Titre original :  Source: The Leader-Post (Regina, Saskatchewan, Canada) - 28 Jun 1911, page 9.

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NAPOLITANO (Neapolitano), ANGELINA, maîtresse de maison condamnée pour meurtre, née vers 1883 près de Naples (Italie) ; on ignore son nom de baptême et l’identité de ses parents ; en 1898, elle épousa Pietro Napolitano ; décédée en ou après 1924.

Dans l’après-midi de Pâques, le 16 avril 1911, dans un logement situé à l’étage d’une maison du quartier des immigrants à Sault-Sainte-Marie, en Ontario, Angelina Napolitano, âgée de 28 ans et enceinte, tua son mari endormi en le frappant quatre fois au cou et à la tête avec une hache. Ensuite, elle appela un voisin pour lui dire ce qu’elle avait fait et attendit la police en serrant dans ses bras le benjamin de ses quatre enfants. Née dans une localité de la campagne napolitaine, elle avait passé sept ans à New York et était arrivée en Ontario avec Pietro Napolitano en 1909. Le couple avait vécu à Thessalon, puis, deux ans avant la mise en accusation d’Angelina pour meurtre, s’était établi à Sault-Sainte-Marie.

Le procès d’Angelina Napolitano eut lieu les 8 et 9 mai 1911 dans cette ville, au tribunal du district, sous la présidence du juge Byron Moffatt Britton. Le procureur de la couronne était Edmund Meredith. Comme l’accusée n’avait pas d’avocat, le juge lui adjoignit les services d’Uriah McFadden et ajourna l’audience au lendemain matin afin de leur permettre de se préparer. La poursuite appela neuf témoins à la barre ; seule Mme Napolitano témoigna pour la défense. Le jury la déclara coupable mais recommanda la clémence. Brytton la condamna à la pendaison et fixa l’exécution au 9 août, pour lui donner le temps d’accoucher.

Pourquoi Angelina tua-t-elle Pietro ? La preuve suggère fortement qu’elle était terrifiée parce que son mari, violent, cherchait à la forcer à se prostituer. Ouvrier sous-employé, il voulait de l’argent pour construire une maison. Au procès, on apprit que, en novembre 1910, il lui avait donné neuf coups de couteau au visage, dans le cou et à l’épaule. Accusé de voies de fait, il avait été condamné avec sursis. Il avait continué de la maltraiter et, le jour du crime, lui avait encore ordonné de se livrer à la prostitution, ou, comme elle le rapporta, de « se comporter [comme] une mauvaise femme ». Il l’avait menacée de la battre ou de la tuer si elle n’avait pas d’argent à lui remettre quand il se réveillerait.

Au procès, McFadden fit valoir que les mauvais traitements de son mari, et surtout les coups de couteau de l’année précédente, avaient poussé Angelina au meurtre. Le juge déclara cette preuve irrecevable : « si quelqu’un qui a été blessé il y a six mois pouvait invoquer ce fait pour justifier ou excuser un meurtre, ce serait l’anarchie totale ». À cette époque, où l’on ne tenait pas encore compte des violences subies par un accusé, l’interprétation de Britton était raisonnable, bien qu’étriquée.

L’affaire Napolitano suscita un énorme débat. Parmi les détracteurs d’Angelina se trouvaient des tartufes selon qui le meurtre prouvait que les « étrangers » représentaient un danger. Puisant dans les clichés racistes d’alors, un chroniqueur cité dans le Sault Star dépeignit les Italiens du Sud comme des étrangers « au sang chaud » qui « [étaient] trop prompts à utiliser le couteau, le pistolet ou toute autre arme qu’ils [avaient] sous la main pour redresser des torts réels ou imaginaires ». Un autre article du même journal affirma qu’Angelina méritait la mort parce qu’elle était immorale : n’avait-elle pas permis à un autre homme de rester en pension chez elle pendant une courte période où Pietro était absent de la ville ?

Bon nombre de gens prirent la défense de la condamnée, et il y eut une campagne en faveur de la commutation de sa sentence en une peine d’emprisonnement. Le cabinet du ministre fédéral de la Justice, sir Allen Bristol Aylesworth*, fut inondé de courrier, notamment de longues pétitions lancées par des particuliers ou des groupes de Sault-Sainte-Marie, de Toronto, de New York, de La Nouvelle-Orléans, de Chicago et même d’Angleterre, d’Autriche et de Pologne. Les Italiens de Sault-Saint-Marie restèrent assez discrets – le Sault Star prétendit qu’ils étaient contre Angelina – mais bon nombre de ceux de Toronto, de Montréal, de Chicago et de New York, surtout dans les milieux de gauche, s’associèrent à la campagne. McFadden et d’autres Anglo-Canadiens, y compris un groupe biblique masculin, firent de même. Les défenseurs d’Angelina Napolitano demandaient au gouvernement de tenir compte des mauvais traitements qu’elle avait subis et de lui épargner la peine capitale. Quelques-uns allèrent jusqu’à réclamer le pardon. Certaines des prises de position les plus vigoureuses provinrent de féministes canadiennes, américaines et britanniques qui, en militant pour le droit de vote, étaient devenues des lobbyistes expérimentées. L’existence d’un mouvement international des femmes explique d’ailleurs en partie la publicité soutenue dont l’affaire bénéficia. Des féministes soulignèrent que les coups reçus par Angelina avaient constitué une provocation suffisante et qu’elle était en situation de légitime défense. Le rejet de cet argument par le juge, ajoutaient-elles, révélait des codes sexistes. Comme le déclara le Common Cause de Londres, périodique en faveur du suffrage féminin, la loi et son administration étaient « tous deux mauvais » car « ils [étaient] exclusivement masculins ».

D’autres pétitionnaires présentaient Angelina Napolitano comme une femme courageuse qui avait débarrassé la terre d’un goujat. « Enlever la vie à son mari corrompu et méchant n’était même pas un meurtre » mais un « terrible et détestable devoir », écrivit une femme d’Angleterre, parce que cela « délivr[ait] la race d’ulcères répugnants ». « Le monde, concluait-elle, a besoin d’héroïnes de ce genre pour le sortir de l’ornière infecte où il se trouve aujourd’hui », car l’« ornière de l’immoralité [est] un crime bien pire que le meurtre ! » Pour bien comprendre de tels commentaires, il convient de les situer dans le contexte du féminisme de l’époque, qui souscrivait à des stéréotypes populaires, quoiqu’erronés, selon lesquels les « étrangers » de sexe masculin étaient portés à la violence et à l’immoralité sexuelle.

Certains affirmaient qu’Angelina Napolitano devait bénéficier de la clémence afin que l’enfant qu’elle portait ne subisse pas de tort. Ce raisonnement s’appuyait sur l’idée, également courante à l’époque, qu’un fœtus risquait de subir des dommages psychologiques si sa mère était dans un état d’agitation. La Toronto Suffrage Association y alla de l’avertissement suivant : « toute heure additionnelle passée par elle [Mme Napolitano] dans la terreur, en attendant son exécution, [...] nuira à l’innocent enfant à naître ». (Chose tragique, le bébé mourrait quelques semaines après sa naissance.) D’autres, dont Arthur Cyril Boyce, député fédéral d’Algoma West, prétendaient même qu’Angelina avait eu un accès de folie parce qu’elle était enceinte – version extrême de l’opinion selon laquelle la grossesse pouvait produire un déséquilibre émotif ou mental.

Le 14 juillet 1911, le cabinet fédéral commua la peine d’Angelina Napolitano en emprisonnement à vie. Onze ans plus tard, le 30 décembre 1922, elle fut mise en liberté sur parole et quitta le pénitencier de Kingston. De la prison, elle avait tenté de communiquer avec ses enfants, placés dans des foyers d’accueil, mais on ignore si elle les revit. On perd sa trace au moment où elle quitta Kingston, au printemps de 1924.

Franca Iacovetta

On peut trouver les sources relatives à l’article qui précède dans Karen Dubinsky et Franca Iacovetta, « Murder, womanly virtue, and motherhood : the case of Angelina Napolitano, 1911–1922 », CHR, 72 (1991) : 505–531.

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Franca Iacovetta, « NAPOLITANO (Neapolitano), ANGELINA », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/napolitano_angelina_15F.html.

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Auteur de l'article:    Franca Iacovetta
Titre de l'article:    NAPOLITANO (Neapolitano), ANGELINA
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2005
Année de la révision:    2005
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