BASQUET, PIERRE (connu également sous les noms de Peter Basket et de Pierre), capitaine de la bande des Micmacs de la région de la rivière Restigouche ; circa 1841–1852.
D’après la tradition micmaque, Pierre Basquet était un Français qui avait vécu chez les Malécites avant de se joindre aux Micmacs de la région de la rivière Restigouche. Toutefois, en 1852, Moses Henry Perley*, commissaire aux Affaires indiennes du Nouveau-Brunswick, le décrivit comme étant un Malécite de naissance. Apparemment forcé, en raison de quelque frasque, de quitter Tobique, dans la haute vallée de la rivière Saint-Jean, il était arrivé à Restigouche en se présentant seulement sous le nom de Pierre. Comme il pratiquait l’art de la vannerie (basket making), qu’il avait dû apprendre chez les Malécites et qu’il enseigna ensuite aux Micmacs, on le surnomma Basquet. À cause de « sa dextérité, de sa volubilité et de sa disponibilité en tout », il fut bientôt adopté par la bande et y devint un chef de file, exerçant une influence considérable sur les Indiens de la rivière Restigouche et surtout sur leur grand chef, Joseph Malie* (Tkobeitch).
En 1841, Perley faisait une tournée des réserves indiennes du Nouveau-Brunswick en compagnie de deux officiers afin de recueillir des renseignements pour le gouvernement. Un des officiers, le capitaine Henry Dunn O’Halloran, étudiait le micmac et faisait un peu de traduction dans cette langue. Apparemment, il proposa que Malie se rende en Angleterre pour se plaindre des opérations de pêche au saumon faites au filet par les Blancs dans la Restigouche, des empiétements sur les terres micmaques et des changements apportés au mode de distribution de présents aux Indiens de la région, ainsi que pour demander de l’aide afin de construire une nouvelle chapelle pour les Indiens de Restigouche. Nanti de lettres d’introduction préparées par O’Halloran à l’intention de lord Stanley, secrétaire d’État aux Colonies, Malie s’embarqua avec deux de ses capitaines, François Labauve et Pierre Basquet, sur un navire porteur d’une cargaison de bois. Ils arrivèrent à Liverpool en décembre 1841.
Les trois hommes étaient partis pour l’Angleterre sans avoir demandé au préalable l’autorisation du lieutenant-gouverneur, sir William MacBean George Colebrooke*. Les autorités britanniques étaient embarrassées de les voir débarquer à Liverpool, et le maire de cette ville les envoya à Londres à ses frais. Ils y furent accueillis à la gare par un inspecteur de police qui trouva à les loger. Même si une certaine confusion entourait leurs demandes, ils furent reçus cordialement et purent présenter leurs doléances à Stanley en janvier. Ils auraient voulu voir la reine Victoria, mais cela ne leur fut pas permis ; on leur remit plutôt des médailles au nom de celle-ci et on les renvoya chez eux le plus vite possible. Sur le bateau qui les menait de Saint-Jean à Fredericton, Basquet et ses amis furent accusés d’ « abandon à l’intempérance », et le capitaine les poursuivit pour les dommages qu’ils avaient causés à son bateau. Colebrooke, ayant été prévenu de ne pas laisser d’autres Indiens entreprendre des démarches semblables, adressa à O’Halloran une réprimande officielle pour sa participation dans cette affaire.
Quand Malie, Basquet et Labauve rentrèrent à Restigouche, en avril 1842, ils avaient acquis un prestige considérable auprès de la bande à cause de leur voyage. En 1851, Basquet réapparut en Angleterre, où il sema encore plus de confusion que ses amis et lui n’en avaient causé dix ans auparavant. Les autorités du ministère des Colonies croyaient qu’il était venu demander une ordonnance de quo warranto afin qu’un nouveau juge en chef puisse être nommé au Nouveau-Brunswick. Incapables de trouver une explication logique à sa présence, elles supposèrent que Basquet cherchait lui-même à décrocher le poste ou voulait obtenir le pouvoir de nommer un juge en chef pour les Indiens.
Patronné par un officier excentrique, Basquet apparut devant la Haute Cour de la chancellerie vêtu à l’européenne, plusieurs médailles épinglées sur la poitrine et portant autour de la taille une ceinture « à laquelle était suspendue une longue matraque de constable ». On le présenta comme un chef malécite (ce qu’il ne fut jamais) et comme le constable de la nation micmaque qui demandait la nomination d’un juge en chef pour le Nouveau-Brunswick et « une ordonnance de quo warranto en faveur des Indiens ». Comme le tribunal ne pouvait comprendre sa demande, le lord chancelier qui présidait lui demanda de revenir plus tard. Basquet n’y retourna pas, cependant, et le ministère des Colonies insista pour qu’il rentre au Nouveau-Brunswick le plus vite possible. Le lieutenant-gouverneur, sir Edmund Walker Head*, dut ensuite fournir quelques explications au sujet de cette visite des plus inhabituelles. Il consulta Perley qui, dans son rapport du 18 février 1852, décrivit Basquet comme étant « célèbre par [ses] tricheries et [ses] mauvais coups effrontés ». Perley avança que, plutôt qu’une ordonnance de quo warranto, Basquet avait peut-être demandé une « ordonnance de worromontagas », c’est-à-dire, au meilleur de sa connaissance, « une ancienne missive porteuse de pouvoirs extraordinaires » qui habilitait son détenteur « à saisir des biens dans un endroit où ils [n’étaient] pas – à arrêter un homme dans un lieu où il n’a jamais été et, en fait, à faire aisément des choses qu’il lui [était] possible de faire ». Selon Perley, Basquet croyait que, si pareille ordonnance était obtenue, les Indiens pourraient nommer un juge en chef pour le Nouveau-Brunswick.
Pierre Basquet retourna à Restigouche et on n’entendit plus parler de lui. Doué d’une imagination débordante, beau parleur, il exerça une énorme influence sur les Indiens de la région. Qu’il se soit rendu deux fois en Angleterre sans interprète peut confirmer la tradition de la bande, selon laquelle il était blanc. Quoi qu’il en soit, ses visites causèrent un embarras considérable aux autorités britanniques et au lieutenant-gouverneur du Nouveau-Brunswick.
L’auteur aimerait remercier Alphonse Metallic de l’Institut d’éducation culturelle de Restigouche, bande indienne de Restigouche (Restigouche, Québec), pour lui avoir fourni des renseignements sur Pierre Basquet, provenant de la tradition de la bande. [w. a. s.]
APC, MG 24, L6, 2, no 15.— APNB, RG 1, RS345, A1 : 119–120, 271–272, 274–276, 283.— PRO, CO 188/76 : 286–287 ; 188/80 : 295–296, 303, 412–418, 442, 444–447 ; 188/107 : 302–306 ; 188/116 : 55–60 ; 189/16 : 197–199, 268–269.— New-Brunswick Courier, 29 janv. 1842.— St. John Morning News, and General Advertising Newspaper (Saint-Jean, N--B.), 25 avril 1842.
William A. Spray, « BASQUET, PIERRE (Pierre Basket, Peter Basket) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 22 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/basquet_pierre_8F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/basquet_pierre_8F.html |
Auteur de l'article: | William A. Spray |
Titre de l'article: | BASQUET, PIERRE (Pierre Basket, Peter Basket) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1985 |
Année de la révision: | 1985 |
Date de consultation: | 22 déc. 2024 |