneur Haldimand, un évêque à Montréal et l’autorisation de faire venir de France des prêtres dont le pays avait un urgent besoin. Les délégués arrivèrent à Londres à la fin de novembre. Le mois suivant, ils remirent à lord North, secrétaire d’État à l’Intérieur, un mémoire concernant l’aspect religieux de leur mission. Au début de 1784, De Lisle et Adhémar se rendirent à Paris dans l’intention d’y recruter des prêtres. De retour à Londres en mars, et avec l’appui de Carleton, ils rencontrèrent le successeur de North, lord Sydney, qui refusa de laisser venir au pays des prêtres français, même ceux qui résidaient à Londres. De Lisle revint à Montréal à l’été de 1784. Le rapport qu’il fit à Mgr Briand sur la question religieuse était assez optimiste à cause du rappel prochain de Haldimand et du retour prévu de Carleton. Bien que la mission d’Adhémar et de De Lisle eût échoué sur le plan politique, ce dernier continua de travailler activement pour l’obtention d’une réforme constitutionnelle. Il se joignit au comité réformiste canadien de Montréal, créé en novembre 1784, qui regroupait le notaire Joseph Papineau* et les marchands Maurice-Régis Blondeau, Pierre Guy, Joseph Périnault, Pierre Foretier, Joseph-François Perrault* et Jean Dumas* Saint-Martin.

En 1787, De Lisle abandonna la pratique du notariat et son fils lui succéda. C’est à ce moment, semble-t-il, qu’il devint marchand. Il importait d’Angleterre, entre autres marchandises, de la quincaillerie, des matériaux de construction, des outils pour divers corps de métier, des ustensiles de cuisine, de la vaisselle et de la coutellerie qu’il entreposait dans un appentis attenant à sa maison de la rue Saint-François-Xavier.

Le 27 décembre 1787, De Lisle fut élu marguillier de la paroisse Notre-Dame de Montréal [V. Jean-Guillaume De Lisle]. Avec d’autres notables montréalais, il signa, le 15 octobre 1790, une requête demandant au gouverneur Carleton, devenu lord Dorchester, une charte pour l’établissement d’une université. Deux mois plus tôt, le 3 août, il avait épousé à Montréal Suzanne Lacroix-Mézière, sœur d’Henry-Antoine Mézière. Le couple eut une fille et trois fils dont un seul, Augustin*, parvint à l’âge adulte. En 1795, De Lisle fit baptiser à l’église Notre-Dame un esclave noir de 18 ans auquel il donna le nom de Guillaume.

L’érudition et les connaissances de De Lisle en mathématiques et en physique émerveillaient ses contemporains. Il rédigea un manuscrit intitulé « Hydrostatique, 1798 » dans lequel on trouve de nombreux calculs, des problèmes et leur solution, une méthode, illustrée d’un dessin, pour déterminer le poids spécifique des corps plus légers que l’eau, et des tables de poids spécifiques des divers métaux et alliages. Sa bibliothèque était riche en ouvrages de littérature, d’histoire, de philosophie, de théologie, de mathématiques, de physique, d’électricité, de magnétisme, de géographie, d’astronomie et de chimie. Il possédait en outre de nombreux instruments de laboratoire, dont hérita son fils Augustin. De Lisle semble aussi avoir suivi avec intérêt l’évolution politique de son pays natal. Il a laissé des copies du calendrier républicain, d’articles de journaux favorables au futur empereur Napoléon Ier, de lettres échangées entre Pie VI et ce dernier en 1797, et d’un discours de l’empereur du 2 janvier 1805.

Sans être un personnage de premier plan, Jean De Lisle fut un serviteur intelligent et dévoué à son pays d’adoption. Le journaliste qui annonça son décès le disait justement « homme respectable, qui joignait à toutes les vertus sociales, des connaissances profondes et étendues, qui, enfin, faisait ses délices de l’étude de la philosophie [les sciences] et la cultiva toujours avec succès ».

Léon Lortie

Le manuscrit de Jean De Lisle, « Hydrostatique, 1798 », est conservé à la Bibliothèque de la ville de Montréal, Salle Gagnon. Le minutier de De Lisle, 1768–1787, est conservé aux ANQ-M, sous la cote CN1-120.

ANQ-M, CE1-51, 3 août 1790, 13 mars 1814 ; CN1-313, 1er juill. 1790, 28 déc. 1809.— ASQ, Fonds Viger-Verreau, Carton 48, nos 3–10.— « Le gouverneur Haldimand et les prêtres français », BRH, 12 (1906) : 248–252.— « MM. Adhémar et Delisle », BRH, 12 (1906) : 325–341, 353–371.— Georges Bellerive, Délégués canadiens français en Angleterre, de 1763 à 1867 [...] (Québec, [1913]).— [François Daniel], Nos gloires nationales ; ou histoire des principales familles du Canada [...] (2 vol., Montréal, 1867), 2 : 250, 424.— [É.-M. Faillon], Vie de Mme d’Youville, fondatrice des Sœurs de la charité de Villemarie dans l’île de Montréal, en Canada (Villemarie [Montréal], 1852), 318–321.— Galarneau, La France devant l’opinion canadienne, 290s.— Lemieux, L’établissement de la première prov. eccl., 16, 22.— Maurault, Le collège de Montréal (Dansereau ; 1967).— J.-E. Roy, Hist. du notariat, 2 : 44s.— Tousignant, « La genèse et l’avènement de la constitution de 1791 », 309.— Léon Lortie, « Deux notaires amateurs de science : Jean De Lisle et son fils Augustin-Stanislas De Lisle », SRC Mémoires, 3e sér., 55 (1961), sect. i : 39–47.— É.-Z. Massicotte, « Les arpenteurs de Montréal au xviiie siècle », BRH, 24 (1918) : 340 ; « La famille de Jean De Lisle de la Cailleterie », 25 (1919) : 175–186 ; « Jean De Lisle et Jean-Guillaume De Lisle », 150–152 ; « Une page de l’histoire du collège de Montréal », 23 (1917) : 207–211.— Benjamin Sulte, « La délégation envoyée en Angleterre en 1783 », BRH, 7 (1901) : 213–216.

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Léon Lortie, « DE LISLE (De Lisle de La Cailleterie), JEAN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 22 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/de_lisle_jean_5F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1983
Année de la révision:    1983
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