Préparation militaire du Canada pendant la Première Guerre mondiale
Le gouvernement de sir Robert Laird Borden n’était pas préparé pour Première Guerre mondiale, et le pays non plus. Le seul membre du cabinet qui possédait une certaine expérience militaire, plus ou moins heureuse, était Samuel Hughes, le ministre de la Milice et de la Défense. Les principaux ministères de la fonction publique, Finances, Justice, Commerce et Travail, comptaient chacun encore moins de 100 employés en mars 1915. Des armes légères – le fusil Ross – étaient fabriquées au Canada, mais il n’y avait pas d’installations ni de main-d’œuvre pour produire des armements lourds. Un livre de guerre annoncé en grande pompe et rapidement mis en application faisait à peine allusion à ce que le gouvernement devait faire en temps de guerre. Toutefois, dès le dimanche 9 août, les principaux arrêtés en conseil avaient été promulgués et une session parlementaire débuta deux semaines après le début des hostilités. On adopta rapidement des lois pour protéger les institutions financières du pays et l’on augmenta les tarifs douaniers sur certains articles de consommation très demandés. Le projet de loi sur les mesures de guerre, qui donnait au gouvernement des pouvoirs de coercition exceptionnels sur les Canadiens, passa à la hâte les trois lectures. Enfin, on créa le Fonds patriotique canadien pour assister les familles de soldats. Avec le soutien entier de l’opposition libérale dirigée par sir Wilfrid Laurier, on put mettre en place la législation de guerre en seulement cinq jours.
Le cabinet autorisa la formation d’un corps expéditionnaire le 6 août 1914. Hughes lança alors, dans tout le pays, des ordres contraires aux plans de mobilisation dressés par son chef d’état-major, Willoughby Garnons Gwatkin. Au lieu d’ordonner aux hommes de se rapporter à la base d’instruction de Petawawa, en Ontario, il les convoqua à un endroit qui n’était pas prêt à les recevoir, Valcartier, près de Québec. En moins de trois semaines, ses entrepreneurs, sous la direction de William Price, y mirent sur pied un camp immense dont il confia le commandement à son propre frère, John. À la fin de septembre, dans un désordre encore plus grand, l’embarquement de la 1re division du Corps expéditionnaire canadien commença. Il y avait plusieurs milliers de soldats de plus que n’étaient censés en accueillir les navires de transport de troupes que l’on avait rassemblées en toute hâte à Québec. Cette division débarqua en Angleterre le 15 octobre.
Le 7 octobre, à New York, en se rendant en Angleterre pour discuter avec le commandant de la division, le lieutenant-général Edwin Alfred Hervey Alderson, Hughes avait annoncé que le Canada « pourrait envoyer assez d’hommes pour donner le coup de grâce à l’Allemagne sans l’aide de l’Angleterre ni de la France ».
Les hommes de la 1re division passeraient des mois dans la plaine de Salisbury en hiver à apprendre les rudiments de la guerre. Alderson les trouva mal équipés, mal entraînés, et encadrés par des officiers médiocres. Pendant quelques mois froids et pluvieux d’entraînement dans la plaine de Salisbury, il fit son possible pour arranger les choses : il congédia quelques-uns des officiers choisis par Hughes et remplaça, par de l’équipement britannique, l’équipement de fabrication canadienne qui était inutile. Au sein du gouvernement et au pays, on craignait dans le même temps que les Canadiens n’arrivent pas au front à temps : beaucoup prévoyaient que la guerre serait terminée à Noël.