SAVARY, CHARLES, journaliste et fonctionnaire, né le 21 septembre 1845 à Coutances, France, fils de Pierre-François-Théodore Savary, substitut du procureur général à la Cour royale de Caen, et de Charlotte-Éliane Quénault, décédé à Ottawa le 9 septembre 1889.
Issu d’une famille de magistrats et de gens de robe, Charles Savary étudia au lycée Bonaparte, à Paris, de 1860 à 1863, où il obtint un diplôme de bachelier puis poursuivit des études de droit dans la même ville, recevant le titre de docteur en 1866. Très tôt il s’intéressa à la politique et fut élu, à l’âge de 25 ans, député de la Manche. Il siégea à l’Assemblée nationale jusqu’en 1881 (d’abord comme royaliste modéré puis, finalement, comme républicain modéré), occupant de 1877 à 1879 le poste de sous-secrétaire d’État au ministère de la Justice. Savary se consacra par la suite aux affaires. Il avait déjà participé à certaines entreprises financières et fondé, en janvier 1881, la Banque de Lyon et de la Loire, qui connut dès ses débuts une rapide progression. Toutefois, certaines irrégularités, une politique de crédit hasardeuse, une baisse des titres de la banque à la Bourse de Lyon conduisirent à sa faillite en avril 1882. Même si de nombreux facteurs ont joué dans cette affaire, les administrateurs de la banque furent tenus responsables et condamnés en 1884 à de fortes amendes. Savary, à titre de président, écopa d’une sentence de cinq ans de prison. Il s’enfuit au Canada et arriva à Québec vers le milieu de l’année 1884.
Peu de temps après, Savary fut engagé par le journal le Canadien à titre de rédacteur. Il signait ses articles du pseudonyme de Charles Quénault, mais son identité fut vite découverte, et les péripéties de sa carrière connues. À titre de Français, Savary se vit tout de suite soupçonné d’être, sinon un libre penseur, du moins un catholique libéral, et l’Étendard de François-Xavier-Anselme Trudel partit en guerre contre lui. En 1885, il s’installa à Montréal où il travailla à la Patrie pendant presque un an puis à la Presse. L’année suivante, il devint rédacteur en chef du Moniteur du commerce. Fondé en 1881, ce journal visait avant tout à « informer ses lecteurs sur les affaires économiques et [à] proposer au gouvernement des mesures favorables au commerce ». Le journalisme d’affaires francophone en était alors à ses premières armes. À l’arrivée de Savary, le Moniteur constituait le seul organe destiné d’abord à la communauté d’affaires francophone de Montréal. Dès le départ, ses rédacteurs en chef, tels Clément-Arthur Dansereau*, Jules Helbronner* et L. Dagron-Richer, lui avaient donné une qualité exceptionnelle. L’arrivée de Savary devait contribuer à maintenir cette haute réputation. Analyste perspicace et critique compétent, il s’intéressa particulièrement au domaine bancaire, qu’il connaissait bien, ainsi qu’au commerce et à l’industrie. Dans son article du 18 novembre 1887, il reprocha aux banques d’Hochelaga et Jacques-Cartier d’avoir acheté des billets de la défaillante Central Bank of Canada de Toronto – alors que les autres banques avaient refusé d’en faire autant – et de s’être « empressées de les repasser au public par l’entremise de leurs agences » ; ces allégations devaient faire l’objet d’une action en libelle, mais la Cour du banc de la reine exonéra le Moniteur de tout blâme. Savary fut aussi le principal responsable de la fondation en 1886 de la Chambre de commerce du district de Montréal, regroupant les principaux hommes d’affaires francophones de Montréal. Le Moniteur devait être le porte-parole officiel de cette association pendant près de 20 ans, ce qui contribua à lui assurer une vaste audience dans les milieux d’affaires francophones.
En 1888, pour des raisons inconnues, Savary quitta Montréal et s’établit à Ottawa, où il travailla au journal conservateur le Canada. Cette même année, il fut nommé à la division des statistiques du département de l’Agriculture ; il conservera ce poste jusqu’à sa mort l’année suivante.
Homme doué et entreprenant, Charles Savary a apporté une contribution de marque au cours des quelques années de son séjour au Québec. Le journalisme d’affaires francophone acquit ses lettres de noblesse sous son impulsion. Six ans après sa mort, un correspondant du journal libéral radical le Réveil (Montréal) allait même jusqu’à dire que durant ses quatre ans au Québec, Savary « a[vait] plus fait pour la jeune génération que deux siècles de Sulpiciens et de Jésuites ».
Cette biographie est le résumé d’une étude beaucoup plus complète de la carrière de Charles Savary réalisée par Yves Saint-Germain dans « The genesis of the French-language business press and journalists in Quebec, 1871–1914 » (thèse de ph.d., Univ. of Delaware, Newark, 1975), 114s., 203–219, 233–240. On y trouve également une bibliographie détaillée touchant l’activité de Savary en France et au Canada. Nous n’indiquerons ici que les sources qui nous ont été les plus utiles pour écrire cette biographie.
Charles Savary est l’auteur de : Feuilles volantes : recueil d’études et d’articles de journaux (Ottawa, 1890) ; « les Idées de M. Savary », le Drapeau (Montréal), 1 (1889–1890), no 1 : 45–47 ; et de « l’Union commerciale », no 2 : 63–71.
La Minerve, 11 sept. 1889.— Le Moniteur de commerce (Montréal), 1886–1888, 13 sept. 1889.— Beaulieu et J. Hamelin, La presse québécoise, III.— Canadien [ ], « Navrance », Le Réveil (Montréal), 3 (sept. 1895–févr. 1896) : 114s.
En collaboration, « SAVARY, CHARLES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 21 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/savary_charles_11F.html.
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Titre de l'article: | SAVARY, CHARLES |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1982 |
Année de la révision: | 1982 |
Date de consultation: | 21 déc. 2024 |