Titre original :  Elizabeth Scovil

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SCOVIL, ELISABETH ROBINSON (son premier prénom est souvent orthographié Elizabeth dans les ouvrages imprimés, mais elle signait Elisabeth), enseignante, infirmière, journaliste et auteure, née le 30 avril 1849 à Saint-Jean, Nouveau-Brunswick, fille de Samuel James Scovil, avocat, et de Mary Eliza Robinson, et arrière-petite-nièce de John Robinson* ; décédée célibataire le 20 novembre 1934 à Bishop’s Stortford, Angleterre, et inhumée dans la même ville.

Elisabeth Robinson Scovil descendait, du côté paternel, d’une longue lignée d’ecclésiastiques anglicans, dont l’un, loyaliste arrivé au pays en 1788, comptait parmi les premiers prêtres de l’Église d’Angleterre à s’installer au Nouveau-Brunswick. Sa mère était issue d’une importante famille de militaires et d’hommes politiques, également loyalistes. Elisabeth Robinson reçut une éducation privée jusqu’à l’âge de 16 ans. Lectrice avide, elle connaissait très bien les écritures saintes ; elle excellait aussi au pianoforte. À l’âge de 19 ans, son existence privilégiée fut perturbée par la faillite, la tentative de fuite et l’emprisonnement momentané de son père. Déshonorée, la famille s’installa à Douglas, près de Fredericton, dans l’ancienne maison de la mère d’Elisabeth Robinson. Cette dernière enseigna un certain temps dans le comté de York. Son père demeura stigmatisé par ses difficultés au point de ne jamais retrouver d’emploi. En 1879, la famille reçut une aide bienvenue en héritant d’une ferme des Scovil à Lower Jemseg, près de Gagetown, et emménagea l’année suivante dans la propriété, qu’Elisabeth Robinson nommerait Meadowlands.

Après avoir fait le tour des possibilités qui s’offraient à elle et conclu que le mariage ne lui convenait pas, Mlle Scovil s’inscrivit, à 29 ans, à la Boston Training School for Nurses. Bien que les écoles d’infirmières de l’époque n’acceptaient que les étudiantes de bonne famille et de bonnes mœurs, on commençait à peine à considérer ce métier comme une profession respectable. Selon une légende familiale, pendant qu’Elisabeth Robinson et sa mère attendaient sur un banc de bois à l’extérieur de la salle d’entrevue de l’école, cette dernière murmura à sa fille qu’elle aurait préféré la voir devenir domestique plutôt qu’infirmière.

Grâce à son optimisme et à son application à la tâche, Mlle Scovil développa un réel amour et un grand dévouement pour son travail (une fois âgée, elle se rappellerait que passer la serpillière, corvée quotidienne quand elle était étudiante, lui donnait un peu l’impression de patiner). En 1879, à mi-chemin seulement de son cours de deux ans, elle rédigea un article sur les soins infirmiers à domicile, que publia le Scribner’s Monthly, ce qui lui apporta une généreuse rémunération. Ce succès marqua le début de ce qu’elle appellerait sa « modeste carrière littéraire ». L’année suivante, le Christian Union accepta neuf de ses textes, dont huit portaient sur le soin des malades à domicile. Après avoir reçu son diplôme, en 1880, Mlle Scovil écrivit pour le Youth’s Companion un article sur la formation d’infirmière, qu’on estima, dit-elle, avoir suscité plus d’un millier de demandes d’inscription à l’école de formation, et qui lui valut les remerciements du conseil d’administration de l’établissement.

Dès qu’elle se qualifia pour pratiquer sa profession, Mlle Scovil accepta le poste de chef de l’infirmerie de la St Paul’s School, à Concord, au New Hampshire, où elle demeura huit ans. Elle assuma ensuite la direction de l’infirmerie au Newport Hospital, dans le Rhode Island, jusqu’en 1894. Après un séjour au Nouveau-Brunswick – une des deux visites prolongées qu’elle y fit durant ses années passées aux États-Unis –, elle retourna à la St Paul’s School. Active dans la Nurses’ Associated Alumnae of the United States, elle participa au congrès de l’association en 1900, où, soucieuse de promouvoir sa profession, elle déclara : « C’est par [… une] sincère dévotion à [notre] devoir que nous devons élever notre vocation aux yeux du monde. »

Parallèlement, Mlle Scovil avait poursuivi sa carrière de journaliste. Entre 1888 et 1891, par exemple, elle publia une série de 15 articles intitulée « Talks by a trained nurse » dans le Peterson’s Magazine. Nombre de ses publications, à cette époque et aussi par la suite, présentaient des recettes de cuisine. En quelque sorte nutritionniste, elle s’intéressa particulièrement à l’alimentation des enfants et des convalescents. Après deux parutions dans le Ladies’ Home Journal au printemps de 1890, Mlle Scovil se fit offrir de devenir l’une des rédactrices de la revue et se vit confier la section consacrée aux mères de famille. Elle travailla aussi en qualité de rédactrice adjointe de l’American Journal of Nursing dès sa fondation, en 1900. De novembre 1901 à février 1921, elle publia une chronique mensuelle, « Notes from the medical press », qu’elle rédigeait après avoir épluché plusieurs périodiques destinés aux médecins et sélectionné l’information qu’elle croyait la plus pertinente pour les infirmières. En octobre 1917, elle se mit à écrire, pour le magazine Canadian Nurse, la chronique « News from the medical world », puis en ajouta une autre, « The world’s pulse », dans laquelle elle présentait des nouvelles d’ordre plus général ; celle-ci finit par remplacer la précédente, pour disparaître en septembre 1924. Les deux périodiques consacrés aux soins infirmiers auxquels collabora Mlle Scovill soulignèrent sa fiabilité.

Tout en étant une journaliste de plus en plus active, Mlle Scovil publia, en 1888, le premier de ses 24 livres connus, lesquels portaient sur les soins infirmiers, le rôle parental, les intérêts des enfants et l’orientation spirituelle. Le deuxième, A baby’s requirements (1892), qui fit l’objet d’au moins huit éditions, fut louangé par l’American Journal of Nursing pour son côté pratique et son « style inhabituellement simple et clair ». Le dernier ouvrage de Mlle Scovil, Common ailments of children, parut en 1930 à Philadelphie, alors qu’elle avait 81 ans. Ses publications lui apportèrent une certaine notoriété dans toute l’Amérique du Nord et en Grande-Bretagne. Au Canada, Adelaide Hoodless [Hunter*], célèbre pour sa promotion de l’économie domestique, souligna les recherches de Mlle Scovil sur la diète appropriée pour les nourrissons. En 1904, le Gentlewoman de Londres ajouta le nom de Mlle Scovil à la liste des « femmes d’expression anglaise qui se sont distinguées en œuvrant pour le bien public, ou dans les arts et les professions ».

Auteure prolifique, Mlle Scovil était en outre une militante sociale. Lady Aberdeen [Marjoribanks], après avoir fondé le National Council of Women of Canada en 1893, année où elle devint aussi présidente du Conseil international des femmes, invita Mlle Scovil à participer aux deux organisations. Cette dernière présenta plusieurs communications au National Council of Women of Canada, dans les premières années suivant sa fondation. En 1899, elle assisterait à la réunion du Conseil international des femmes à Londres et rendrait visite à Florence Nightingale, qu’elle avait déjà rencontrée deux ans plus tôt. (Auparavant, à titre de membre d’une délégation américaine d’infirmières, elle avait pris le thé avec la reine Victoria.) En 1897, lady Aberdeen demanda à Mlle Scovil de s’adresser, au nom du Victorian Order of Nurses for Canada qu’elle venait de créer, au public de Saint-Jean, d’Ottawa et de Victoria. Selon la tradition familiale, quand les femmes des Prairies apprirent que Mlle Scovil prenait le train pour la Colombie-Britannique, elles se réunirent dans les gares afin de la remercier pour son livre Preparation for motherhood, publié en 1896 à Philadelphie, qui avait changé leur vie.

En 1903, lorsque la femme de son frère Morris mourut du diabète, Mlle Scovil abandonna sa carrière active d’infirmière et retourna à Meadowlands. Elle y poursuivit son activité d’auteure tout en élevant ses cinq neveux et nièces, et mena une existence très heureuse avec son frère, sans renoncer à ses intérêts professionnels. Elle donna des cours de soins infirmiers à domicile à Saint-Jean pendant un certain temps, et assista à des réunions de la Canadian Society of Superintendents of Training Schools for Nurses et de la Canadian National Association of Trained Nurses [V. Mary Agnes Snively]. Pendant la Première Guerre mondiale, le Canadian Nurse publia trois des communications instructives qu’elle avait présentées devant ces organisations. En 1917, quand le gouvernement fédéral de sir Robert Laird Borden (qu’elle soutenait) accorda le droit de vote aux femmes directement apparentées aux militaires, elle encouragea les femmes éligibles de Gagetown à exprimer leurs opinions en se rendant aux urnes.

Grâce à des investissements judicieux et à la rémunération de son travail pour le Ladies’ Home Journal versée en partie sous forme d’actions de la Curtis Publishing Company, qui avaient pris beaucoup de valeur, Mlle Scovil devint millionnaire, comme elle l’annonça à une petite-nièce. Elle se montra extrêmement généreuse à l’égard de membres de sa famille et de causes charitables, dont le fonds pour la réfection du toit de l’église de sa localité et le Pickett Memorial Fund, lancé en 1910 par son amie et collègue Lucy Vail Pickett dans le but de secourir les religieux malades et leurs familles. Mlle Scovil deviendrait la secrétaire et l’organisatrice de ce fonds, par la suite renommé Pickett Scovil Memorial Fund et toujours en place un siècle plus tard. Elle participait activement à d’autres œuvres ecclésiales ; en 1906, on la nomma membre à vie de la section locale de la Woman’s Auxiliary de la Société des missions de l’Église anglicane en Canada et, en 1919, elle présida le comité diocésain des femmes du « Forward Movement » anglican.

À un certain moment, Elisabeth Robinson Scovil avait acquis Meadowlands (elle avait menacé d’intenter des poursuites contre deux de ses frères s’ils insistaient pour partager la ferme entre tous les membres de la famille). En 1923, alors que la propriété passait aux mains de la génération suivante, elle s’installa, avec Morris, à Fredericton. Amatrice de voyages, elle visita au fil des ans l’Alaska, la Caroline du Sud, l’Italie, l’Angleterre, l’Écosse et l’Irlande. Même après la crise financière de 1929, son frère et elle avaient les moyens de demeurer aux États-Unis six mois par année avec un des fils de Morris, et les six autres mois avec un autre fils en Angleterre, où vivait aussi l’une de ses filles. Mlle Scovil écrivait un livre pour enfants, composé de courts récits d’une page, quand elle mourut, dans sa quatre-vingt-sixième année, chez son neveu à Bishop’s Stortford. Les rubriques nécrologiques la couvrirent d’éloges ; on croyait qu’elle était l’infirmière diplômée la plus âgée en Amérique du Nord. Très attachée à la vérité, Mlle Scovil se permit néanmoins un mensonge dans la mort : elle demanda que l’on grave sur sa pierre tombale l’inscription « née à Meadowlands, Nouveau-Brunswick, Canada », en raison de l’immense affection qu’elle portait à la ferme. En fait, comme l’atteste la bible familiale, elle était née à Saint-Jean. On peut sans doute lui pardonner cet écart.

Virginia Scovil Bjerkelund

Cette biographie repose en partie sur de l’information transmise oralement, sur de la correspondance familiale inédite en notre possession, et sur des photocopies de documents, dont des pages d’une bible de famille, fournis par feu Charles E. Karsten (de Readfield, dans le Maine), petit-neveu du sujet.

Elisabeth Robinson Scovil est notamment l’auteure de In the sick room : what to do, how to do, and when to do for the sick : the art of nursing (Springfield, Mass., [1888]) et de A baby’s requirements (Philadelphie, 1892). Une liste de ses autres livres, tous publiés par la Henry Altemus Company de Philadelphie, se trouve sur le site Web « Henry Altemus Company » : www.henryaltemus.com (consulté le 31 oct. 2016). Selon la tradition familiale, elle aurait rédigé un ouvrage intitulé The littlest loyalist et une histoire de la péninsule de Kingston au Nouveau-Brunswick. Nous n’avons trouvé aucune trace de ces documents qui n’ont peut-être jamais été imprimés.

Elisabeth Robinson Scovil a également fait paraître de nombreux articles dans des périodiques nord-américains, dont « Domestic nursing », Scribner’s Monthly (New York), 8 (mai–octobre 1879) : 786–789, et la série de 15 articles intitulée « Talks by a trained nurse […] », Peterson’s Magazine (Philadelphie), dans les vol. 94–100 (1888–1891). Ces textes, ainsi que ceux qu’elle a écrits pour le Christian Union (New York), le Ladies’ Home Journal (Philadelphie), le Youth’s Companion (Boston), et pour d’autres périodiques, se trouvent dans « ProQuest » : www.proquest.com (consulté le 2 nov. 2016), contrairement à ses contributions au Good Housekeeping (Holyoke, Mass., etc.), à l’American Journal of Nursing (Philadelphie) et au Canadian Nurse (Ottawa, etc.). Une liste de ses articles parus dans l’American Journal of Nursing est accessible sur : Wolters Kluwer Health, Inc., « AJN : American Journal of Nursing », previous issues : journals.lww.com/ajnonline/pages/issuelist.aspx (consulté le 2 nov. 2016).

Bishop’s Stortford Old Cemetery (Angleterre), Tombstone.— Musée du N.-B. (Saint-Jean), S119-119B, F 100-105 (article biographique manuscrit de M. G. Otty, 30 avril 1932).— Calgary Herald, 4 déc. 1934 : 9.— M. G. Otty, « Elisabeth Robinson Scovil : fifty-five years a nurse », Canadian Churchman (Toronto), 28 mars 1935 : 201.— St. John Morning Telegraph (Saint-Jean), 5 déc. 1868.— American Journal of Nursing, 1–23 (1900–1923).— Doris Calder, All our born days : a lively history of New Brunswick’s Kingston peninsula (Sackville, N.-B., 1984).— Canadian Nurse, 7–20 (1911–1924).— Ladies’ Home Journal, 1890–1906.— Mass. General Hospital Training School for Nurses, [Booklet listing all nursing graduates from 1875 to 1902] ([Boston], s.d. ; exemplaire en possession de Hughena McNeil, Fredericton).— « Obituaries », American Journal of Nursing, 35 (1935) : 90–93.— « Obituary », Canadian Nurse, 31 (1935) : 40.— S. E. Parsons, History of the Massachusetts General Hospital Training School for Nurses (Boston, 1922).— « The roll of honour for women », Gentlewoman (Londres), 22 oct. 1904 : 677.— G. C. M. White, « Miss Elizabeth Robinson Scovil », Canadian Nurse, 20 (1924) : 393–394.

Comment écrire la référence bibliographique de cette biographie

Virginia Scovil Bjerkelund, « SCOVIL, ELISABETH ROBINSON (Elizabeth) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/scovil_elisabeth_robinson_16F.html.

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Auteur de l'article:    Virginia Scovil Bjerkelund
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2022
Année de la révision:    2022
Date de consultation:    20 déc. 2024