OHTOWAˀKÉHSON (Ahdohwahgeseon, Adonwentishon, Catharine, Catharine Brant), matrone du clan agnier de la Tortue, née vers 1759 au bord de la Mohawk (New York), fille de George Croghan et d’une Agnière ; décédée le 23 ou le 24 novembre 1837 près de Brantford, Haut-Canada.

Catharine était la fille d’une Agnière de noble lignage et la petite-fille de Sarah, épouse de Karaghtadie* ; toutes deux avaient probablement été matrones. C’était là un titre important, qui habilitait à nommer ou à déposer le Tekarihogen, grand sachem de la ligue des Six-Nations, non sans avoir mené auparavant une vaste consultation auprès de toutes les classes d’Agniers. Le père de Catharine était agent du département des Affaires indiennes, mais elle grandit dans un milieu entièrement agnier et préféra toujours vivre à la manière des Indiens. Même si elle comprenait l’anglais, elle n’accepta jamais de le parler, même jusque dans ses dernières années. Au moins une fois, elle écrivit son nom (Katerin) ; en d’autres occasions, elle signa d’une croix.

En 1779, pendant la Révolution américaine, Catharine vivait au fort Niagara (près de Youngstown, New York), où nombre d’Indiens demeurés loyaux à la couronne avaient trouvé refuge auprès de la garnison britannique. C’est à cet endroit qu’elle épousa Joseph Brant [Thayendanegea*], d’abord selon la coutume indienne puis, au cours de l’hiver de 1779–1780, selon la loi anglaise. Des prisonniers américains rapportèrent que Brant (marié deux fois devant un ecclésiastique, et deux fois veuf), tout de suite après avoir vu le magistrat John Butler* célébrer un mariage, le pressa de tenir une cérémonie semblable pour Catharine et lui-même.

Aux Indiens des Six-Nations qui ne voulaient pas vivre aux États-Unis, le gouverneur Frederick Haldimand* octroya en 1784 une vaste concession qui s’étendait de la source à l’embouchure de la rivière Grand (Ontario) ; les Brant allèrent s’y établir au printemps suivant. Installés dans la plus belle maison du village agnier, ils recevaient de nombreux invités. Ainsi le voyageur écossais Patrick Campbell* leur rendit visite en février 1792. Catharine, rapporta-t-il, était une belle grande femme aux yeux noirs ; richement vêtue, elle éclipsait tout à fait deux jeunes et jolies Blanches qui étaient présentes. Déjà parents de plusieurs enfants, les Brant en eurent en tout sept.

De noble naissance, Catharine exerçait beaucoup d’influence sur les Six-Nations. Elle avait de l’ascendant sur Henry Tekarihogen*, son demi-frère aîné (ou peut-être son cousin) qu’elle-même ou sa mère avait nommé grand sachem avant 1787, et elle dut être particulièrement écoutée des femmes de la tribu, qui formaient une force politique non négligeable. En 1793, le lieutenant-gouverneur du Haut-Canada, John Graves Simcoe*, refusa aux Six-Nations les droits de jouissance et de propriété sur la concession octroyée par Haldimand. Cette mesure, qui les empêchait de vendre des terrains, mécontenta profondément Joseph Brant. L’agitation se mit à régner à la rivière Grand et les femmes, réunies en conseil, chargèrent leurs guerriers de défendre le territoire. Il est impossible de ne pas voir l’influence de Catharine dans cet épisode, tout comme dans celui de mai 1802, où les femmes de la tribu s’excusèrent auprès de Brant de la part qu’elles avaient prise aux dissensions qui avaient failli mener à son assassinat.

Comme les querelles n’étaient pas éteintes, les Brant allèrent bientôt s’installer sur le territoire actuel de Burlington, à l’extrémité ouest du lac Ontario, où Joseph avait construit sur un domaine d’environ 700 acres, dans le voisinage des Blancs, une grande demeure – un château même, disaient certains. Il aspirait à vivre comme un Anglais de la bonne société, ce qui manifestement n’intéressait pas Catharine. Même si des domestiques étaient à sa disposition, quand elle avait besoin d’eau, elle n’hésitait pas à envoyer son petit John [Tekarihogen*] en chercher ; aux repas, elle plaçait son chat blanc sur le coin de la table et lui versait une soucoupe de lait. Sophia Pooley, née Burthen, esclave des Brant pendant sa jeunesse, rapportait que Catharine l’avait battue : « [elle] me disait en indien de faire telle chose puis me frappait avec ce qui lui tombait sous la main parce que je ne la comprenais pas ». Un jour, elle blessa la jeune fille au visage avec un couteau ; quand Joseph apprit l’incident, il punit sa femme « comme si elle avait été une enfant ».

Après la mort de son mari en 1807, Catharine retourna vivre dans son ancienne maison de la rivière Grand. Pendant des années, une faction favorable à Brant et une autre, opposée, subsistèrent parmi les Indiens de l’endroit. Henry Tekarihogen, et sans nul doute Catharine elle-même, essayèrent de poursuivre les orientations politiques et économiques de Brant. Ils continuèrent longtemps à réclamer pour les Indiens les terres du haut de la rivière (qu’on leur refusait en raison d’une erreur dans l’acte de concession) et à tenter d’obtenir un acte qui reconnaîtrait leur pleine souveraineté sur tout le territoire. À la mort de Henry, en 1830, ou peut-être un peu avant, quand il devint complètement aveugle, Catharine fit de son fils John, homme plein de ressources, le nouveau Tekarihogen. Comme John à son tour mourut le 27 août 1832, du choléra, elle nomma grand sachem le bébé de sa fille Elizabeth.

Catharine Brant était une maîtresse de maison industrieuse et une chrétienne sincère. On rapporte que, dans les dernières années de sa vie, elle se présentait tous les dimanches à la chapelle des Agniers « vêtue d’une jupe de velours noir, d’une robe chasuble de soie noire, d’une couverture de drap noir et d’une coiffure de velours noir ornée d’une bande de fourrure ». En songeant peut-être aux étranges événements de son existence, elle disait souvent à ses enfants que nul ne sait ce que réserve l’avenir. Elle mourut exactement 30 ans après son mari.

Isabel T. Kelsay

AO, MS 148, sect. i, Brant family ; RG 22, sér. 204, testament de Catharine Brant, homologué le 27 avril 1839.— APC, MG 11, [CO 42] Q, 312–1 : 18–19.— Wis., State Hist. Soc., Draper mss, 13F25, 13F31, 13F58, 13F94, 14F63, 21F16.— James Buchanan, Sketches of the history, manners, and customs of the North American Indians with a plan for their melioration (2 vol., New York, 1824), 2 : 36.— Patrick Campbell, Travels in the interior inhabited parts of North America in the years 1791 and 1792 [...] (Édimbourg, [1793]), 190–191.— W. W. Campbell, Annals of Tryon County ; or, the border warfare of New York, during the revolution (New York, 1831), app., 16–17.— Corr. of Lieut. Governor Simcoe (Cruikshank), 2 : 115. — [Thomas Douglas, 5e comte de] Selkirk, Lord Selkirk’s diary, 1803–1804 ; a journal of his travels in British North America and the northeastern United States, P. C. T. White, édit. (Toronto, 1958 ; réimpr., New York, 1969), 161.— The refugee : a north-side view of slavery, Benjamin Drew, compil. ; introd. de T. G. Edelstein (Reading, Mass., 1969), 135–137.— Valley of Six Nations (Johnston), 297.— W. L. Stone, Life of Joseph Brant – Thayendanegea (New York, 1838), 2 : 463, 500, 535, 537.— Isabel Thompson Kelsay, Joseph Brant, 1743–1807, man of two worlds (Syracuse, N.Y., 1984).— A. I. G. Gilkison, « Reminiscences of earlier years in Brant », OH, 12 (1914) : 81–88.

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Isabel T. Kelsay, « OHTOWAˀKÉHSON (Ahdohwahgeseon, Adonwentishon) (Catharine, Catharine Brant) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/ohtowakehson_7F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1988
Année de la révision:    1988
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