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SHIBLEY, SCHUYLER, fermier, homme d’affaires et homme politique, né le 19 mars 1820 dans le canton de Portland, Haut-Canada, fils de Henry Shibley ; en 1854, il épousa Mary Ann Greer, et ils eurent au moins trois enfants ; décédé le 18 décembre 1890 à Kingston, Ontario.
Schuyler Shibley, d’origine allemande et loyaliste, et de religion méthodiste, fréquenta la Waterloo Academy près de Kingston, Haut-Canada. Après avoir terminé ses études en 1851–1852 par un voyage en Europe, dont il revint « l’un des fermiers les mieux informés de la province », il s’installa à Murvale, dans le canton de Portland, et s’adonna à la fois à l’exploitation agricole et aux affaires. Avec David Roblin*, il « fit beaucoup de spéculation sur les titres de terrains accordés aux Loyalistes, devint propriétaire de très grandes étendues de terre, de bonne, de mauvaise et de médiocre qualité, et par moments il eut la réputation d’être très riche ». Certaines de ses propriétés furent louées à des fermiers.
Shibley, qu’un observateur décrit comme « un homme de mœurs plutôt légères », avait une « maîtresse », Kate Davis, « une personne d’assez belle apparence », qui vivait dans le canton de Brooke, comté de Lambton, où il possédait 400 acres. Un enfant naquit de cette liaison. Ces détails devinrent publics au début de septembre 1866, après que les amants furent arrêtés et accusés d’avoir tué l’enfant, Kate Shibley, alors âgée de trois ans. Parce qu’il était absent quand l’enfant mourut, Shibley fut relâché sans avoir dû subir de procès. Cependant, des preuves apportées à l’enquête du coroner, et, plus tard, au procès de Kate Davis, révélèrent que Shibley était impliqué dans une affaire sordide et révoltante. D’après le compte rendu d’un journal, la mère témoigna qu’il « avait été là environ dix jours avant [la mort de l’enfant] et qu’il avait battu l’enfant sans pitié parce qu’elle n’avait pas dit ses prières et qu’il avait ordonné [à Kate] de faire la même chose chaque fois que l’enfant refuserait ». Le 3 septembre, l’enfant refusa de prier et, selon un autre récit, elle fut « fouettée [...] avec du cuir brut ». Elle mourut pendant la nuit. Un ami de la mère décrivit aussi la brutalité physique de Shibley envers l’enfant que l’on négligeait (« l’absence totale de nourriture eut […] quelque chose à voir avec le résultat »), et on rapporta qu’elle avait subi des blessures internes. Kate Davis, poursuivie pour homicide involontaire, fut acquittée. Le président du tribunal « ne put s’empêcher d’exprimer en termes vigoureux sa surprise et son désappointement devant le verdict, de même que devant la conduite de la prisonnière et de son amant ». La ville de Sarnia, où Shibley avait été incarcéré, était bien connue de John Alexander Macdonald*, procureur général du Haut-Canada, qui demeurait informé de la situation du prisonnier par Thomas W. Johnston, médecin de la prison ; ce dernier lui fit savoir que Shibley « sembl[ait] avoir été pris d’une passion folle pour la fille Davis et [qu’il lui] avait même fait écrire par sa femme une lettre de condoléances. Pauvre type, [ses] yeux sont ouverts maintenant. [S’]il s’essaie encore, ce ne sera pas avec Mademoiselle Davis. »
La révélation publique de la vie privée sordide de Shibley n’eut pas d’effet sensible sur sa carrière d’homme public. Il avait déjà été président du conseil municipal de Portland. En 1867, il brigua le siège d’Addington à la chambre des Communes, accumulant 991 voix contre 1 120 pour James Noxon Lapum. Si on considère le fait qu’il se présenta comme candidat conservateur indépendant contre un conservateur officiel (il n’y avait pas de candidat libéral), on peut dire qu’il fit bonne figure. Il commença pour de bon sa carrière politique en 1868 en enlevant le poste de préfet du comté de Frontenac et fut victorieux de nouveau en 1869 et 1872. Aux élections générales de 1872, il se présenta dans Addington, toujours à titre de conservateur indépendant contre Lapum, le candidat officiel. Cette fois, Shibley remporta une victoire facile, obtenant 1495 voix contre 849. Même s’il avait défait un ministériel, il se décrivit lui-même en 1873, dans le Canadian parliamentaty companion, comme « un conservateur ». Il fut réélu en 1874, mais on invalida l’élection parce que plusieurs de ses partisans, y compris son fils de 15 ans, avaient suborné des électeurs. Il gagna l’élection partielle subséquente tenue la même année. À cette époque, il eut plusieurs relations d’affaires importantes : avec d’autres chefs civils et politiques, tels Alexander Campbell*, Richard John Cartwright* et Dileno Dexter Calvin, il fit partie, au cours des années 1870, du conseil d’administration de la Kingston and Pembroke Railway ainsi que de la Royal Mutual Life Assurance Company.
Les manœuvres politiques de Shibley de 1872 à 1874 sont intéressantes par leur contexte. Il se préoccupa principalement de la distribution des faveurs politiques. Avant 1872, il avait tenté plusieurs fois, mais sans succès, d’exercer de l’influence lors des nominations. Après cette date, les chefs conservateurs reconnurent sa victoire électorale et on lui donna l’autorité en matière de favoritisme dans sa circonscription. Néanmoins, le passé de Shibley comme indépendant en fit une cible toute désignée pour les libéraux qui le courtisèrent durant la crise politique causée par le scandale du Pacifique. En 1873, Alexander Mackenzie*, Edward Blake* et Cartwright se concertèrent pour essayer de le gagner à leur parti. De leur côté, les chefs conservateurs travaillèrent en désespoir de cause pour conserver le soutien de députés hésitants, dont Shibley. Même s’il ne fut pas obligé de voter contre le parti de Macdonald à la chambre des Communes, il passa dans le camp des libéraux avant la chute du gouvernement le 5 novembre 1873. Il demeura partisan des libéraux jusqu’à ce qu’il fût battu lors de la victoire écrasante des conservateurs en 1878. Quoi qu’il en soit, il fut l’un des quelques députés conservateurs de l’Ontario à faire défection pendant la crise ; en agissant ainsi, il était encore préoccupé de favoritisme et non de principes. Shibley passa six années aux Communes sans se faire remarquer ; il n’y prit la parole qu’à propos de questions directement reliées à sa circonscription.
La carrière de Shibley nous renseigne sur le public canadien du xixe siècle, le public rural dans le présent cas, et sur les leaders des deux partis politiques ; ils pouvaient, apparemment avec facilité, s’accommoder d’un homme reconnu comme débauché et d’un candidat possédant des principes politiques très peu rigides.
AO, MU 500–515.— APC, MG 24, B40, 8–9 ; MG 26, A.— Canada, chambre des Communes, Debates, 1875–1878.— « Parl. debates », 1873–1874.— Daily News (Kingston, Ontario), 1866.— Globe, 1866,1872, 1874, 1878, 1890.— Sarnia Observer, and Lambton Advertiser (Sarnia, Ontario), 14 sept. 1866.— CPC, 1873–1875 ; 1879.— W. S. Herrington, History of the county of Lennox and Addington (Toronto, 1913 ; réimpr., Belleville, Ontario, 1972).— Donald Swainson, « Richard Cartwright joins the Liberal party », Queen’s Quarterly, 75 (1968) : 124–134 ; « Schuyler Shibley and the underside of Victorian Ontario » , OH, 65 (1973) : 51–60.
Donald Swainson, « SHIBLEY, SCHUYLER », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/shibley_schuyler_11F.html.
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Auteur de l'article: | Donald Swainson |
Titre de l'article: | SHIBLEY, SCHUYLER |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1982 |
Année de la révision: | 1982 |
Date de consultation: | 2 déc. 2024 |