STUART, CHARLES, soldat, magistrat et auteur, né en 1783 à la Jamaïque, de parents écossais, décédé le 26 mai 1865 dans la baie de Lora, canton de Collingwood, Haut-Canada.

Charles Stuart fréquenta l’école à Belfast, en Irlande, et il obtint un brevet d’officier dans l’East India Company à l’âge de 18 ans. Promu au rang de capitaine du 1er bataillon du 27e régiment, il donna sa démission en 1815, vraisemblablement parce que ses supérieurs s’inquiétaient de son attitude intransigeante relativement à un grand nombre de questions d’ordre social ou militaire. Les croyances religieuses de ses parents -des presbytériens qui adhéraient aux doctrines calvinistes les plus rigides – avaient profondément marqué son caractère.

À la recherche d’une vie nouvelle, Stuart arriva dans le Haut-Canada en 1817 et s’établit à Amherstburg. Il correspondit régulièrement avec le lieutenant-gouverneur sir Peregrine Maitland*, à qui il offrit des conseils sur les moyens de mieux administrer la province, et il exprima le désir de recevoir les ordres dans l’Église d’Angleterre. À l’automne de 1819, cependant, il se trouvait en Angleterre où il fit paraître The emigrant’s guide to Upper Canada [...], une œuvre où se mêlaient curieusement la géographie, la politique et les sermons moralisateurs, et dont Edward Allen Talbot* disait qu’elle aurait dû être intitulée « Guide du pèlerin de la Cité céleste ». Talbot estimait que l’ouvrage fournissait quelques renseignements utiles sur le Haut-Canada, mais qu’il contenait également « un mélange confus de théologie polémique, de boniments geignards et de grandiloquence fastidieuse ». De retour à Amherstburg en 1820, Stuart redoubla d’efforts pour relever la vie morale de la colonie en se servant du poste de magistrat qu’il venait d’obtenir. Ses excentricités religieuses et sa propension à se mêler des affaires d’autrui le menèrent à de violentes querelles avec les officiers de la garnison du fort Malden sur la question de savoir dans quelle mesure sa propre juridiction s’étendait aux soldats accusés de délits civils. Le calme ne fut rétabli que lorsqu’il résigna ses fonctions de magistrat en 1821.

Stuart trouva enfin l’occasion de déverser son zèle religieux et humanitaire en s’occupant des réfugiés noirs qui commençaient à arriver dans la région en provenance des États-Unis. Il fonda une petite colonie de Noirs près d’Amherstburg et il aida les réfugiés à s’établir sur des fermes ; le médecin britannique John Jeremiah Bigsby* le décrit comme « un chrétien actif [...] menant à bonne fin une guerre contre l’esclavage des Noirs aux États-Unis ». En 1822, il releva un nouveau défi alors qu’il devint directeur de l’Utica Academy dans l’état de New York. C’est là qu’il se lia d’amitié pour le reste de sa vie avec Théodore Dwight Weld, âgé de 15 ans à l’époque, qui allait devenir l’une des principales figures du mouvement antiesclavagiste. À la fin des années 20, ils se convertirent tous deux à la doctrine du revivaliste Charles Grandison Finney ; ils se joignirent à son groupe, la « Holy Band », et parcoururent le pays en prêchant et en incitant les gens à la dévotion. En 1829, Stuart retourna en Angleterre et il devint agent et auteur de brochures pour le compte d’une société de plus en plus importante, l’Anti-Slavery Society of the United Kingdom ; il ne cessa pas de prononcer des conférences et il rédigea des brochures antiesclavagistes qui sont parmi les meilleures de cette époque. Les abolitionnistes anglais le considéraient comme « un intransigeant et persévérant ami de la cause ». Stuart attaqua dans ses écrits l’American Colonization Society qui favorisait l’établissement des fugitifs noirs sur la côte ouest de l’Afrique et il proposa comme solution de remplacement la colonie de Wilberforce, près de London, dans le Haut-Canada. Il priait instamment les Noirs qui quittaient les États-Unis de venir chercher refuge au Canada.

Par ses écrits, Stuart contribua à l’essor du mouvement antiesclavagiste aux États-Unis dans les années 20 et au début des années 30, et il se rendit dans ce pays en 1834 pour travailler de nouveau avec Weld. Au cours de ses tournées de conférences dans les états du Vermont, de New York et de l’Ohio, il fut plusieurs fois violemment pris à partie par la foule. En 1837, il retourna en Angleterre où son séjour se prolongea durant 13 années, à l’exception des voyages qu’il fit aux Antilles pour constater les résultats par suite de l’émancipation obtenue en 1833, grâce au mouvement antiesclavagiste. Stuart continua d’être actif dans les cercles abolitionnistes et, en 1846 et 1847, il contribua aux efforts accomplis en vue de soulager les victimes de la famine qui sévissait en Irlande. En 1840, il avait été nommé membre honoraire à vie de la British and Foreign Anti-Slavery Society ; du rang de capitaine à la retraite, il fut promu à celui de major également à la retraite, et sa pension annuelle de $800 fut augmentée.

De retour au Canada en 1850, il aida à fonder l’Anti-Slavery Society of Canada à Toronto, en février 1851 ; il fut le premier secrétaire correspondant de la société, à laquelle il put rendre des services grâce aux relations qu’il avait avec des abolitionnistes, tels John Scoble en Angleterre et Lewis Tappan aux États-Unis. Toutefois, il n’occupa ce poste que durant une année, puis il prit une demi-retraite à la baie de Lora, dans le canton de Collingwood, en compagnie d’une parente éloignée qu’il venait d’épouser. Pendant la décennie suivante, il assista à quelques assemblées abolitionnistes aux États-Unis et, en 1855 et 1858, il rencontra John Brown qui dirigea l’attaque des abolitionnistes contre Harper’s Ferry, dans l’état de Virginie, en 1859. Cependant, il se consacrait de plus en plus au mouvement de tempérance et aux activités religieuses de son village, près de Thornbury, dans le Haut-Canada. À la fin des années 1850, il mit un terme aux efforts qu’il menait en tant qu’abolitionniste international, tout en continuant de correspondre avec les animateurs du mouvement.

Durant la première moitié du xixe siècle, un courant de sympathie pour les causes humanitaires se manifesta dans les pays anglophones ; contre toute attente, compte tenu du travail auquel les astreignait leur vie de pionniers, les habitants du Haut-Canada participèrent également à ce mouvement. Leur enthousiasme fut assez souvent canalisé dans des sociétés visant à aider les esclaves fugitifs et les autres immigrants de race noire. Puisant leur inspiration dans les écrits et les discours des abolitionnistes américains et britanniques, ces sociétés canadiennes s’inscrivaient dans un mouvement international d’humanitarisme dont Charles Stuart fut un partisan infatigable.

Donald G. Simpson

Charles Stuart est l’auteur de The emigrant’s guide to Upper Canada ; or, sketches of the present state of that province, collected from a residence therein during the years 1817, 1818, 1819, interspersed with reflections (Londres, 1820) ; Is slavery defensible from Scripture ? To the Rev. Dr. Hincks, Killileagh (Belfast, 1831) ; Remarks on the colony of Liberia and the American Colonization Society, with some account of the settlement of coloured people at Wilberforce, Upper Canada (Londres, 1832) ; et The West India question [...] (Londres, 1832 ; réimpr., New Haven, Conn., 1833).

William L. Clements Library, University of Michigan (Ann Arbor), Weld-Grimké papers.— J. J. Bigsby, The shoe and canoe, or, pictures of travel in the Canadas [...] with facts and opinions on emigration, state policy, and other points of public interest (2 vol., Londres, 1850), I : 263–266.— Letters of Theodore Dwight Weld, Angelina Grimké Weld and Sarah Grimké, 1822–1844, G. H. Barnes et D. L. Dumond, édit. (2 vol., New York, 1934 ; réimpr., Gloucester, Mass., 1965), II : 589.— Globe, 9 juin 1865.— D. G. Simpson, Negroes in Ontario from early times to 1870 (2 vol., thèse de ph.d., University of Western Ontario, London, 1971).— Fred Landon, Captain Charles Stuart, abolitionist, Western Ontario History Nuggets (London), 24 (1956) : 1–19.

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Donald G. Simpson, « STUART, CHARLES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/stuart_charles_9F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1977
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