NOUVEL, HENRI, prêtre, jésuite, missionnaire, né à Pézenas (Hérault) en 1621 ou 1624, décédé probablement à la baie des Puants (Green Bay, Wis.) entre le 8 octobre 1701 et le 28 octobre 1702.
Henri Nouvel entra au noviciat de Toulouse le 28 août 1648, et arriva en Nouvelle-France le 4 août 1662. Il passa la première année à Québec, semble-t-il, à étudier les langues amérindiennes. Le Journal des Jésuites ne signale aucun sermon ou ministère particulier du père Nouvel auprès des Blancs, à cette époque.
Ce jésuite se rendit célèbre par ses voyages aux pays des Montagnais et des Papinachois, sur la côte nord, où il passa plusieurs années. Il nous a laissé le récit complet de son premier voyage. Parti de Québec le 19 novembre 1663, accompagné de Charles Amiot*, Nouvel se rendit à l’île Verte, où l’attendaient 60 Montagnais et Papinachois. Le 8 décembre, ils arrivèrent à l’île Saint-Barnabé. Ce n’est que le 21, après s’être assurés que les Iroquois n’étaient plus dans les parages, qu’ils se dirigèrent à l’intérieur des terres, en remontant jusqu’à sa source la rivière Rimouski, déjà gelée. Ils passèrent les fêtes de Noël près d’un grand lac, difficile à identifier ; il est possible que ce soit le lac à la Truite ou le lac Ferré ou bien le lac Macpè. Le 5 janvier 1664, ils quittèrent ce gîte pour aller chercher de quoi vivre dans un poste plus favorable. Ils ne commencèrent à redescendre vers le Saint-Laurent que le 27 février, et ne l’atteignirent qu’en mars. Les voyageurs passèrent la quinzaine de Pâques sur l’Île-aux-Basques. « Elle porte le nom de l’Isle-aux-Basques, écrit le père Nouvel, à raison de la pesche de Baleines que les Basques y faisaient autrefois [...] on voit encore tout auprès de grandes costes de Baleines qu’ils y ont tuées ».
Le 21 avril, Nouvel commença la seconde partie de son voyage. Il accompagna les Papinachois sur la côte nord du Saint-Laurent, et son voyage fut des plus difficiles : « Nous fismes un portage d’un jour entier que nous employasmes tantost à grimper des montagnes, tantost à percer des bois où nous avions de la peine à passer, estant tous chargez autant que nous pouvions l’estre ». Ils arrivèrent à la rivière Manikouaganistikou (Manicouagan) « que les Français appèlent la rivière noire à cause de sa profondeur », et c’est là, vis-à-vis d’une grande montagne, qu’il célébra « le premier sacrifice qui a esté offert en ce pays-là ou jamais Européen n’avait paru ». Le 9 juin, il arriva au lac Manicouagan qu’il baptisa lac Saint-Barnabé. Le 23 juin, ce fut le retour : « Dans 4 jours, tant la rivière est rapide, nous sommes heureusement arrivez au bord du grand fleuve où nous estions bien attendu par les François et la Papinachois. Enfin deux jours et deux nuits d’un bon nord-est nous ont rendus à Kébec ».
Ce voyage de sept mois est un véritable exploit, surtout si l’on tient compte du fait que le père Nouvel, d’origine méridionale, était mal préparé à subir les variations d’un climat qui va de l’extrême froid de l’hiver à l’extrême chaleur de l’été. Ses compagnons l’avaient d’abord exclu du voyage au lac Manicouagan, sous prétexte des fatigues et des dangers qu’il comportait. Mais il insista et il plaida si bien sa cause qu’il fut accepté. Il prit sa large part de la besogne. Avant de revenir, il recueillit des renseignements sur des nations plus nordiques qu’il faudrait un jour évangéliser. Il ne regretta rien. Bien au contraire, il remercia son supérieur de l’avoir désigné pour cette mission : « Il me semble que je n’ay jamais connu Dieu que dans les épaisses forests du Canada, où toutes les véritez éternelles que j’avois méditées ailleurs m’ont paru dans un jour tout extraordinaire ». Venant quelquefois à Québec, Nouvel resta jusqu’en 1669 dans ce territoire. L’événement le plus important fut sans doute la visite que fit Mgr de Laval à Tadoussac en 1668. L’évêque y fut reçu avec éclat, visita les malades, les capitaines et administra le sacrement de confirmation à quelque 150 néophytes préparés par le père Nouvel.
En 1669–1670, le père Nouvel était au collège de Québec. Durant l’été de 1671, le registre paroissial indique son passage à Boucherville. Il était alors en route pour les missions outaouaises des Grands Lacs. Il allait consacrer les 30 dernières années de sa vie à ces missions. Il en fut le supérieur de 1672 à 1681 et de 1688 à 1695. Il eut alors sous sa direction toute une équipe de missionnaires remarquables, les pères Jacques Marquette*, Claude Allouez*, Claude Dablon*, Claude Aveneau, Étienne de Carheil, entre autres. Cet apostolat était beaucoup plus difficile que celui des Montagnais ; les Outaouais étaient bien moins disposés à la foi, ils étaient divisés entre eux et ils subissaient l’influence des Anglais et des Iroquois. La Relation de 1672 décrit les premiers voyages du père Nouvel dans son nouveau territoire apostolique. Parti de Sault-Sainte-Marie le 31 octobre 1671, il parcourut en six mois les missions du nord du lac Huron jusqu’à Nipissing, soit plus de 600 lieues. Une fois supérieur, il continua de suivre les Indiens pendant l’hiver comme autrefois dans la région de Tadoussac, et il fut toujours observateur attentif des beautés et des richesses de la nature. En sa qualité de supérieur, il adressa une lettre au gouverneur de Frontenac [Buade*] le 29 mai 1673 ; il y fit l’éloge de ses Indiens et attira l’attention du gouverneur sur les efforts du transfuge Médard Chouart* Des Groseilliers pour semer la division parmi les alliés des Français et les détacher de ces derniers. De plus, c’est lui qui reçut à la mission de Saint-Ignace, en 1677, les restes du père Marquette qu’on avait enterrés deux ans plus tôt à l’endroit de sa mort, près de l’actuel Ludington, Michigan.
Pendant la seconde administration du père Nouvel, en 1694, Cadillac [Laumet], l’ami et le protégé de Frontenac, était nommé commandant au fort de Michillimakinac, centre des missions outaouaises. Bien que le commandant n’eût pas les mêmes conceptions que les missionnaires sur la façon de se comporter avec les Indiens, tout alla pour le mieux dans les premiers temps. Protéger le fort contre les incursions des Anglais et des maraudeurs iroquois, garder la sympathie des Indiens alliés, tels étaient les grands soucis de Cadillac. Un jour, il demanda aux Outaouais de tenter un coup de main contre les Iroquois. Ils revinrent triomphants et offrirent au commandant environ 30 scalps ; le capitaine demanda à Cadillac de régaler d’eau-de-vie ses valeureux guerriers. Cadillac acquiesça à cette demande. Non contents de cela, les Indiens se procurèrent de l’eau-de-vie chez d’autres Français, et la fête se poursuivit bruyante toute la nuit. Au dire de Cadillac, tout s’était déroulé dans l’ordre. Mais les missionnaires furent d’un autre avis. En termes non équivoques, le père de Carheil reprocha à Cadillac d’avoir désobéi au roi et compromis le résultat du travail apostolique. Le père Pierre-François Pinet y alla de deux sermons, que Cadillac regarda comme injurieux à sa personne et à l’autorité dont il était revêtu ; il exigea réparation. Pour le bien de la paix ou par conviction que son inférieur avait outrepassé les justes limites, le père Nouvel présenta des excuses à Cadillac. Après 1695, il devint simple missionnaire et s’occupa avec son zèle accoutumé des postes qui lui furent assignés.
Le père Nouvel, un grand missionnaire, donna 40 années de sa vie au Canada. Les pages de son journal qu’ont conservées les Relations révèlent un homme d’un courage et d’une sérénité que rien n’abat, et d’un esprit surnaturel remarquable. Il écrivait en 1676 : « O vocation apostolique à ces chères missions que tu es précieuse ! parmi tes peines et tes fatigues, que tu caches de trésors ». Il fut missionnaire jusqu’à la fin. En effet, l’incertitude qui a pu exister autrefois sur le lieu et la date de sa mort ne semble plus avoir sa raison d’être aujourd’hui. Margry a publié une lettre adressée par le père Jean Mermet à Cadillac et datée de Michillimakinac, le 8 octobre 1701. On y lit que le père Jean-Baptiste Chardon s’est embarqué pour la baie des Puants afin de porter secours au père Nouvel « chargé de plus de quatre-vingts ans et de plusieurs incommodités ». En outre, dans une lettre qu’il adresse de Québec au général des Jésuites, le 28 octobre 1702, le père François de Crespieul déplore la mort récente du père Nouvel. Celui-ci est donc décédé entre le 8 octobre 1701 et le 28 octobre 1702. Jusqu’à preuve du contraire, il est permis et même normal de penser qu’il est mort dans sa mission de la baie des Puants.
ASJCF, D–7, Crespieul, 6.— Découvertes et établissements des Français (Margry), V.— JR (Thwaites), XLVIII, XLIX, LVI, LVII, LX.— NYCD (O’Callaghan et Fernow), passim.— Relations inédites (2 vol., Félix Martin, édit., Paris, 1861),I : 343 ; II : 126.— George Paré, The Catholic Church in Detroit, 1701–1888 (Detroit, 1951), passim.— Rochemonteix, Les Jésuites et la N.-F. au XVIIe siècle, III : 480ss.
Léon Pouliot, s.j., « NOUVEL, HENRI », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 5 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/nouvel_henri_2F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/nouvel_henri_2F.html |
Auteur de l'article: | Léon Pouliot, s.j. |
Titre de l'article: | NOUVEL, HENRI |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1969 |
Année de la révision: | 1991 |
Date de consultation: | 5 nov. 2024 |