PINSONEAULT, PIERRE-ADOLPHE (on écrit parfois Pinsonnault ou Pinsonault, mais il signait Pinsoneault), prêtre, sulpicien et évêque, né le 23 novembre 1815 à Saint-Philippe-de-Laprairie, Bas-Canada, fils de Paul-Théophile Pinsoneault et de Clotilde Raymond, décédé à Montréal le 30 janvier 1883.

Pierre-Adolphe Pinsoneault appartient à une famille à l’aise et influente. Son grand-père maternel, Jean-Baptiste Raymond*, est un marchand prospère de La Tortue (Saint-Mathieu) et son père, en plus de sa profession de notaire, s’occupe de l’administration de seigneuries et de diverses entreprises ; deux de ses oncles, Jean-Moïse Raymond* et Joseph Masson*, occuperont une place importante dans les affaires. Pinsoneault étudie au petit séminaire de Montréal de 1824 à 1835. Attiré par le droit, il opte finalement pour la carrière ecclésiastique et entre au grand séminaire de Montréal. Il poursuit ses études théologiques au séminaire de Saint-Sulpice, à Paris, et est ordonné prêtre, à Issy-les-Moulineaux, près de Paris, le 19 décembre 1840. Professeur au petit séminaire de Montréal de 1841 à 1843, il dessert l’église St Patrick, regroupant les catholiques anglophones de Montréal, de 1843 à 1849. En octobre 1848, le sulpicien prend position en faveur de l’évêque de Montréal, Mgr Ignace Bourget, dans la controverse au sujet de l’établissement d’églises ou de chapelles dans les faubourgs de Montréal. Les sulpiciens s’opposent à une division de la paroisse Notre-Dame, la seule qui existait à l’époque et dont ils étaient les administrateurs. Pinsoneault déclare à Bourget qu’il n’acceptera jamais qu’on défie l’épiscopat canadien, comme la Compagnie de Saint-Sulpice le fait. C’est peut-être pour cette raison qu’il quitte la compagnie en 1849, année où il est promu chanoine de la cathédrale de Montréal, poste qu’il occupera jusqu’en 1856.

Le 3 juin 1854, les prélats de la province ecclésiastique de Québec envoient une pétition au pape Pie IX demandant l’érection de deux nouveaux diocèses dans le Haut-Canada, soit ceux de Hamilton et de London. Chaque diocèse comptait environ 230 000 âmes, la majorité étant cependant protestante. Grâce aux bons offices de l’évêque de Toronto, Armand-François-Marie de Charbonnel*, auprès de qui il avait été délégué temporairement en 1850 afin de mettre de l’ordre dans son secrétariat, Pinsoneault peut écrire en août 1854 qu’il se prépare « plus immédiatement au ministère terrible que la Divine Providence [lui] destine si prochainement ». Sept mois plus tard, il confie à Bourget : « Il [Charbonnel] m’écrit souvent, et je puis vous assurer qu’il est beaucoup plus impatient que moi de voir terminer les affaires actuellement pendantes à Rome. » Il est clair que Pinsoneault est le candidat de Charbonnel pour l’évêché de London et que ce choix rencontre l’approbation de Bourget. Ce n’est toutefois que le 21 février 1856 que Rome rend public le décret d’érection du diocèse de London, dont le territoire, retranché du diocèse de Toronto, recouvre les comtés de Middlesex, Lambton, Elgin, Kent, Essex, Huron, Perth, Oxford et Norfolk. London devient la ville épiscopale, et le titulaire, suffragant de l’archevêque de Québec. Le 18 mai 1856, Pinsoneault reçoit la consécration épiscopale des mains de Charbonnel, assisté de deux autres évêques.

Plus d’un mois avant le sacre de Pinsoneault, un épineux problème s’était présenté. L’abbé Thaddeus T. Kirwan, curé de London, appuyé d’un certain nombre de ses paroissiens, s’opposait à la venue du nouvel évêque de langue française, à la prise de possession de son église comme cathédrale et au remplacement des Religieuses de l’institut de la Bienheureuse Vierge Marie par les Sœurs de la Charité de la Providence de Montréal (Sœurs de la Providence), mesure souhaitée par Pinsoneault. Tout en jurant de ne pas quitter Montréal avant que la difficulté ne soit réglée, Pinsoneault affirmait que la communauté de London « devait se soumettre comme des enfants obéissants » sous peine d’être privée des services de l’Église. Il envisageait même la possibilité d’« excommunier » London. En dépit de cette opposition, il prend possession de son siège le 29 juin 1856. À la suite de nombreuses menaces de la part de l’évêque, l’abbé Kirwan se verra nommé curé de Port Sarnia (Sarnia) à l’automne de 1856, après avoir reçu de l’évêque la somme de 1800 écus. Selon Pinsoneault, on pouvait satisfaire aux griefs de Kirwan en « l’achetant », ce qui fut bel et bien le cas. Quoique les sources ne permettent pas de déterminer avec certitude qui avait raison dans ce conflit, les jugements de Mgr Pinsoneault sont très sévères à l’égard de Kirwan ; il l’accuse même d’avoir vendu certaines terres appartenant à l’église de London sans l’autorisation de l’évêque. Pinsoneault tient Charbonnel, en Europe depuis juillet 1856, responsable du cas Kirwan et l’accuse d’incurie au sujet de l’arrivée du nouvel évêque à London.

Pinsoneault se montre aussi sévère à l’égard des prêtres de son diocèse. En mars 1857, dans une lettre à Mgr Joseph La Rocque, administrateur du diocèse de Saint-Hyacinthe, il souligne que leur « cupidité [...] est horrible » et déclare que ceux qui refuseraient de se soumettre à ses nouvelles directives « iront tondre d’autres brebis que les [s]iennes ». Déçu de la qualité de ses clercs, il a la ferme intention de ne jamais leur permettre « le privilège de s’imposer ou de badiner avec [lui] dans l’exécution de [ses] fonctions officielles ». Il doit également s’occuper des griefs des Irlandais catholiques qui dénoncent régulièrement dans les journaux « l’influence française » et « l’évêque canadien-français de London ».

Au début de janvier 1858, Pinsoneault quitte sa ville épiscopale et se fixe à Sandwich (Windsor), d’où il demande à ses supérieurs ecclésiastiques à Québec, le 25 janvier, la translation du siège épiscopal de London à Sandwich. L’évêque justifie sa demande en s’appuyant sur le fait que London ne compte plus que 800 communiants ; il n’y a même pas suffisamment de travail pour occuper un seul prêtre, la paroisse n’ayant célébré que 20 mariages et 140 baptêmes en 1857. De plus, une dette de $10 000 pèse sur la cathédrale St Peter de London, petite paroisse qui doit aussi payer les $3 000 qu’il en coûte pour faire vivre l’évêque. Pinsoneault affirme que l’érection d’un siège épiscopal à London a été une erreur. Bien que Jean-Charles Prince*, évêque de Saint-Hyacinthe, dénonce vertement cette lettre du 25 janvier, Pinsoneault, fort de l’appui de la grande majorité des évêques, demande à Rome, au cours de l’été de 1858, de transférer officiellement le siège de l’évêché. Il souligne qu’à Sandwich se trouvent la plus belle église du diocèse, un nombre suffisant de clercs, rattachés à l’Assumption College, pour assurer les services religieux dignes d’un évêché, et la concentration la plus importante de fidèles. Le 2 février 1859, le préfet de la Sacrée Congrégation de la Propagande publie le décret de translation du siège épiscopal. Pinsoneault, qui a appuyé sa demande d’un voyage à Rome, débarque à Québec le 30 mai 1859 après une absence de plus de sept mois.

Une autre querelle avec un des prêtres de son diocèse allait assombrir la carrière épiscopale de Pinsoneault et être une des causes de sa démission en 1866. Déjà, alors qu’il était à London, Pinsoneault avait eu maille à partir avec Jean Daudet, prêtre originaire de France qui était curé d’Amherstburg. En 1862, il demande la démission de ce dernier, à cause de ses « infirmités physiques et morales ». Il lui reproche de ne plus réciter le bréviaire, de passer des mois entiers sans se confesser, de ne pas dire la messe sur semaine, de s’enivrer fréquemment, de l’avoir accusé de virement de fonds et de répandre le scandale. Au mois de septembre, il lui retire tout pouvoir et le remplace par l’abbé Joseph Zoëgal, qui, selon Daudet, était à la source des accusations contre lui. Des paroissiens protestent contre cette façon de faire en envahissant le presbytère, mais Pinsoneault revient à la charge en faisant lire en chaire la déposition de Daudet et en privant des sacrements les paroissiens rebelles.

Le prêtre exilé élit domicile au St Michael’s College de Toronto. Pinsoneault avertit John Joseph Lynch, évêque du lieu, que Daudet est « un homme malicieux et fourbe », tandis que son vicaire général Jean-Marie Bruyère endosse le geste de son évêque. En décembre 1862, suivant le conseil de Bourget, Daudet en appelle de la décision de son évêque à son métropolitain, l’archevêque Charles-François Baillargeon*, du diocèse de Québec, qui à son tour décide de renvoyer la cause à Rome. La question est délicate : Bourget déclare au cardinal Alessandro Barnabo que Daudet lui a donné pleine satisfaction pendant plusieurs années de ministère à Montréal ; par ailleurs, l’évêque administrateur de Detroit invite Daudet à résider dans son évêché. Rome répond en nommant Baillargeon commissaire du Saint-Siège pour régler la cause. Ce dernier mène son enquête d’avril à octobre 1863 et, ayant entendu les deux parties en cause, il se prononce le 28 octobre 1863 en faveur de Daudet. Pinsoneault décide d’en appeler à Rome sur-le-champ. Il suggère au préfet de la Sacrée Congrégation de la Propagande la création d’une commission d’enquête et il s’engage à accepter comme finale la décision de la commission. Le 31 janvier 1864, Pie IX émet un décret instituant une commission composée de Bourget, de Montréal, de Joseph-Bruno Guigues*, d’Ottawa, et d’Edward John Horan*, de Kingston. L’enquête est tenue à Kingston les 14, 15 et 16 juillet 1864. Après avoir entendu divers témoins, les commissaires jugent que les accusations contre Daudet sont sans fondement et que l’on doit réintégrer l’exilé dans sa paroisse, sans pour autant le soustraire à l’autorité de son évêque. L’affaire n’est pourtant pas terminée. Daudet continue de se plaindre de l’attitude de son évêque à son égard. Le 2 novembre 1864, Pinsoneault nomme Daudet à la paroisse Immaculée-Conception, de Paincourt, le relevant donc de ses fonctions à Amherstburg. Le curé refuse de quitter le presbytère même si, le 3 décembre, l’évêque a nommé un nouveau titulaire. Il en appelle au Saint-Siège contre la décision de son évêque, en plus d’écrire à tous les évêques du Canada et de faire signer une pétition dénonçant la tyrannie de son évêque. Finalement, en février 1865, Rome ordonne à Daudet d’obéir à Pinsoneault ou de quitter le diocèse. Le prêtre choisit cette dernière solution.

Daudet n’est cependant pas le seul à se plaindre de Pinsoneault. À compter de décembre 1864, d’autres prêtres de son diocèse suivent l’exemple du curé d’Amherstburg et en appellent à Rome pour diverses raisons : Kirwan, parce qu’il a été relevé de sa cure de Port Sarnia à l’été de 1864 pour s’être « affranchi de tout contrôle épiscopal » ; le curé de Strathroy, suspendu et relevé de ses fonctions en octobre de la même année après avoir été dénoncé par plusieurs « femelles respectables » et avoir refusé d’en discuter avec son évêque ; le curé d’Irishtown (St Columban), également suspendu pour avoir traîné Pinsoneault en justice au sujet du remboursement d’un prêt que ce dernier lui refusait. L’évêque était également entré en conflit avec plusieurs communautés religieuses depuis son arrivée à London. En 1859, les jésuites avaient quitté l’Assumption College, qu’ils avaient bâti à Sandwich, à la suite de démêlés avec Pinsoneault sur des questions administratives. Leurs successeurs, les bénédictins venus de la St Vincent’s Abbey, dans le diocèse de Pittsburgh, n’avaient pas échappé eux aussi aux vexations de l’évêque qui, en 1862, avait demandé le renvoi du supérieur du collège. La communauté quitte Sandwich à l’été de 1863, faute de pouvoir « se procurer les professeurs anglais et français indispensables pour les besoins de l’éducation dans ce Diocèse ». Les Sœurs de la Charité de l’Hôpital Général de Montréal (Sœurs grises), établies dans la péninsule d’Essex depuis 1857, auront aussi des démêlés avec Pinsoneault. En 1861, une querelle éclate entre ce dernier et la maison mère de Montréal. L’évêque veut avoir un mot à dire dans la gouverne de la communauté locale et il cherche à la constituer en maison indépendante de celle de Montréal. La supérieure générale à Montréal, que Pinsoneault juge dictatrice et intraitable, s’oppose et, à l’automne de 1861, elle rappelle les sœurs à Montréal. L’évêque se plaint d’avoir la réputation d’un « destructeur de communautés » mais, dans les faits, celles qui réussissent à éviter ses foudres font exception.

Avec les années, Pinsoneault se met à dos une bonne partie du clergé. Il méprise Charbonnel et se dispute de temps à autre avec certains évêques du Bas-Canada. Quoiqu’il accuse plusieurs de ses prêtres de cupidité et de laxisme, il se permet de voyager souvent pour son agrément, allant passer les hivers à Cuba, en Europe ou ailleurs. Il abuse aussi de ses pouvoirs de frapper des individus, clercs ou laïcs, et des paroisses d’interdit ou d’excommunication. Au cours de l’hiver de 1864–1865, à l’occasion d’un voyage de Bourget à Rome, le Saint-Siège charge ce dernier de demander à l’évêque de Sandwich d’offrir sa démission. Bourget attend une année complète avant de s’acquitter de cette tâche délicate et ne rencontre Pinsoneault qu’à l’été de 1866. Il lui conseille alors de démissionner « pour mettre fin aux divisions qui règnent dans [son] diocèse ». Le 17 août, Bourget réitère son conseil, avertissant Pinsoneault « que les accusations incessantes qui se portent à Rome contre [son] administration » ne peuvent que conduire à une enquête canonique, dont les conséquences pourraient être désastreuses pour lui si les charges s’avéraient fondées. Le 23 août, Pinsoneault répond qu’il accepte et il soumet sa lettre de démission le 9 septembre 1866. Il y invoque des motifs de santé (il souffrait d’une surdité croissante) et les besoins de sang neuf dans le diocèse. En novembre 1867, John Walsh* sera sacré évêque de Sandwich.

Pendant ses dix années d’épiscopat, à London et à Sandwich, Pinsoneault avait fait venir plusieurs communautés religieuses dans son diocèse, tout en se querellant avec la plupart d’entre elles. Il avait cherché à stabiliser les finances du diocèse en instituant diverses taxes, loyers et quêtes diocésaines. Après son départ, l’administrateur du diocèse, l’abbé Bruyère, devait toutefois constater l’état déplorable des finances diocésaines : les dépenses étaient quatre fois supérieures aux recettes. Nul doute que cette situation avait aussi contribué à la destitution de Pinsoneault.

Transféré au siège de Birtha, le 26 novembre 1866, Pinsoneault élit domicile à Albany, New York, jusqu’en 1869, année où il revient à Montréal. Auprès de son chef ultramontain, Bourget, il s’acquitte de plusieurs tâches exigeant la présence d’un évêque. Il préside des cérémonies et exerce les fonctions d’évêque auxiliaire. Il se porte à la défense de l’idéologie ultramontaine en publiant le Dernier Chant du cygne sur le tumulus du gallicanisme ; réponse à monseigneur Dupanloup (Montréal, 1870). Il pourfend les apôtres du libéralisme dans ses Lettres à un député (1874), et contribue à la rédaction de journaux ultramontains, tel le Franc-Parleur.

Mgr Pinsoneault meurt à Montréal le 30 janvier 1883, à l’âge de 67 ans. Ses manières autoritaires et son peu d’égards envers les autres avaient voué à l’échec son épiscopat.

J. E. Robert Choquette

Pierre-Adolphe Pinsoneault est l’auteur de : le Dernier Chant du cygne sur le tumulus du gallicanisme ; réponse à monseigneur Dupanloup (Montréal, 1870) et de Lettres à un député (Montréal, 1874).

ACAM, 255.113, 856–9, 858–2, 862–4, 864–25, –28, –31, –32, –33, –36, –39, –41 ; 465.101, 848–3, –4 ; 901.085, 850–1, 854–1, 855–1 ; RLB, 12 : 658 ; 14 : 491 ; 15 : 229–231, 242, 256–258, 403–405.— Arch. of the Diocese of London (London, Ontario), Letterbooks, 1–6 (1856–1866) ; Register of official docs., 1856–1859 : 1–19.— Allaite, Dictionnaire, I : 436.— Beaulieu et J. Hamelin, La presse québécoise, I : 113.— Gérard Brassard, Armorial des évêques du Canada [...] (Montréal, 1940).— Dominion annual register, 1883.— Cyprien Tanguay, Répertoire général du clergé canadien par ordre chronologique depuis la fondation de la colonie jusqu’à nos jours (Québec, 1868).— The city and diocese of London, Ontario, Canada : an historical sketch [...], J. F. Coffey, compil. (London, 1885).— N. F. Eid, Le clergé et le pouvoir politique au Québec : une analyse de l’idéologie ultramontaine au milieu du XIXe siècle (Montréal, 1978).— J. K. A. Farrell [O’Farrell], « The history of the Roman Catholic Church in London, Ontario, 1826–1931 » (thèse de m.a., Univ. of Western Ontario, London, 1949).— The township of Sandwich (past and present) [...], Frederick Neal, compil. (Windsor, Ontario, 1909).

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J. E. Robert Choquette, « PINSONEAULT (Pinsonnault, Pinsonault), PIERRE-ADOLPHE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 21 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/pinsoneault_pierre_adolphe_11F.html.

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Auteur de l'article:    J. E. Robert Choquette
Titre de l'article:    PINSONEAULT (Pinsonnault, Pinsonault), PIERRE-ADOLPHE
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1982
Année de la révision:    1982
Date de consultation:    21 déc. 2024