Titre original :  © 2011 Jacob Earl from flickr.com. Harry Judson Crowe | Flickr - Photo Sharing!

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CROWE, HARRY JUDSON, homme d’affaires et philanthrope, né le 28 novembre 1868 à Halifax, fils de John F. Crowe et de Mary Doyle ; le 10 juillet 1895, il épousa à Bridgetown, Nouvelle-Écosse, Helen Rose Quirk, et ils eurent deux fils ; décédé le 25 mai 1928 à Toronto.

Harry Judson Crowe fréquenta les écoles publiques de Halifax, l’école préparatoire de la Horton Academy à Wolfville et la Halifax Business College and Writing Academy. Ses études terminées, il travailla un an dans une épicerie de Halifax où il s’occupait des opérations bancaires ; en 1884 ou 1885, il entra dans l’entreprise paternelle d’épicerie en gros. Crowe acheta la part de son père vers 1890 et administra l’affaire avec un de ses frères. Après la faillite d’une entreprise en participation dans laquelle il s’était joint à un aventurier de Boston en vue de faire de l’exploitation minière dans l’Ouest américain, il fut obligé de vendre son entreprise de Halifax pour éponger ses pertes. Après avoir acheté une demi-part d’un commerce d’épicerie et de bois à Bridgetown, Crowe s’intéressa de près à l’industrie du bois d’œuvre et construisit des scieries dans diverses parties de la province.

Crowe alla à Terre-Neuve vers 1902 pour y faire le commerce du bois et fut emballé par le potentiel industriel de l’île. Peu de temps après, il se départit de ses installations en Nouvelle-Écosse. Il devint ami avec Robert Gillespie Reid* et ses fils William Duff et Henry Duff, qui possédaient le réseau ferroviaire terre-neuvien ainsi que d’importantes propriétés forestières, foncières et minières. En 1903, il fonda la Newfoundland Timber Estates Company Limited avec William Duff Reid, Henry Melville Whitney, de Boston, et Benjamin Franklin Pearson*, de Halifax. La firme mena ses opérations forestières à Glenwood et à Millertown, sur des terres achetées à Lewis H. Miller*, et à Gander Bay. Crowe comprit que le bois de Terre-Neuve convenait mieux à la fabrication du papier qu’à la construction et acheta la plupart des entreprises forestières du centre de l’île. Avec les Reid, il contribua à attirer à Terre-Neuve le groupe de presse Harmsworth d’Angleterre ; sous le nom d’Anglo-Newfoundland Development Company Limited, ce groupe acheta un grand nombre des propriétés de la Newfoundland Timber Estates et ouvrit à Grand Falls une usine de pâte et papier qui entra en service en 1909. Crowe aida aussi à convaincre la A. E. Reed and Company Limited, autre firme anglaise, d’ouvrir à Bishop’s Falls une usine de pâte, qui commença à fonctionner en 1911.

Crowe faisait des affaires en achetant des concessions forestières existantes au lieu de les acquérir directement de la couronne. Les propriétés étaient ensuite regroupées dans l’une ou l’autre de ses sociétés de portefeuille. Avant 1914, Crowe fit d’importants travaux de coupe dans les régions de Botwood et de Point Leamington. À cette époque, ses diverses entreprises fournissaient aux usines de Grand Falls et de Bishop’s Falls plus de 100 000 cordes de bois à pâte par année. Crowe semble avoir poursuivi ses activités, du moins à Botwood, durant les années de guerre.

En 1911, Crowe avait rencontré William Ford Coaker*, chef du Fishermen’s Protective Union, qui regroupait aussi des travailleurs forestiers dans ses rangs. Crowe accepta d’améliorer les conditions dans ses 12 camps en modernisant les locaux où dormaient et mangeaient les travailleurs, en installant des baignoires et en retenant les services d’un médecin pour s’occuper des bûcherons. Il engagea aussi des membres du syndicat et garantit un salaire mensuel à chaque bûcheron. Botwood, le cœur des activités de Crowe, fut le lieu d’autres interventions de sa part. Crowe n’appréciait pas le réseau scolaire confessionnel de Terre-Neuve, comme il le déclara à l’occasion d’une audience publique à Botwood en 1910. Ce réseau était selon lui « la cause du manque de développement dans la population et dans les ressources de l’île » ; c’est pourquoi il ouvrit un jardin d’enfants non confessionnel en 1915. Environ 45 enfants dont l’âge variait de quatre à sept ans y furent regroupés sous l’autorité d’une institutrice, Edna Alexander, qu’il avait fait venir pour un an de Toronto, où il avait élu résidence vers 1910. Crowe organisa aussi des cours d’économie domestique pour la population. En 1916, il obtint du Toronto Board of Education le prêt de deux institutrices pour un an afin de poursuivre les activités du jardin d’enfants à Botwood et d’en ouvrir un autre à Twillingate.

En 1915, Crowe participa à la fructueuse campagne visant à instaurer la prohibition à Terre-Neuve. Il organisa des conférences sur les vertus de la prohibition et la santé publique données par une chirurgienne américaine, la docteure Carolyn E. Geisel, qu’il accompagna dans sa tournée des villages de Terre-Neuve. À la suite de cette initiative, un certain nombre de clubs de santé virent le jour, mais furent de courte durée. Sur la recommandation du docteur John Harvey Kellogg, surintendant du Battle Creek Sanitarium, au Michigan, Crowe engagea en novembre 1915 une Américaine, Margaret Craig, infirmière en santé publique et spécialiste en nutrition et en sciences domestiques, qui vint à Botwood et dans des communautés environnantes pour soutenir les clubs de santé.

Dès son entrée dans le milieu des affaires terre-neuvien, Crowe avait fraternisé avec la plupart des chefs de file et il était en bons termes avec quiconque formait le gouvernement du moment. Ardent défenseur de la Confédération, il s’employa à promouvoir l’union de Terre-Neuve et du Canada ; en 1909 et en 1915–1916, il servit d’intermédiaire dans les discussions infructueuses sur la question entre les hommes politiques canadiens et terre-neuviens et la Reid Newfoundland Company. Ses opinions sur la Confédération s’inscrivaient dans sa croyance que tous les pays anglo-saxons devaient être étroitement liés. À partir de 1902, Crowe défendit l’union des pays de langue anglaise, y compris les États-Unis, par une entente de préférence commerciale. Dans une entrevue qu’il donna en 1910 à la Gazette de Montréal, par exemple, il préconisait une entente de réciprocité entre le Canada, Terre-Neuve, la Grande-Bretagne et les États-Unis. En 1915, il visita pour la première fois les Antilles britanniques et devint rapidement le défenseur de leur union politique avec le Canada et Terre-Neuve, idée qui fut appuyée par le Times de Londres. Il répandit ses idées par de fréquentes allocutions et des articles dans les journaux. Ses ambitions se réalisèrent en partie en 1921 quand le Canada ratifia une entente avec les Antilles britanniques qui élargissait des accords de préférence commerciale et prévoyait le versement de subventions pour un service de vapeurs entre le Canada et cette région.

Vers la fin de sa vie, Crowe vendit à l’International Paper Company, entreprise en pleine expansion qu’il avait incitée à s’intéresser au marché terre-neuvien, les exploitations forestières de la région de White Bay qu’il avait acquises en 1923. Il vendit aussi à cette entreprise américaine ses propriétés de la région de Bay d’Espoir sur la côte Sud de l’île. Depuis 1912, il avait en vain tenté de faire construire un chemin de fer entre Bishop’s Falls et Bay d’Espoir pour favoriser l’établissement d’une usine de pâte et papier qui aurait profité des importantes ressources hydroélectriques de la région. En 1922, il avait aussi échoué dans ses tentatives auprès d’entreprises britanniques et américaines pour acquérir de la Reid Newfoundland Company le Newfoundland Railway, alors en faillite.

La vente de ses biens fit de Crowe, semble-t-il, un homme encore plus riche, mais il fut empêché de jouir de sa bonne fortune par sa mauvaise santé. En 1927, il fut victime d’une attaque qui le laissa paralysé et il alla se faire soigner au Battle Creek Sanitarium, où il subit une seconde attaque. Il mourut l’année suivante chez lui à Toronto. La valeur nette des biens qu’il laissait était de 676 000 $, dont 168 000 $ en exploitations forestières à Terre-Neuve. Il légua à l’Armée du salut un fonds destiné à former des hommes et des femmes qui iraient servir en Inde et un autre pour donner des bourses d’étude à des infirmières diplômées du Canada et de Terre-Neuve. De son vivant, Crowe avait souvent aidé financièrement le Memorial University College de St John’s à offrir des cours d’été pour les instituteurs. Sa veuve créa une bourse en son honneur à cet établissement, qui devait être accordée de préférence à des diplômés du secondaire de la région de White Bay.

William Ford Coaker rendit un vibrant hommage à Harry Judson Crowe dans le Fishermen’s Advocate de Port Union, à Terre-Neuve, le considérant comme « l’un des rares hommes de son temps qui œuvra sincèrement et incessamment sans se soucier de l’opinion, sans faillir, pour le bénéfice de Terre-Neuve ». Homme d’une grande spiritualité lui-même, Coaker souligna que Crowe avait des « dispositions religieuses empreintes de gravité et [avait passé] de nombreuses heures à discuter avec [lui] des mystères [présents] au delà de cette vallée [de larmes]. Il croyait fermement que la vie ici-bas était le commencement d’une existence qui ne se termin[erait] jamais. » Un autre observateur écrivit que Crowe constituait « la combinaison intéressante et inusitée du capitaliste, de l’homme d’affaires et du visionnaire. Il pouvait, en un clin d’œil, faire passer son attention de lourds problèmes commerciaux ayant trait au progrès matériel aux projets les plus idéalistes visant l’avancement de toute catégorie de personnes. »

Melvin Baker

AO, RG 22-305, nº 59468.— Centre for Newfoundland Studies, Memorial Univ. of Nfld (St John’s), Arch., coll-237 (Robert Bond papers), file 10.01.079, Crowe à Bond, 23 juin 1922.— PANL, GN 2/5, file 196A, Crowe à William Halfyard, 16 nov. 1917 ; W. B. Grieve à Halfyard, 23 nov. 1917.— Daily News (St John’s), 26 mai 1928.— Fishermen’s Advocate (St John’s), août 1911 ; (Port Union, Terre-Neuve), 1er juin, 6 juill. 1928.— Globe, 26 mai 1928.— Halifax Herald, 13 juill. 1895.— Mail and Advocate (St John’s), 11 oct., 24, 30 nov. 1915.— Twillingate Sun (Twillingate, T.-N.), 26 nov. 1910, 3 déc. 1910 (extrait de la Gazette de Montréal), 2 mai 1911.— J. [K.] Hiller, « The origins of the pulp and paper industry in Newfoundland », Acadiensis (Fredericton), 11 (1981–1982), nº 2 : 42–68 ; « The politics of newsprint : the Newfoundland pulp and paper industry, 1915–1939 », Acadiensis, 19 (1989–1990), nº 2 : 3–39.— Re Harry J. Crowe, deceased (1933), Newfoundland Law Reports (St John’s), 13 : 105–109.— National encyclopedia of Canadian biography, J. E. Middleton et W. S. Downs, édit. (2 vol., Toronto, 1935–1937), 1 : 118–120.— W. G. Reeves, « “Our Yankee cousins” : modernization and the Newfoundland–American relationship, 1898–1910 » (thèse de ph.d., Univ. of Maine à Orono, 1987).— Standard dict. of Canadian biog. (Roberts et Tunnell), 1.— T.-N., Commission royale d’enquête sur la foresterie, Report (St John’s, 1955), 197–204.— Who’s who in Canada, 1927.

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Melvin Baker, « CROWE, HARRY JUDSON », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 16 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/crowe_harry_judson_15F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2005
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