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ROWAND, JOHN, trafiquant de fourrures et homme politique, né vers 1787 à Montréal, fils du docteur John Rowand ; décédé le 30 mai 1854 au fort Pitt (Fort Pitt, Saskatchewan).
John Rowand passa son enfance à Montréal. Même si son père était chirurgien dans cette ville, il n’avait reçu qu’une instruction rudimentaire lorsque, à 16 ans, il devint apprenti commis de la McTavish, Frobisher and Company, firme associée à la North West Company. Sa première affectation, en 1803, l’amena au fort Augustus (Edmonton), sur les bords de la rivière Saskatchewan-du-Nord. Pendant les dix années qui suivirent, il fut employé à ce fort ou dans un des postes avancés des environs. Probablement vers 1810, Rowand se cassa la jambe en tombant de cheval au cours d’une excursion de chasse aux bisons. Il fut secouru par une sang-mêlé du nom de Lisette (Louise) Humphraville (Ompherville), vraisemblablement la fille d’Edward Umfreville*, qu’il épousa à la façon du pays. Outre sa connaissance des mœurs indiennes, Lisette apportait à ce mariage un bien de prix : un troupeau de chevaux qui accrut le prestige de son mari auprès des autochtones.
À l’été de 1815, comme la situation s’aggravait dans la colonie de la Rivière-Rouge (Manitoba) parce que le gouverneur Miles Macdonell* avait interdit l’exportation du pemmican, Rowand s’y rendit à cheval pour aider à défendre les intérêts de sa compagnie. Il fut témoin de la première dispersion des colons et, l’été suivant, il était prêt à affronter « ces vauriens de la Hudson’s Bay », mais il arriva trop tard, plusieurs jours après la bataille de Seven Oaks (Winnipeg) [V. Cuthbert Grant]. L’énergie et la compétence avec lesquelles il travaillait au département de la Saskatchewan lui valurent d’être associé à la North West Company au moins dès 1820. L’année suivante, à la suite de la fusion de sa compagnie et de la Hudson’s Bay Company, il devint chef de poste au service de celle-ci. En 1822, voulant parer à la menace américaine sur son commerce avec les Indiens des Plaines, la Hudson’s Bay Company le nomma assistant de l’agent principal Donald McKenzie qui était chargé de mener une expédition à la rivière Bow. Un camp de base fut établi pour la saison en haut de la Saskatchewan-du-Sud, mais les recherches conduites le long des rivières Red Deer et Bow montrèrent que les réserves de fourrures de cette région étaient insuffisantes, et on abandonna le projet d’y établir un poste permanent.
L’année suivante, la Hudson’s Bay Company nomma Rowand à la direction du district de la Saskatchewan, dont le quartier général se trouvait au fort Edmonton (Edmonton). Il s’acquitta avec succès, durant les 30 années suivantes, des nombreuses responsabilités de cette tâche difficile. En plus de ses recettes de fourrures, le fort Edmonton était un important centre d’approvisionnement. Les chasseurs autochtones y échangeaient de la viande de bison qui permettait de préparer des centaines de ballots de pemmican chaque année, et Rowand mit sur pied une grande ferme qui produisit du blé, de l’orge, du foin et des pommes de terre. Le fort Edmonton devint aussi un élément essentiel du réseau de transport transcontinental de la Hudson’s Bay Company ; il fournissait non seulement des York boats pour naviguer sur la rivière Saskatchewan, mais également des chevaux de bât pour transporter des marchandises du fleuve Columbia et de la rivière de la Paix au fort Assiniboine (Fort Assiniboine, Alberta) sur la rivière Athabasca. Chaque été, Rowand supervisait le passage du vaste convoi du district de la Saskatchewan qui se dirigeait vers Norway House (Manitoba) et York Factory. Assidu aux réunions annuelles du conseil du département du Nord, où le gouverneur George Simpson appréciait beaucoup son concours et ses avis, il devint agent principal en 1826 et fut nommé conseiller de Rupert’s Land en 1839.
Au moment de la fusion de 1821, le district de la Saskatchewan ne faisait pas ses frais, mais en raison du talent incomparable de Rowand pour la gestion, il devint en quelques années l’un des plus profitables du territoire indien. Une grande partie du succès de Rowand tenait à sa capacité de traiter avec les Indiens des Plaines qui fréquentaient le fort, ce qui n’était pas une tâche facile car les Prairies se trouvaient en agitation continuelle à cause des guerres qui opposaient la confédération des Pieds-Noirs aux Cris et aux Assiniboines. Les Indiens, qui l’appelaient « Chemise de Fer » ou « Grosse Montagne », étaient impressionnés par sa bravoure. De petite taille et affligé d’une forte claudication, Rowand n’en demeurait pas moins un homme puissant. Il fut décrit dans le « Character book » de Simpson comme étant « hardi comme un lion » et, dans ses rapports avec les Indiens, « audacieux au point de défier leurs chefs en plein campement alors qu’ils étaient entourés des guerriers ». Même si Rowand punissait sévèrement les délinquants, en particulier les Stonies qui volaient des chevaux, ses relations commerciales étaient marquées au coin de l’équité : « Personne ne dira que j’ai gâté les Indiens, affirmait-il [...] Je leur donne ce qui leur revient, mais ils doivent faire leur devoir. »
Partisan d’une discipline rigoureuse, Rowand était néanmoins un homme généreux, et un grand nombre de ses contemporains soulignèrent sa bienveillance, son honnêteté et son sens de l’humour. Le père Pierre-Jean De Smet* résuma ses traits de caractère positifs en ces termes : « [Rowand] possède non seulement les qualités d’amabilité et de politesse d’un parfait gentleman, mais aussi celles d’un ami sincère et accueillant ; sa bonté et sa douceur paternelle font de lui un véritable patriarche au milieu de sa charmante et nombreuse famille. » Entre 1812 et 1832, Rowand et sa femme eurent trois fils et quatre filles. Le père était fier des deux garçons qui survécurent, John et Alexander ; ils devinrent respectivement fonctionnaire de la Hudson’s Bay Company et médecin à Québec. Lorsque son troisième fils mourut pendant qu’il étudiait à la Rivière-Rouge en 1835, Rowand se mit à protéger de plus en plus ses filles. N’osant pas les envoyer étudier à l’extérieur, il leur assura un foyer confortable dans la Big House, un impressionnant bâtiment de trois étages construit au fort Edmonton après 1829. Une seule des filles, Nancy, se maria du vivant de son père ; elle épousa John Edward Harriott* qui exerçait les fonctions de chef de poste dans le district. Rowand eut le cœur brisé lorsqu’elle mourut en 1850, une année après sa femme, sa « vieille amie » de 40 ans.
En 1841, Rowand accompagna son ami intime, le gouverneur Simpson, dans une partie de son voyage autour du monde. À l’incitation de Rowand, ils explorèrent une nouvelle route à travers les Rocheuses qui, empruntant la rivière Bow, était plus courte et plus au sud que l’ancienne. Rowand se dirigea ensuite vers le nord avec Simpson et se rendit jusqu’au fort Stikine (Alaska) à bord du navire à vapeur Beaver, puis il navigua vers le sud jusqu’en Californie et passa finalement plusieurs semaines à l’île d’Hawaï.
De retour dans le district de la Saskatchewan, Rowand fut de plus en plus agacé par les changements progressifs et le déclin général qui survenaient dans le commerce des fourrures. Même s’il était catholique, il ne manifesta pas beaucoup d’enthousiasme à l’arrivée de missionnaires tels que le méthodiste Robert Terrill Rundle* en 1840 et le catholique Jean-Baptiste Thibault* en 1842 : « Le fort, disait-il, n’est pas un endroit pour loger des ministres qui ne sont satisfaits que lorsqu’il est rempli d’Indiens qui ne font rien pour la compagnie ni pour eux-mêmes si ce n’est apprendre à chanter des psaumes. » Avec l’accroissement de la demande de provisions, le système de transport ne suffisait plus à la tâche, au moment même où la qualité des hommes de canot diminuait. Rowand en vint à être considéré comme un tyran par les hommes, qui étaient souvent la cible de ses volées d’injures. « Quand ils se conduisent mal, écrivait-il à Simpson, je leur dis sans craindre de les offenser – ils doivent faire leur devoir comme on m’a obligé à faire le mien. » Pour comble de malheur, la fin des années 1840 fut une période de disette ; les plaines furent ravagées par des feux d’herbe et la chasse aux bisons donna de maigres résultats, de sorte que le pemmican devint rare et que les Indiens souffrirent de la faim. Rowand dénonça également les trafiquants indépendants qui empiétaient largement sur le monopole de la compagnie.
En 1847–1848, Rowand prit congé et se rendit à Montréal. C’était la première fois qu’il allait dans l’Est depuis 1803. Il voulait se retirer quelque part mais n’arrivait pas à choisir l’endroit. Ce n’est pas avant le printemps de 1854 que, sachant qu’on allait le remplacer, il arrêta son choix sur Montréal. Au cours du voyage, il mourut subitement au fort Pitt, en mai, victime d’une attaque d’apoplexie, semble-t-il, au moment où il essayait d’apaiser une querelle entre les voyageurs. L’agent principal était un homme riche. Il laissa £7 500 à chacune de ses trois filles, qu’il avait finalement envoyées dans un couvent de Saint-Boniface (Manitoba) en 1853, et £3 000 à chacun de ses fils. Une des filles, Marguerite, épousa par la suite James McKay*, employé de la Hudson’s Bay Company qui devint un homme politique éminent au Manitoba, et une autre, Sophia, épousa l’agent principal John H. McTavish. Simpson se donna beaucoup de mal pour satisfaire au désir de son ami qui avait souhaité être enseveli à Montréal auprès de son père. Le corps de Rowand fut exhumé au fort Pitt en 1856, transporté à la Rivière-Rouge et ensuite, parce que Simpson craignait que les voyageurs superstitieux ne le jettent par-dessus bord, il fut expédié à Montréal en passant par York Factory et Londres. Une impressionnante pierre funéraire marque sa tombe au cimetière du Mont-Royal.
Au moment de sa mort, John Rowand était le dernier des fonctionnaires de la Hudson’s Bay Company qui avaient été nommés par l’acte unilatéral de 1821. Pendant plus de 30 ans, il avait été le Blanc le plus influent du district de la Saskatchewan et, selon Simpson, il « ne fut surpassé par aucun fonctionnaire en ce qui concernait l’attachement inébranlable à l’intérêt public ».
ANQ-M, CN1-29, 20 avril 1803.— APC, MG 19, A21, sér. 1, 16 ; E1, sér. 1, 22 (copies).— PAM, HBCA, D.4/18 : fo 11d ; D.4/74 : fos 409–410 ; D.4/75 : fos 671a–672 ; D.5/6 : fos 13–16 ; D.5/10 : fos 43–44 ; D.5/22 : fos 371–372.— PRO, PROB 11/2199 : 777.— Catholic Church records of Pacific northwest (Munnick).— P.-J. De Smet, Life, letters and travels of Father Pierre-Jean De Smet, S.J., 1801–1873 [...], H. M. Chittenden et A. T. Richardson, édit. (4 vol., New York, 1905).— William Gladstone, « William Gladstone’s diary », Freda Graham, édit., Lethbridge Herald (Lethbridge, Alberta), 15 avril–25 nov. 1958.— [J.]H. Lefroy, « Sir Henry Lefroy’s joumey to the north-west in 1843–4 », W. S. Wallace édit., SRC Mémoires, 3e sér., 32 (1938), sect. i : 67–96.— Simpson, « Character book », HBRS, 30 (Williams), 151–236.— J. G. MacGregor, John Rowand, czar of the Prairies (Saskatoon, Saskatchewan, 1978).— Ross Mitchell, « John Rowand, chief factor », Beaver, outfit 266 (juin 1935) : 37–40.— H. E. Rawlinson, « Chief Factor John Rowand », Alberta Hist. Rev. (Edmonton), 5 (1957), no 2 : 9–14 ; « The portrait of Chief Factor John Rowand », Beaver, outfit 293 (été 1962) : 36–37.
Sylvia Van Kirk, « ROWAND, JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/rowand_john_8F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/rowand_john_8F.html |
Auteur de l'article: | Sylvia Van Kirk |
Titre de l'article: | ROWAND, JOHN |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1985 |
Année de la révision: | 1985 |
Date de consultation: | 20 déc. 2024 |