Titre original :  Archives de l'université Laval, Fonds Luc Lacourcière, photographe Livernois.

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SIROIS, Marie (baptisée Marie-Louise-Justine-Atala) (Boivin), première détentrice d’un certificat de l’université Laval à Québec, née le 12 mars 1878 à Québec, fille de Louis-Philippe Sirois, notaire, et d’Atala Blais ; le 20 octobre 1908, elle épousa à Québec Joseph-Pierre-Henri Boivin, avocat, et ils eurent deux fils et quatre filles ; décédée le 2 février 1934 au même endroit.

Tout prépare Marie Sirois à la vie religieuse : non seulement l’atmosphère de foi qui règne à la maison, mais ses années de pensionnat et d’études au couvent Jésus-Marie de Sillery, à partir de 1884, soit peu après la mort de sa mère qui y a aussi étudié. Elle se plaît dans cette ambiance, où elle est sous l’influence d’une religieuse, mère Marie de Lourdes, et de prédicateurs, en particulier Paul Bruchési, futur archevêque de Montréal. Jeune fille brillante, elle a beaucoup de facilité à apprendre et obtient son diplôme de fin d’études en 1896. En février 1898, elle se fait novice à la Congrégation de Notre-Dame à Montréal, sous le nom de sœur Madeleine de la Résurrection. Des problèmes de santé l’obligent à quitter le couvent à regret deux ans plus tard. Son père, qui s’est remarié en 1889, enseigne à la faculté de droit de l’université Laval à Québec depuis 1887. La situation aisée de la famille de Marie lui permet de faire un voyage en Europe en 1901–1902 avec des Religieuses de Jésus-Marie. Elle grave dans un journal ses souvenirs et impressions des monuments et sites de France, de Suisse, d’Espagne et d’Italie.

Marie, lectrice insatiable, s’intéresse à tout : la culture, la science, les ouvrages religieux et la création littéraire. Pionnier, le parcours qu’entreprend Marie après son retour à Québec témoigne des difficultés que rencontrent les jeunes filles qui veulent accéder à l’éducation universitaire [V. Marie-Aveline Bengle ; Marie Lacoste*]. Elle assiste aux cours de littérature française donnés à l’université Laval par un agrégé de lettres de l’université de Paris, Louis Allard, professeur invité en 1902 par l’abbé Camille Roy*, sur le conseil de l’académicien Ferdinand Brunetière, à devenir le titulaire de la nouvelle chaire de littérature française. Jusqu’en 1905, année où Allard regagnera Paris, deux types de cours, auxquels les femmes peuvent assister, y sont donnés : un cours public, sous forme de conférences gratuites, et un cours didactique, destiné à des étudiants inscrits qui, tels que Marie, doivent faire des travaux et peuvent prendre part à un concours final, et à des auditeurs dispensés d’obligations, mais qui ne peuvent participer au concours (il faudra ensuite attendre la fondation, en 1920, de l’École normale supérieure pour que soit de nouveau donné, à Québec, un cours didactique universitaire de littérature française). Afin d’encourager les étudiants en littérature et favoriser les inscriptions, l’université Laval crée, en mai 1904, un certificat en études littéraires et le décerne aussitôt aux finissants du cours didactique qui se sont illustrés par leur assiduité et leur succès. Marie est du nombre et obtient « avec éloges » son certificat, qu’elle reçoit toutefois par la poste, contrairement aux deux autres étudiants de sa promotion, François-Xavier-Jules Dorion et Georges Pelletier*, invités à la collation des grades. L’université, dont l’un des édifices portera le nom de Marie Sirois, tentera de réparer cette injustice en 2003 en remettant publiquement à ses descendants une copie de son certificat.

Marie épouse en octobre 1908 l’avocat Joseph-Pierre-Henri Boivin. En 1910, elle donne naissance à Henri, qui sera suivi de Jeanne, Mariette, Alice, Cécile et Philippe. Elle consacre sa vie à l’éducation de ses enfants, à la réflexion spirituelle et aux œuvres. Elle est l’une des conférencières de prédilection aux réunions des anciennes du couvent Jésus-Marie de Sillery. À la suite d’un cancer, elle meurt le 2 février 1934, à l’âge de 55 ans.

L’entrée de Marie Sirois chez les religieuses de la Congrégation de Notre-Dame aurait pu la mener vers l’enseignement, mais sa santé n’a pas permis ce destin. Contrairement aux femmes de lettres de sa génération, les Blanche Lamontagne*, Laetitia Desaulniers ou Marie-Antoinette Tardif*, par exemple, nées pendant les années 1880 et 1890, elle n’a pu profiter de son déplacement à Montréal pour poursuivre des études qui, peut-être, l’auraient conduite vers d’autres horizons. En effet, l’École d’enseignement supérieur pour les jeunes filles, que les trois écrivaines ont fréquentée pour ensuite s’inscrire dans les cercles de la vie littéraire ou devenir journaliste, a été mise sur pied par sœur Sainte-Anne-Marie [Bengle], de la même congrégation, en 1908 seulement. À la suite de l’obtention de son certificat d’études littéraires, la trajectoire de Marie a été semblable à celle de plusieurs jeunes femmes de son milieu : mariage et éducation de ses enfants.

Au Québec, Marie Sirois figure parmi les pionnières francophones. Même si elle n’est pas devenue un personnage public, sa vie demeure intéressante d’un point de vue historique et archivistique en tant que témoin d’une époque où les femmes, ayant à peine droit à l’instruction et pouvant difficilement faire carrière, vivaient intensément leurs relations avec leurs familles, leurs amies ou l’Église. En témoigne cet extrait d’un poème de Marie adressé à une religieuse :

Entre nous, ma sœur, rien n’expire
Rien ne change et rien ne faiblit ;
De la terre au ciel, où j’aspire,
Flotte un lien qui nous unit :
Ce fil d’or pur, c’est la prière ;
Je puis parler à Dieu de Toi,
Et depuis bien longtemps, j’espère
Que tu sais Lui parler de moi.

Ses écrits intimes (journaux personnels et de voyage, cahiers de notes, correspondance et adresses), restés inédits, traduisent non seulement ses goûts culturels, ses besoins psychologiques, ses traits de personnalité et sa spiritualité, mais expriment la pensée littéraire, morale et religieuse de son époque. Enfin, son certificat, qu’elle n’a pas reçu publiquement de son vivant, témoigne de son intelligence, de sa détermination et de son talent, et, aussi, des lents progrès sociaux au Canada français, surtout en ce qui concerne l’éducation des filles.

Marie-José des Rivières

Le journal de Marie Sirois se trouve à Univ. Laval, Div. des arch., P259.

BAnQ-Q, CE 301-S1, 12 mars 1878, 2 oct. 1883 ; CE 302-S1, 22 mai 1889.— FD, Cathédrale Notre-Dame (Québec), 20 oct. 1908.— Au fil des événements (Québec), 19 nov. 1981, 6 juin 2002, 19 juin 2003.— Le Soleil, 3 févr. 1934.— Fabienne Deschênes, Que reste-t-il de Sillery... ([Québec], 1984).— Micheline Dumont et al., les Couventines : l’éducation des filles au Québec dans les congrégations religieuses enseignantes, 1840–1960 (Montréal, 1986).— James Lambert, Répertoire numérique détaillé du fonds Marie-Sirois (P259) (Sainte-Foy [Québec], 1990).— Renée Larochelle, « Une progression fulgurante », Contact (Québec), 16 (2001–2002), no 3 : 29.— La Vie littéraire au Québec, sous la dir. de Maurice Lemire et al. (6 vol. parus, Sainte-Foy, 1991–    ), 5.

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Marie-José des Rivières, « SIROIS, MARIE (baptisée Marie-Louise-Justine-Atala) (Boivin) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 21 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/sirois_marie_16F.html.

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Auteur de l'article:    Marie-José des Rivières
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2020
Année de la révision:    2020
Date de consultation:    21 déc. 2024