Titre original :  Roberta Elizabeth Tilton

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ODELL, ROBERTA ELIZABETH (Tilton), réformatrice sociale, née le 20 septembre 1837 à Whiting, Maine, fille de Daniel Ingalls Odell et de Hannah Elizabeth Peavey ; le 11 novembre 1858, elle épousa à Eastport, Maine, John Tilton, de Saint-Jean, Nouveau-Brunswick ; décédée le 28 mai 1925 à Ottawa et inhumée le 1er juin au cimetière Beechwood.

À l’apogée de l’ère victorienne, Roberta Elizabeth Odell Tilton fut un imposant personnage de la société d’Ottawa. Grande, belle, énergique, elle défendit, par des discours et des écrits convaincants, le droit de participation des femmes à la vie sociale. De plus, elle contribua à la création d’une solide culture féminine en militant dans plusieurs organismes.

Mme Tilton arriva à Ottawa en janvier 1868, après que son mari eut abandonné son commerce de Saint-Jean pour entrer dans la fonction publique fédérale. En 1878, elle fit sa première entrée, semble-t-il, sur la scène publique en devenant la première vice-présidente de l’Ontario Woman’s Christian Temperance Union. Cofondatrice, trois ans plus tard, d’une section de cette organisation, elle fut élue sans opposition présidente de cette section et de son service des écoles du dimanche. La Woman’s Christian Temperance Union, qui se vouait à l’éradication de l’alcool, du tabac et de la violence contre les femmes et les enfants, ne tarda pas à se donner pour mission de combattre aussi une foule d’autres fléaux sociaux. Préserver la famille chrétienne, enseigner aux jeunes à prendre leurs responsabilités envers eux-mêmes et envers la société, résister à l’hédonisme de la société mercantile et laïque, tels étaient ses principaux objectifs.

Roberta Elizabeth Odell Tilton était à l’avant-scène du mouvement. Dans ses premières années de militantisme, elle promut notamment l’ouverture d’un café au marché By, où l’alcool coulait à flots. Bien que son mari l’ait taxée de naïveté, elle-même et ses collègues menèrent ce projet à terme sans aucune aide de la part des conseillers masculins de l’union. « Les dames avaient toutes l’esprit tendu vers un seul but, gagner des âmes », a-t-elle écrit. « Nos esprits s’étaient concentrés sur le Seigneur et son amour, notre but [étant] de lui gagner des âmes. » Élevée dans une famille unitarienne, Mme Tilton avait adhéré à l’Église d’Angleterre au moment de son mariage, et sa foi s’enracinait dans l’évangélisme anglican. Un vrai croyant, soutenait-elle, pouvait contribuer au salut de son prochain en le forçant à reconnaître les fautes commises et en mettant en place des moyens d’éloigner le péché.

Comme d’autres membres importants de la section locale et provinciale de la Woman’s Christian Temperance Union, Mme Tilton servit aussi son organisme à l’échelle nationale à titre de surveillante du repos dominical (1889), de trésorière (1892–1895), de surintendante des camps de soldats et de volontaires et de la milice (1895–1897) et de vérificatrice officielle (1898–1901). Elle avait créé un service des drogues au sein de l’organisme provincial en 1890 et en fut surintendante jusqu’en 1891 ; en 1890 également, elle fut l’une des déléguées au congrès annuel de l’instance nationale de la Woman’s Christian Temperance Union.

Mme Tilton fut également l’initiatrice de la Woman’s Auxiliary – ou groupe des dames auxiliaires – de la Société des missions de l’Église anglicane en Canada. En avril 1885, à titre de chef d’une délégation de sept femmes, elle présenta au conseil d’administration de la Domestic and Foreign Missionary Society une proposition qu’elle avait rédigée et qui portait sur la fondation de ce groupe. « Il y a aujourd’hui dans l’Église, écrivait-elle, des Marie qui ont choisi la meilleure part ; il y a les infatigables Marthe, qui ne cherchent que l’occasion d’accomplir quelque chose pour Jésus ; les Madeleine, qui racontent la résurrection de Notre-Seigneur ; les Phœbé, qui apportent des messages d’amour et des salutations chrétiennes ; les Tryphène et les Tryphose [et] les Dorcas, qui ne se lassent jamais de faire le bien […] oui, dans l’Église du Canada – de Victoria à Sydney – il y a des femmes qui désirent se dépenser davantage, consacrer tous leurs talents à l’œuvre du Seigneur. » Le conseil d’administration accepta la proposition avec enthousiasme, et Mme Tilton fut invitée à assumer la fonction de secrétaire des dames auxiliaires dans le diocèse de l’Ontario, la première section établie [V. John Travers Lewis*]. Au moment de la formation du bureau provincial, en 1886, elle en devint secrétaire d’administration. En 1891, elle en devint présidente, et occupa ce poste durant une décennie. De 1902 à 1908, elle fut secrétaire générale de l’instance nationale des dames auxiliaires. Tout au long de cette période, elle exerça aussi un certain nombre de fonctions administratives dans l’instance diocésaine. Sous son autorité, la Woman’s Auxiliary soutint diverses causes, mais en vint à se spécialiser dans le soutien des missions et des « dames missionnaires », et surtout dans le financement de l’éducation des enfants de missionnaires qui n’habitaient pas à proximité d’une école. La Woman’s Auxiliary devint la plus grosse association féminine de l’Église d’Angleterre au Canada. À la mort de Mme Tilton, elle comptait environ 70 000 membres et 3 000 sections. Aujourd’hui, parmi toutes les organisations de cette Église dont les activités se sont poursuivies sans interruption, elle est la plus ancienne.

En 1908, quand Roberta Elizabeth Odell Tilton quitta la direction nationale de la Woman’s Auxiliary, elle reçut en cadeau une coquette somme d’argent dont elle fit don pour le soutien des missionnaires âgées. En 1925, les dames auxiliaires du diocèse d’Ottawa , dont elle faisait partie depuis la fondation du diocèse en 1896, lui rendraient un hommage posthume en achetant une maison dont elles feraient leur centre et à laquelle elles donneraient son nom. Ces témoignages de respect furent rendus à Mme Tilton dans la pleine conscience de son apport à la redéfinition du rôle des femmes anglicanes. Naguère affectées, à titre d’adjointes et d’aides, à des activités définies pour elles, elles faisaient désormais valoir leur droit de déterminer des projets d’une importance particulière pour les autres femmes et de trouver parmi leurs membres le financement nécessaire à leur réalisation.

D’autres organisations féminines anglicanes bénéficièrent des qualités de chef de Mme Tilton. En utilisant les stratégies qui lui avaient permis de créer la Woman’s Auxiliary dans son diocèse, puis d’en faire une association nationale, elle réorganisa en avril 1889 la section outaouaise de la Girls’ Friendly Society in Canada, structure dans laquelle des chrétiennes adultes pourraient guider leurs jeunes sœurs. La manière dont elle dirigea l’instance diocésaine de la Girls’ Friendly Society illustre à quel point les organisations féminines entretenaient alors des liens étroits. Ainsi, la Girls’ Friendly Society s’associa à divers organismes pour meubler une pièce au Children’s Hospital et pour fournir des bénévoles et de l’aide financière à la mission interconfessionnelle de l’Anglesea Square. Ses membres collaboraient à diverses activités avec le Local Council of Women et pouvaient entendre des conférences organisées par la Young Women’s Christian Association, dont la directrice était une amie de Mme Tilton. La Mothers’ Union et la Girls’ Auxiliary faisaient également partie des groupes féminins anglicans du diocèse auxquels participait Mme Tilton, ce qui contribuait à resserrer les rapports entre eux. Par ailleurs, Mme Tilton œuvra à l’extérieur de l’Église. Elle figura parmi les fondatrices du National Council of Women of Canada, où elle s’intéressa particulièrement à l’immigration. À la demande de lady Aberdeen [Marjoribanks*], elle représenta la Girls’ Friendly Society à l’assemblée d’organisation du conseil. De plus, elle appartint au comité directeur du Local Council of Women et de l’Orphans’ Home of the City of Ottawa, qui tenait notamment un refuge pour dames âgées.

Le mari de Roberta Elizabeth Odell Tilton, John Tilton, qui avait été sous-ministre et commandant des Governor General’s Foot Guards, mourut en 1914. À un moment donné, le couple avait adopté un garçon, baptisé Silas, qui était décédé avant d’atteindre l’âge adulte. Dans son journal de 1912, Mme Tilton marqua l’anniversaire de naissance de Silas en notant : « [s’il avait survécu,] il serait marié et aurait probablement des enfants, ce qui serait une grande joie pour nous tous ». « Mais, ajoutait-elle, je ne doute pas que Dieu a fait pour le mieux. » Décédée en mai 1925 après une vie bien remplie, elle eut droit à un éloge que toutes les membres de la Woman’s Auxiliary aspiraient à mériter : « Elle a fait ce qu’elle a pu, non pas ce qu’elle aurait aimé faire, ni ce que les autres pensaient qu’elle aurait dû faire, mais ce qu’elle a pu. » Le 30 mai de chaque année, l’Église anglicane du Canada honore la mémoire de cette femme dévouée.

Sharon Anne Cook

AN, RG 31, C1, 1901, Ottawa, B, 4 : 23, nº 39 (mfm aux AO).— AO, F 885, MU 8397–8398, 8406–8407, 8425.10 ; RG 80-8-0-988, nº 9405.— EAC, Diocese of Ottawa Arch., Girls’ Friendly Soc. and Ottawa Diocesan Council, minute-book, 1894 ; General Synod Arch. (Toronto), GS 76-15 (Woman’s Auxiliary papers), R. E. Tilton, journals.— Ottawa Citizen, 29 mai 1925.— S. A. Cook, « To “bear the burdens of others profitably” : the changing role of women in the diocese of Ottawa, 1896–1996 », dans Anglicanism in the Ottawa valley, F. A. Peake, édit. (Ottawa, 1997), 129–153.— Mme Willoughby Cummings [E. A. McC. Shortt], Our story : some pages from the history of the Woman’s Auxiliary to the Missionary Society of the Church of England in Canada, 1885 to 1929 (Toronto, [1929 ?]).— Église d’Angleterre au Canada, Board of Domestic and Foreign Missions, Woman’s Auxiliary, Letter leaflet (Toronto), nov. 1896.— Key Eliot, « History of the Woman’s Auxiliary in Carleton deanery » (texte dactylographié, Ottawa, 1957 ; exemplaire aux Diocese of Ottawa Arch., EAC).— National Council of Women of Canada, Year book (Ottawa ; Toronto).— Vital statistics from N.B. newspapers (Johnson), 17, nº 864.— [L. C. W.], Sketch of the life and work of Roberta E. Tilton, by one of her first W.A. members ([Ottawa ?], s.d.).

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Sharon Anne Cook, « ODELL, ROBERTA ELIZABETH (Tilton) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/odell_roberta_elizabeth_15F.html.

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Auteur de l'article:    Sharon Anne Cook
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2005
Année de la révision:    2005
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