BLACK, JOHN, recorder de Rupert’s Land, né en Écosse, à Édimbourg ou à St Andrews, comté de Fife, le 11 mars 1817, décédé à St Andrews, Écosse, le 3 février 1879.
On connaît peu l’enfance et la jeunesse de John Black. Naturellement très réservé, Black garda le silence sur ses premières années. Il ne se confia même pas à ses intimes. Après ses études primaires, il fut employé pendant sept ans chez un solicitor d’Édimbourg. Il vint à la Rivière-Rouge en 1839, en qualité de greffier préposé à la Cour générale des sessions trimestrielles d’Assiniboia. Ses fonctions comme adjoint d’Adam Thom*, recorder de Rupert’s Land, furent bientôt éclipsées par son activité dans les bureaux de la Hudson’s Bay Company. En 1845, il épousa Margaret, la fille d’Alexander Christie, gouverneur d’Assiniboia, et trois ans plus tard la compagnie le nommait chef de poste.
D’après le gouverneur Eden Colvile*, l’un des successeurs de Christie, Black n’était guère populaire, sinon auprès des autorités religieuses – il était presque un pasteur lui-même, de dire le gouverneur–, et il n’était pas davantage un homme d’affaires remarquable. Il fut tout de même nommé, en 1850, chef comptable du district Upper Red River, avec résidence à Fort Garry (Winnipeg). Le gouverneur ne l’accusait pas moins d’être aussi stupide qu’un hibou. Black était hautain, et le peuple s’en offensait. Colvile, cependant, changea peu à peu d’opinion et nota que Black était moins impopulaire ; l’ayant nommé contre son gré, il continuait néanmoins à lui chercher un remplaçant. Le 21 juillet 1852, Black perdit son poste de chef comptable.
L’hiver suivant, Black et sa famille visitèrent l’Écosse. Ils revinrent à la Rivière-Rouge au printemps. En 1854, après la mort de sa femme, Black décida de quitter la compagnie. Il retourna en Écosse, y séjourna quelque temps, puis se rendit en Australie où il fit carrière dans la fonction publique. De retour en Angleterre, il fut nommé, au printemps de 1861, président de la Cour générale des sessions trimestrielles d’Assiniboia. C’était l’ancien poste de recorder qu’il allait occuper : on n’en avait changé le titre que pour favoriser la nomination de Black, qui n’avait jamais été membre du barreau, bien qu’il possédât une certaine formation juridique. Le 4 juin 1862, le nouveau président était présenté au Conseil d’Assiniboia.
Pendant les huit années qu’il présida le tribunal d’Assiniboia, Black se révéla un juge consciencieux et ne recueillit guère que des louanges. Il était bien préparé à son rôle et il connaissait à fond les gens de la Rivière-Rouge et leurs habitudes. Il faisait preuve d’une patience inlassable en écoutant les plaideurs illettrés. Intègre et compréhensif, Black n’en était pas moins intransigeant : il se préoccupait peu des conséquences et de l’application de ses jugements. Or à une époque où la compagnie voyait son autorité décliner, il était souhaitable que le juge, employé de la compagnie, tînt compte des circonstances nouvelles, car celle-ci ne pouvait plus faire exécuter une sentence impopulaire. À l’été de 1868, Black décida de donner sa démission ; la compagnie, prévoyant la fin de son règne dans la Rivière-Rouge, demanda à Black de conserver ses fonctions pendant une année encore. Il ne devait quitter la colonie qu’en mars 1870.
Entre temps, Black fut témoin de la vive opposition des Métis au projet d’annexion de l’Ouest au Canada. Il y joua même un rôle. Gouverneur suppléant – William Mactavish* était sérieusement malade à ce moment –, Black présidait le Conseil d’Assiniboia, le 23 octobre 1869, quand Louis Riel* y comparut pour expliquer pourquoi des Métis avaient empêché l’entrée dans la Rivière-Rouge de William McDougall*, le lieutenant-gouverneur désigné par le gouvernement canadien. Les lettres signées par Mactavish à ce sujet étaient rédigées par Black. Elles réflétaient bien l’attitude modérée de ce dernier.
Indifférent aux événements, Black continuait à vivre à plusieurs milles du siège du gouvernement et du centre des affaires. Il fut néanmoins secrétaire de l’assemblée publique du 19 janvier 1870, à laquelle se présenta Donald Alexander Smith*, l’envoyé du gouvernement canadien. Il présida de même, du 25 janvier au 10 février de la même année, la convention au cours de laquelle fut rédigée une liste des droits des habitants de Rupert’s Land. Black y représentait sa paroisse de St Andrews et intervint peu pendant toute la convention, si ce n’est les 4 et 5 février, alors que, sur un ton qui montrait son peu de respect pour l’assemblée et ses délibérations, il parla longuement contre la création immédiate d’une province. Même s’il voyait la nécessité de remplacer le gouvernement paternaliste de la compagnie par un gouvernement représentatif, il préconisait un conseil nommé et non pas élu, pour les premières années de l’annexion. Le 11 février, le gouvernement provisoire, mis sur pied par la convention, nomma Black l’un des trois délégués (les deux autres étaient Alfred Henry Scott et Noël-Joseph Ritchot*) auprès du gouvernement canadien, à Ottawa ; il y serait le porte-parole de l’élément anglophone. Il accepta sur les instances de Mgr Alexandre-Antonin Taché*. Les trois délégués emportaient avec eux la version finale de la liste des droits des habitants de Rupert’s Land.
Arrivé seul dans la capitale, après les deux autres délégués, Black fut logé à Russell House, voisin de chambre de D. A. Smith, lequel avait été chargé de l’amadouer par le gouvernement canadien. Ce fut sans résultat, puisque tout au long des discussions, Black maintint la même opinion qu’à la convention et, en général, n’accepta que tacitement les positions prises et les conditions posées par les représentants canadiens. Le 27 avril 1870, on commença la discussion au sujet des terres, et Black fut d’accord pour que le Canada en gardât le contrôle, et trouva extravagant que les habitants de la Rivière-Rouge les réclamassent comme leurs. Par la suite, il jugea raisonnable l’offre faite par les ministres canadiens de 150 000 acres à titre de compensation aux Métis, tandis que les deux autres membres de la délégation visaient à en obtenir trois millions et en recevraient finalement un million et demi.
Les pourparlers finis, Black songea à rentrer à Londres immédiatement. On lui proposa le poste de lieutenant-gouverneur ou celui de recorder du Manitoba, mais il refusa et s’installa définitivement en Écosse à l’été de 1870.
Juge consciencieux, il avait été un « homme d’une très grande intégrité, et en qui la colonie tout entière avait une confiance absolue ». Toutefois, au dire de D. A. Smith, son manque de fermeté, de courage et d’audace, lors des événements de 1869–1870, aurait miné les efforts de ceux qui tentaient de diminuer la portée de la contestation métisse.
Archives paroissiales de Saint-Norbert (Man.), Journal tenu par le Rév. Mons. N.-J. Ritchot, ptre.— HBC Arch. A.6/27, 31 mars 1848 ; A.6/37, 17 avril 1862 ; A.12/45, 11 août, 11 nov. 1868, 23 mars, 24 mars 1869.— Correspondence relative to the recent disturbances in the Red River Settlement (Londres, 1870), passim.— Hargrave, Red River, passim.— HBRS, XVI (Rich et Johnson), 241, 244, 245, 248 ; XIX (Rich, Johnson et Morton), 154, 192, 195, 197, 200, 203, 216.— [Mactavish], Letters of Letitia Margrave (MacLeod), 208.— Manitoba ; birth of a province (Morton), 9–11, 21–23, 30, 34, 42–50, 77, 140–143, 209.— F. E. Bartlett, William Mactavish, the last governor of Assiniboia (thèse de m.a., University of Manitoba, 1964).— Roy St George Stubbs, Four recorders of Rupert’s Land ; a brief survey of the Hudson’s Bay Company courts of Rupert’s Land (Winnipeg, 1967), 135–185.— A.-H. de Trémaudan, Histoire de la nation métisse dans l’Ouest canadien ([Montréal, 1935]), 221.
Lionel Dorge, « BLACK, JOHN (1817-1879) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 25 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/black_john_1817_1879_10F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/black_john_1817_1879_10F.html |
Auteur de l'article: | Lionel Dorge |
Titre de l'article: | BLACK, JOHN (1817-1879) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1972 |
Année de la révision: | 1972 |
Date de consultation: | 25 déc. 2024 |