BROCHU, MICHEL-DELPHIS (baptisé Michel-Adolphus), médecin, professeur et surintendant d’asile, né le 3 juillet 1853 à Saint-Lazare (Saint-Lazare-de-Bellechasse, Québec), fils de Pierre Brochu, cultivateur, et de Mathilde Naud ; le 16 mai 1878, il épousa dans la paroisse Saint-Roch, à Québec, Marie-Adéline-Eugénie Marois (décédée le 23 novembre 1879), puis le 21 octobre 1884 dans la desserte Saint-Jean-Baptiste, à Québec, Clotilde Fortin, et ils eurent sept garçons et quatre filles ; décédé le 12 mars 1933 à Québec.

Michel-Delphis Brochu (il utilise son prénom de baptême jusque vers 1866) fait ses études classiques au petit séminaire de Québec de 1865 à 1873 et y reçoit son baccalauréat ès arts. Il s’inscrit en 1873 à la faculté de médecine de l’université Laval, à Québec, qui lui décerne un doctorat le 20 juin 1876. Chargé de cours dans le même établissement à partir du 10 octobre 1881, il devient professeur agrégé l’année suivante. La faculté de médecine lui confie la chaire d’hygiène en 1884 et le nomme professeur titulaire le 22 juillet 1885. Brochu perfectionne sa formation au cours d’un voyage à Paris, en 1888, où il rencontre des médecins français réputés tels que le professeur de pathologie interne Georges Dieulafoy et le professeur de clinique Pierre-Carl-Édouard Potain. Il fait ces études supplémentaires dans le but de devenir professeur titulaire de la chaire de pathologie interne, nomination qu’il obtient deux ans plus tard. Il occupera ensuite la chaire des maladies mentales et nerveuses de 1903 à 1925.

Brochu est l’un des pionniers de l’hygiène industrielle au Québec. En 1889, il a publié à Québec un Mémoire sur la nécessité d’une inspection hygiénique médicale des ateliers et des manufactures, dans le but d’inciter le gouvernement à protéger la santé et la sécurité des ouvriers. De 1891 à 1892, puis de 1896 à 1903, en tant que représentant du Conseil d’hygiène de la province de Québec auprès des inspecteurs des établissements industriels, il formule des recommandations pour résoudre les problèmes d’insalubrité.

Dès 1893, Brochu est membre du service de médecine de l’Hôtel-Dieu de Québec, où il donne des leçons cliniques et soigne des patients. Il s’intéresse aux vertus thérapeutiques de l’électricité – notamment l’amélioration de la circulation sanguine et la dissolution des tissus causant des obstructions – et, en collaboration avec l’abbé Joseph-Clovis-Kemner Laflamme*, dote l’hôpital d’un « service électrique » en 1901. À partir de 1900, Brochu est aussi médecin traitant au sanatorium Villa Mastaï, à Notre-Dame-de-Beauport (Québec). Cette succursale de l’asile de Beauport [V. James Douglas*] accueille, pour une courte durée et dans l’anonymat, des personnalités religieuses et politiques aux prises avec des problèmes d’alcoolisme ou de toxicomanie.

Brochu est nommé surintendant médical de l’asile de Beauport en 1903 et poursuit les réformes de son prédécesseur, le médecin Arthur Vallée*, mort la même année (l’abolition de la contrainte physique en est un exemple). Il introduit l’alitement systématique des patients, pratique qui, comme il l’écrit dans un rapport en 1904, donne aux aliénés « la dignité de véritables malades ». Afin d’aider ses patients à réintégrer leur vie quotidienne et pour pallier le problème de surpopulation de l’asile, il favorise les sorties à l’essai pour ceux dont l’état s’est nettement amélioré et le placement de ceux qui n’ont pas de foyers dans des familles d’accueil, pratique très innovatrice. En 1915, il organise des cours pour les Sœurs de la charité de Québec, propriétaires de l’asile, devenu l’hôpital Saint-Michel-Archange, afin de les préparer à obtenir leur diplôme d’infirmière. En 1923, lorsque le gouvernement de la province de Québec exige des médecins de l’hôpital qu’ils se consacrent exclusivement à cet établissement, Brochu remet sa démission. Un pavillon de ce qui deviendra le centre hospitalier Robert-Giffard portera son nom de 1976 à 1988.

À cause de son expertise scientifique, Brochu est souvent appelé à intervenir dans des procès criminels. Le plus célèbre est celui de Marie-Anne Gagnon, belle-mère d’Aurore l’enfant martyre [Aurore Gagnon*], en 1920. Tel que le rapportent les journaux, Brochu, à titre de témoin-expert, déclare que l’accusée avait « toute son intelligence et qu’elle possédait le sens de l’appréciation morale ».

Brochu est aussi reconnu pour son implication dans différentes associations. Il collabore à la fondation, le 14 janvier 1897, de la Société médicale de Québec [V. François-Xavier-Jules Dorion] et, le 15 septembre 1899, à celle de son organe, le Bulletin médical de Québec. À l’occasion d’une réunion soulignant le troisième anniversaire de la société, les 25 et 26 juin 1900, à laquelle participent plus de 150 médecins, il suggère la fondation d’une association regroupant l’ensemble des médecins francophones du Canada et des États-Unis. Celle-ci aura pour objectif d’organiser des congrès de médecine en français et de promouvoir la création de sociétés médicales dans tous les foyers francophones du continent. Le premier congrès de l’Association des médecins de langue française de l’Amérique du Nord se tient du 25 au 27 juin 1902 à Québec, sous sa présidence, à l’occasion des fêtes du cinquantenaire de l’université Laval. Au décès de Vallée, Brochu est aussi appelé à le remplacer comme premier vice-président du Collège des médecins et chirurgiens de la province de Québec (1903–1907), dont il aurait refusé la présidence en 1907. Au sein de ces associations, il intervient principalement sur la question du financement des sociétés médicales et mobilise les médecins canadiens-français contre l’Acte à l’effet d’établir un conseil médical en Canada [V. sir Thomas George Roddick*]. Selon Brochu, la création de ce conseil représente une intrusion du gouvernement fédéral dans le secteur de l’éducation, ainsi qu’une menace à la pratique de la médecine francophone au Canada.

Brochu fait partie de plusieurs autres sociétés savantes : Société médico-psychologique de Québec, Canadian Medical Association, American Medico-Psychological Association, Société de thérapeutique et Société médicale des hôpitaux de Paris. Le gouvernement français lui a décerné le titre d’officier de l’Instruction publique le 21 septembre 1902 et la décoration d’officier de l’ordre de l’Étoile noire de la grande chancellerie de la Légion d’honneur le 4 mars 1907.

Pendant les dix dernières années de sa vie, Michel-Delphis Brochu continue d’exercer sa profession de médecin à l’Hôtel-Dieu de Québec. Il dirige aussi le Sanatorium hygiénique de Saint-Romuald-d’Etchemin (Lévis) et la clinique Brochu et Brochu, à Québec. Il meurt en 1933 à la suite d’une longue maladie et d’une opération chirurgicale. Un canton et un lac ont été nommés en son honneur, respectivement en 1921 et 1935. Du docteur Brochu, ses confrères ont retenu la puissance de conviction et la facilité d’expression. Son souvenir reste attaché à la fondation de l’Association des médecins de langue française de l’Amérique du Nord qui, encore au début du xxie siècle, sous le nom d’Association des médecins de langue française du Canada, continue non seulement de rallier les médecins francophones du pays, mais aussi du continent américain, de l’Europe, de l’Asie et de l’Afrique.

Guy Grenier

Outre l’ouvrage mentionné dans la biographie, Michel-Delphis Brochu a écrit les articles suivants : « De l’épilepsie jacksonnienne », l’Union médicale du Canada (Montréal), 26 (1897) : 385–403 ; « De l’intervention électro-thérapeutique dans le traitement de l’occlusion intestinale aigue », la Rev. médicale (Québec), 1 (1897–1898) : 1–6.

BAnQ-Q, CE301-S22, 16 mai 1878, 25 nov. 1879 ; CE301-S97, 21 oct. 1884 ; CE302-S5, 9 juill. 1850 ; CE302-S19, 4 juill. 1853.— Le Devoir, 13 mars 1933.— L’Événement, 13 mars 1933.— La Presse, 20 avril 1920.— Annuaire, Québec, 1924–1925.— Renaud Brochu, les Brochu (5 vol. parus, Sainte-Foy [Québec], 1999–    ), 3 : 192–205.— « Le Bureau des gouverneurs du Collège des médecins et chirurgiens de la province de Québec à Montréal », l’Union médicale du Canada, 32 (1903) : 428.— Denis Goulet et André Paradis, Trois siècles d’histoire médicale au Québec : chronologie des institutions et des pratiques (1639–1939) (Montréal, 1992), 357–360.— Guy Grenier, 100 ans de médecine francophone : histoire de l’Association des médecins de langue française du Canada (Sainte-Foy, 2002).— « Officiers de l’association », le Bull. médical de Québec, 3 (1901–1902) : 451.— Québec, Parl., Doc. de la session, rapport du commissaire de l’Agriculture et de la Colonisation, 1891–1892 ; rapport du commissaire des Travaux publics, puis du commissaire de la Colonisation et des Travaux publics, 1897–1904 ; rapport du secrétaire et registraire de la province de Québec, 1904, 1906.— [P.]-Z. Rhéaume, « Chronique », l’Union médicale du Canada, 36 (1907) : 608.— François Rousseau, la Croix et le Scalpel : histoire des Augustines de l’Hôtel-Dieu de Québec (1639–1989) (2 vol., Sillery [Québec], 1989–1994), 2 : 59–60, 227–228.— Univ. Laval, Annuaire, 1865–1925, 1933–1934.— Arthur Vallée, « Nécrologies–Michel Delphis Brochu 1853–1933 », l’Union médicale du Canada, 62 (1933) : 285–288.— Hubert Wallot, la Danse autour du fou : survol de l’histoire organisationnelle de la prise en charge de la folie au Québec depuis les origines jusqu’à nos jours (1 vol. paru, Beauport [Québec], 1998–    ), 1 : 91–92, 107–110.

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Guy Grenier, « BROCHU, MICHEL-DELPHIS (baptisé Michel-Adolphus) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 22 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/brochu_michel_delphis_16F.html.

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Auteur de l'article:    Guy Grenier
Titre de l'article:    BROCHU, MICHEL-DELPHIS (baptisé Michel-Adolphus)
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2014
Année de la révision:    2014
Date de consultation:    22 déc. 2024