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MULOCK, CAWTHRA, philanthrope et homme d’affaires, né le 17 mai 1882 à Toronto, fils de William Mulock* et de Sarah Ellen Crowther ; le 24 juin 1903, il épousa dans cette ville Adèle Baldwin Falconbridge, et ils eurent trois filles et un fils ; décédé le 1er décembre 1918 à New York et inhumé au cimetière St James de Toronto.
Cawthra Mulock naquit dans l’une des plus éminentes familles de Toronto. Son père, avocat réputé, était député fédéral ; la tante de sa mère, Sarah Ellen Crowther, était la veuve de William Cawthra* et de William Allan Murray, deux riches hommes d’affaires. Mulock étudia à l’Upper Canada College et à la University of Toronto, où son père était vice-chancelier et dont lui-même sortit après 1901, sans diplôme mais son avenir assuré. En 1897, sa grand-tante était morte en laissant une succession de près de 2 700 000 $ sous la curatelle de William Mulock. Le plus gros de cette somme, placé en fiducie, était destiné à Cawthra – la presse le surnomma « le garçon millionnaire » ; des versements lui seraient faits à compter du moment où il aurait 21 ans. Le reste, y compris Northwold, la magnifique résidence de Sarah Ellen Cawthra Murray à l’intersection des rues Jarvis et Isabella, lui reviendrait à l’âge de 25 ans. On ignore pourquoi ses sœurs et son frère aîné furent laissés pour compte.
En même temps que cet héritage, qui attira sur Mulock les regards de l’élite sociale et financière de Toronto, son mariage en 1903 avec une fille du juge en chef William Glenholme Falconbridge sema la consternation. Adèle Baldwin Falconbridge était mineure (elle avait 19 ans) et, de toute évidence, sa famille avait exigé que Mulock institue d’abord un fidéicommis à l’intention de la fiancée. De plus, Adèle était catholique et Mulock, anglican. L’archevêque catholique Denis O’Connor, adversaire des mariages mixtes, insista pour que la cérémonie ait lieu à la demeure du prêtre plutôt que dans une église ou à la maison familiale. Sir William Mulock, alors ministre du cabinet, s’assura l’appui du premier ministre du pays, sir Wilfrid Laurier, du délégué apostolique Donato Sbarretti y Tazza et de John Read Teefy, supérieur du St Michael’s College de Toronto, mais O’Connor tint bon et le mariage fut célébré au presbytère de l’église Our Lady of Lourdes.
L’année suivante, Mulock entra au conseil d’administration du Toronto General Hospital à la demande du président de cet organisme, Joseph Wesley Flavelle*. Apparemment, un proche de Mulock, peut-être son père, avait laissé entendre que sa fortune le gâterait si on ne le mettait pas au travail. Mulock s’engagea en même temps à fournir 100 000 $, engagement qui servit à lancer une campagne en faveur de la construction d’un nouvel hôpital, mais il commença à la verser seulement après avoir été menacé de poursuites judiciaires. Il appartenait aussi au conseil de la Toronto Guild of Civic Art et de la National Horse Show Association. En 1907, il donna 10 000 $ à l’Hospital for Sick Children.
Mulock est connu surtout pour avoir fait bâtir le Royal Alexandra Theatre en 1906–1907 rue King, à l’ouest du quartier des théâtres de Toronto. Bien décidé à créer un centre moderne des arts du spectacle, il avait formé en 1905 un consortium avec Robert Alexander Smith, courtier et ancien président de la Bourse de Toronto, le manufacturier Stephen Haas et Lawrence Solman*, propriétaire d’une équipe de baseball, d’un parc d’attractions et des traversiers de l’île Toronto. Conçu dans le style beaux-arts par John MacIntosh Lyle* en association avec le bureau d’architectes Carrère and Hastings de New York, le théâtre ouvrit ses portes le 26 août 1907. En partie à cause de son intérieur très ornementé et de sa construction à l’épreuve du feu, il coûta, dit-on, le double de l’évaluation originale. Bien qu’une compagnie de théâtre ait été formée sous la présidence de Mulock, le « Royal Alex » accueillait la plupart du temps des troupes en tournée. Ce fleuron de Toronto serait vendu en 1963 par la succession de Mulock à Edwin Mirvish et sauvé de la démolition.
La richesse et l’esprit d’entreprise de Mulock facilitèrent son entrée dans les affaires. En 1905, il dirigea aussi un consortium qui acquit à Eugenia, en Ontario, un emplacement de production énergétique qui fut vendu par la suite à la Hydro-Electric Power Commission of Ontario. Il acheta un siège à la bourse en 1908 et fut bientôt nommé à plusieurs conseils d’administration. Outre sa fortune – il avait touché la totalité de son héritage dès 1909 –, les observateurs lui reconnaissaient deux avantages : un flair pour les bonnes occasions et le don de s’allier à des hommes d’affaires talentueux. Il appartint au conseil d’administration de l’Association d’assurance sur la vie, dite la Confédération, de la Banque impériale du Canada et de la National Trust Company Limited. En tant que vice-président de la Maple Leaf Milling Company Limited, il eut la responsabilité de fusionner en 1911 les boulangeries qui formèrent une société où il avait des intérêts majoritaires, la Canada Bread Company Limited. En outre, il fut président de la National Iron Works Limited et de la Guardian Trust Company Limited. Vers 1912, il fonda la Cawthra Mulock and Company, établissement bancaire et maison de courtage. Ses nombreux biens immobiliers témoignaient aussi de son bon jugement. Il mit des lots en valeur dans un chic quartier torontois, Rosedale, et acheta notamment en 1909, dans la baie d’Ashbridges, 26 acres de terres marécageuses où il bâtit l’usine de la National Iron Works Limited. À part la maison des Cawthra, où il habitait, il possédait à Brighton Beach, sur le lac Simcoe, des propriétés au bord de l’eau et des terres agricoles. En 1913, le Toronto Daily Star, qui estimait sa fortune à 4 millions de dollars, le classa parmi les hommes les plus riches de Toronto après George Albertus Cox, sir William Mackenzie*, John Craig Eaton* et sir Edmund Boyd Osler*.
Comme son père, Mulock était libéral. Il appartenait au comité général de l’Ontario Liberal Association et entretenait de bonnes relations avec Laurier. À l’occasion, lui-même et sa femme étaient invités à la maison du premier ministre. En 1911, Laurier lui demanda de se porter candidat dans Toronto Centre, mais il refusa.
Mulock mourut subitement en 1918 de la grippe espagnole au cours d’un voyage à New York. Sa succession, estimée à 2 351 211,87 $ et constituée surtout d’actions et de titres divers, fut subdivisée entre ses enfants. Le fidéicommis de 250 000 $ institué à l’intention de sa femme au moment de leur mariage fit l’objet d’un long litige : la province tenta de percevoir des droits de succession sur la somme, mais elle fut finalement déboutée par le comité judiciaire du Conseil privé. Adèle Baldwin Falconbridge épousa son cousin Thomas Moss en 1919 et, jusqu’à sa mort en 1935, elle partagea son temps entre Toronto et une villa à Cannes, en France.
Cawthra Mulock était un homme du monde. Membre actif de plusieurs clubs, grand voyageur, plein de verve, il paraissait bien et avait des manières raffinées. Il était l’un des membres les plus hauts en couleur d’une nouvelle génération de capitalistes torontois et investit avec discernement dans les marchés boursier et immobilier de la ville, alors en plein essor. Encore aujourd’hui, le Royal Alexandra Theatre témoigne de l’imagination de son jeune bâtisseur et rappelle l’esprit du capitalisme, qui en permit la construction et en assura la survie.
AN, MG 26, G : 139058–139059, 139062, 188508–188510 ; RG 31, C1, 1901, Toronto, Ward 3, div. 35 : 21 (mfm aux AO).— AO, RG 22-305, nos 12400, 37826 ; RG 80-5-0-309, no 2074.— Archivio Segreto Vaticano (Rome), Delegazione apostolica del Canadà, 89.3.— St James’ Cemetery and Crematorium (Toronto), Burial records and tombstone, lot 14, sect. F hill.— Daily Mail and Empire, 2 déc. 1918.— Evening Telegram (Toronto), 29 sept. 1904, 9 sept. 1919, 2 janv., 19 juin 1934.— Globe, 30 sept. 1904, 4 déc. 1918, 3 janv. 1935.— Toronto Daily Star, 27 août 1907, 4 févr. 1913.— World (Toronto), 22–24 nov. 1897, 2 déc. 1918.— Attorney-General of Ontario v. Perry, [1933] Ontario Reports (Toronto) : 218–224, 617–623 ; affirmed (1934), Law Times Reports (Londres), 151 : 405–109.— E. T. Bewley, The family of Mulock (Dublin, 1905).— Michael Bliss, A Canadian millionaire : the life and business times of Sir Joseph Flavelle, bart., 1858–1939 (Toronto, 1978).— Canadian annual rev. (Hopkins), 1905–1906, 1909, 1913.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1912).— I. M. Drummond et al., Progress without planning : the economic history of Ontario from confederation to the Second World War (Toronto, 1987).— Robert Fairfield, « Theatres and performance halls », dans Early stages : theatre in Ontario, 1800–1914, Ann Saddlemyer, édit. (Toronto, 1990), 228–232.— N. J. Haynes, « A history of the Royal Alexandra Theatre, Toronto, Ontario, Canada, 1914–1918 » (thèse de ph.d., Univ. of Colo., Boulder, 1973).— M. D. G. O’Neill, « A partial history of the Royal Alexandra Theatre, Toronto, Canada, 1907–1939 » (thèse de ph.d., La State Univ., Baton Rouge, 1976).— The roll of pupils of Upper Canada College, Toronto, January, 1830, to June, 1916, A. H. Young, édit. (Kingston, Ontario, 1917).— Saturday Night, 25 mars 1911 : 23.
Alexander Reford, « MULOCK, CAWTHRA », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/mulock_cawthra_14F.html.
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Auteur de l'article: | Alexander Reford |
Titre de l'article: | MULOCK, CAWTHRA |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1998 |
Année de la révision: | 1998 |
Date de consultation: | 20 déc. 2024 |