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RANKIN, ARTHUR, arpenteur, officier de milice, forain, entrepreneur minier et homme politique, né en 1816 à Montréal, fils de George Rankin, instituteur, et de Mary Stuart ; en 1840, il épousa Mary McKee, et ils eurent deux fils ; décédé le 13 mars 1893 à Windsor, Ontario.
Les parents d’Arthur Rankin quittèrent l’Irlande pour le Canada après la guerre de 1812. D’une nature imprévisible, Arthur fuit sa famille et le petit séminaire de Montréal à l’âge de 15 ans pour se faire mousse. Il rentra au Canada en 1835, obtint un permis d’arpenteur en avril 1837 et commença à exercer son métier dans la région de Windsor. Toujours en 1837, après s’être battu en duel près de Windsor, il partit pour Toronto et devint enseigne dans la milice. La même année, il put satisfaire son goût de l’aventure et ses penchants humanitaires en secourant un esclave fugitif en Ohio et en l’incitant à gagner le Haut-Canada. Impatient de participer aux combats des rébellions de 1837–1838, il passa à la milice du comté d’Essex. Lorsque les patriotes assaillirent Windsor, en décembre 1838, il mena la contre-attaque et enleva leur étendard. Démobilisé en 1843, il organisa un spectacle qui évoquait le « Wild West » et regroupait neuf Indiens de la tribu des Sauteux, qu’il emmena en tournée dans les îles Britanniques. Ce spectacle remporta un tel succès qu’en décembre on le présenta au château de Windsor devant la reine Victoria. En 1844, Rankin le vendit et rentra au Canada. Sa réputation de forain allait le précéder sur la scène publique.
Avec son beau-frère Alexander McKee, Rankin obtint en 1846 une concession minière dans la région de Michipicoten, au nord du lac Supérieur. Vers la même époque, il rejoignit au nord du lac Huron son frère Charles Stuart, arpenteur lui aussi, et découvrit à Bruce Mines des dépôts de cuivre qu’il exploita. À l’été de 1847, il vendit ses intérêts à la Compagnie de Montréal pour l’exploitation des mines contre la somme considérable de £30 000. Rankin était avant tout un découvreur : il préférait faire reconnaître ses droits sur une concession puis en laisser l’exploitation aux gros entrepreneurs miniers de Montréal. Ses profits en poche, il retourna dans le comté d’Essex en 1849, décidé à faire de la politique.
Rankin ne tarda pas à entrer en conflit avec la figure dominante du comté, le colonel John Prince*, qui avait récolté les lauriers de la prétendue bataille de Windsor en 1838, même si Rankin avait combattu plus que lui. Prince était si puissant dans Essex qu’aux élections législatives de 1851 Rankin dut poser sa candidature dans la circonscription de Kent. Il abandonna alors ses opinions tories pour se présenter comme réformiste. Toutefois, la plupart des réformistes ne crurent pas en sa conversion et lui préférèrent George Brown*. En 1854, Rankin se sentit prêt à défier Prince dans Essex mais, au dernier moment, celui-ci se désista en faveur de son fils. L’appui que Rankin avait manifesté aux écoles séparées lui assura peut-être le suffrage des catholiques, car il remporta la victoire. Il affronta enfin Prince en 1856, à l’élection qui devait pourvoir le siège de la division de Western au Conseil législatif. Pendant la campagne, il ne fit pas beaucoup de cas des questions de l’heure et, selon le Windsor Herald, il lança à son adversaire « des insultes de la pire espèce ». Loin de servir Rankin, ces violentes attaques permirent à Prince de récolter une majorité tout à fait humiliante pour son adversaire.
Cette rivalité confirmait qu’aux yeux de Rankin la politique était plus une affaire personnelle qu’une question de parti. À l’Assemblée, il demeurait à l’écart du pouvoir et de l’opposition. En 1856, à la suite d’une querelle où Rankin le traita de tous les noms, le procureur général John Alexander Macdonald demanda s’il n’y avait pas là matière à duel. L’incident trouva une solution pacifique, mais la réputation de Rankin était faite : c’était un franc-tireur, réputation que son rôle dans le scandale du « chemin de fer du sud » confirma. En 1857, il se trouva en effet mêlé au conflit entre Isaac Buchanan* et Samuel Zimmerman*, qui cherchaient tous deux à avoir la haute main sur une ligne qui traverserait le sud-ouest de la province, parallèlement au Great Western Railway, mais plus au sud. Rankin fit pression en coulisses pour l’obtention d’une charte, chercha, croit-on, à obtenir un pot-de-vin de Buchanan et conclut même une entente secrète avec Zimmerman. Cette entente stipulait que Zimmerman s’engageait à verser à Rankin un quart du bénéfice s’il obtenait une charte et construisait le chemin de fer. Appelé à témoigner devant un comité d’enquête de l’Assemblée, Rankin parla de cet arrangement ; ce faisant, non seulement révélait-il les dessous du milieu des chemins de fer, mais il s’exposait lui-même à des accusations de corruption. Le Globe de Toronto, en mai, donna à l’incident le nom d’« intrigue Rankin » et l’Assemblée reçut des pétitions qui réclamaient son expulsion. Aux élections générales de 1857–1858, Rankin, éclaboussé par le scandale, perdit le siège de la circonscription d’Essex au profit de John McLeod, homme d’affaires d’Amherstburg et allié de Buchanan dans le conflit du chemin de fer.
Après cette humiliation, Rankin retourna à la seule activité qui lui réussissait toujours : il exploita avec profit des mines de cuivre sur le pourtour des lacs Supérieur et Huron. Puis, en 1863 et 1864, avec moins de succès semble-t-il, il chercha de l’or dans la région de la Chaudière, au Bas-Canada. En 1865, dans un rapport provincial sur la mise en valeur des régions aurifères du Canada, il exposait sa méthode de prospection : « [J’étudie attentivement] le caractère de la contrée et du roc qui se trouve sous les strates, et la nature de l’argile ou de la terre en général, jusqu’à ce que l’allure de tout cela me devienne familière et que je sois convaincu que je reconnaîtrai ces indices partout où je les verrai. »
Plus riche qu’auparavant, Rankin se présenta dans Essex aux élections de 1861 et défit l’un de ses anciens partisans, John O’Connor*. Cependant, avant l’ouverture du Parlement, il se lança dans la plus bizarre de ses aventures. En juillet 1861, donc au début de la guerre de Sécession, il offrit de lever un régiment de lanciers qui servirait dans l’armée de l’Union. Il s’entretint à ce sujet avec Abraham Lincoln ; en septembre, un mandat autorisa la levée du régiment et Rankin obtint son brevet d’officier. Il était convenu qu’une bonne partie des hommes seraient canadiens et que les officiers auraient acquis de l’expérience dans l’armée britannique. Au Canada, on fut consterné d’apprendre qu’un colonel de milice (Rankin était commandant du district militaire n° 9 depuis 1856) et député de l’Assemblée servirait dans l’armée américaine et recruterait de surcroît de ses compatriotes pour une puissance étrangère. Appréhendé à Toronto en octobre pour avoir violé la loi sur l’enrôlement à l’étranger, Rankin ne fut jamais trouvé coupable mais dut renoncer à son brevet d’officier américain. Le régiment de lanciers fut dispersé en 1862, sans avoir participé à aucun engagement. La Montreal Gazette résuma ainsi cet incident international : « Il n’y a guère d’hommes au Canada qui soient mieux connus qu’Arthur Rankin pour ses excentricités plutôt donquichottesques. »
À force de chercher en vain la gloire (il s’était aussi porté volontaire en 1854 pour lever un régiment qui aurait participé à la guerre de Crimée), Rankin avait fini par convaincre tous ceux qui en doutaient encore que son goût du spectacle était tel qu’on ne pouvait lui faire tout à fait confiance. On déclara en 1863 nulle et non avenue son élection de 1861. John O’Connor remporta l’élection partielle tenue dans Essex par la suite, mais Rankin avait encore d’énormes appuis dans la population, si bien qu’il gagna celle de 1863, quoique par deux voix seulement. O’Connor reprit le siège aux élections fédérales de 1867. Comme il comprenait la valeur d’une affiliation partisane et pouvait apporter beaucoup de votes catholiques au parti conservateur, O’Connor reçut en récompense un siège au cabinet de Macdonald et remporta en 1872 une victoire écrasante sur Rankin. Néanmoins, ce dernier demeurait une célébrité dans Essex ; la dignité de son maintien et son auréole de cheveux et de favoris blancs lui donnaient, selon les journaux de Detroit, l’allure d’un « maréchal de France de l’Ancien Régime ». À l’occasion, il se mêlait des élections locales, mais on le rejetait invariablement comme une relique de l’époque préconfédérale. Il mourut à Windsor en 1893.
Quoiqu’il ne fût pas parvenu à jouer un rôle important en politique, Arthur Rankin avait fait partie de la Grande Coalition de 1864–1865 [V. George Brown]. En 1865, au cours des débats sur la Confédération, il avait éloquemment parlé en faveur de la constitution d’une nation canadienne. Le temps était venu pour les Canadiens, déclarait-il, de « poser les fondements de [leur] identité nationale », sans quoi ils seraient assimilés par les Américains. Peut-être avait-il espéré se trouver au nombre des délégués qui négocieraient la Confédération, mais on l’avait écarté au profit d’hommes plus sûrs. Ses trop nombreuses incartades l’avaient privé du grand rôle qui aurait pu couronner sa carrière, celui de Père de la Confédération.
AN, MG 26, A, Macdonald à Henry Smith, 1er juill. 1856.— Canada, prov. du, Assemblée législative, Journaux, 14 mai 1857 ; Parl., Débats parl. sur la Confédération, 916 ; Doc. de la session, 1865, 1re session, n° 17 : 87–93.— John Prince : a collection of documents, introd. de R. A. Douglas, édit. (Toronto, 1980).— A short history and description of the Ojibbeway Indians now on a visit to England (Londres, 1844).— Thunder Bay district, 1821–1892 : a collection of documents, introd. de [M.] E. Arthur, édit. (Toronto, 1973).— Essex Record (Windsor, Ontario), 15 août 1872.— Evening News (Detroit), 13 mars 1893 (coupures provenant de la Detroit Public Library, Burton Hist. Coll., C. M. Burton scrapbooks, 3 : 151).— Globe, 7 oct. 1851, 3 août 1854, 14 mai 1857, 18 juill., 7 oct. 1861, 24 juin 1863.— Montreal Gazette, 7 oct. 1861.— Windsor Herald, 13 janv. 1855, 12 sept., 10, 24 oct. 1856.— J. E. Buja, « Arthur Rankin : a political biography » (thèse de
Patrick Brode, « RANKIN, ARTHUR », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/rankin_arthur_12F.html.
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Auteur de l'article: | Patrick Brode |
Titre de l'article: | RANKIN, ARTHUR |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1990 |
Année de la révision: | 1990 |
Date de consultation: | 20 déc. 2024 |