McPHAIL, WILLIAM, éducateur, agriculteur, et fonctionnaire, né le 11 avril 1830 à Corpach, Écosse, fils de William McPhail et de Mary McPherson ; décédé le 4 juillet 1905 à Orwell, Île-du-Prince-Édouard.
William McPhail était l’aîné des enfants d’un instituteur écossais qui, en 1833, immigra dans l’est de la Nouvelle-Écosse, puis en 1844, s’installa dans le sud-est de l’Île-du-Prince-Édouard. Dès 1847, il était titulaire d’un brevet d’enseignement et exerçait son métier à Newtown (Newtown Cross). Au fil des quelques années suivantes, il enseigna dans plusieurs districts et se bâtit une réputation de progressisme, de compétence et de rigueur. En 1854, il reçut des félicitations de John M. Stark, inspecteur d’écoles hautement exigeant que l’on avait fait venir de Glasgow pour veiller à l’application du Free Education Act de 1852 [V. George Coles*]. Le 3 août 1858, à Belfast, McPhail épousa Catherine Elizabeth Smith, qui était originaire de Lower Newton. Le couple allait avoir dix enfants qui parviendraient à l’âge adulte ; sept d’entre eux, dont deux des quatre filles, obtiendraient des diplômes universitaires : trois allaient devenir ingénieurs et trois autres, médecins. Pour nourrir toutes ces bouches, l’instituteur McPhail exploitait une ferme. Vers 1860, il tenta aussi sa chance en affaires : il acheta du thé et du tabac pour les revendre mais s’en tira avec une perte nette de plus de 20 £. Par ailleurs, tout au long de sa vie d’adulte, il fut conseiller presbytéral dans la secte de l’Église d’Écosse qu’avait fondée Donald McDonald*.
À compter de juin 1868, McPhail fut inspecteur des écoles du comté de Queens ; son salaire annuel était de 150 £, soit plus de deux fois le maximum de ce qu’il aurait pu gagner comme instituteur dans une école de district. Son énergie et sa minutie dépassaient celles de tous les inspecteurs qui avaient succédé à Stark, congédié 11 ans auparavant. Et ses rapports étaient remarquables. Il y parlait notamment des opinions courantes sur l’éducation, s’en prenant par exemple à l’idée selon laquelle l’instruction des filles importait moins que celle des garçons. Sa franchise, semblable à celle de Stark, lui valut des lettres de protestation de la part d’instituteurs en colère. Il dénonçait particulièrement le piètre état des écoles de Charlottetown, où le système d’enseignement public était en plein déclin dans la première moitié des années 1870. Longtemps après, Alexander Anderson, le légendaire directeur du Prince of Wales College de Charlottetown, allait faire observer que, « en son temps », McPhail avait fait « beaucoup pour entretenir la flamme de l’intelligence dans la province » – choix de mots des plus révélateurs. Sauf pendant sept mois en 1872–1873, McPhail exerça la fonction d’inspecteur d’écoles jusqu’à la fin de 1878. À ce moment-là, on l’écarta parce qu’il ne satisfaisait pas à la nouvelle liste de critères. Ironie du sort, ces exigences avaient été instaurées par le Public Schools Act de 1877 [V. Thomas Heath Haviland*], loi réformatrice dont il avait prôné bien des mesures durant des années. Il retourna à l’enseignement, ce qui eut au moins un avantage : il n’avait plus à se déplacer constamment pour visiter, en moyenne, deux écoles par jour.
Au début de 1882, le gouvernement conservateur de la province nomma McPhail superviseur du Prince Edward Island Hospital for the Insane [V. Jedediah Slason Carvell*]. Cette nomination suivait le scandale qui avait éclaté l’année précédente après qu’on eut appris qu’un patient, George Manson, avait été maltraité. La religion était entrée en ligne de compte dans le tollé général qui avait suivi : en effet, la plupart des cinq membres du personnel impliqués étaient catholiques alors que Manson appartenait à la secte de McDonald. Éminent laïque au sein de la secte, McPhail avait d’ailleurs participé à l’organisation d’une protestation de ses coreligionnaires à propos de l’incident. Une commission d’enquête avait conclu en novembre 1881 que « les responsables » avaient « manqué de la diligence requise ». On congédia le superviseur à la fin de l’année pour méfait et, conformément aux recommandations des commissaires, on redéfinit les fonctions du poste afin que les subordonnés soient soumis à une surveillance plus étroite.
La principale raison pour laquelle le gouvernement se tourna vers McPhail était son exceptionnelle réputation d’intégrité. Toutefois, William Wilfred Sullivan*, premier catholique à occuper le poste de premier ministre dans l’île (depuis deux ans seulement), devait trouver avantageux qu’il soit aussi un membre en vue dans la secte de McDonald. McPhail était connu également comme conservateur, et après avoir pris le pouvoir en 1891, les libéraux de Frederick Peters fixèrent son salaire à 600 S, ce qui représentait une diminution de 25 %. Or, rien n’indique que McPhail manquait à ses devoirs. Ses minutieux tableaux statistiques, qui donnaient le nombre de patients, leur âge et leur période d’internement, rappellent ses rapports d’inspecteur d’écoles, et le surintendant médical, Edward S. Blanchard, le louangeait souvent dans ses rapports annuels. Depuis que Blanchard avait cessé de résider à l’asile, en 1889, les responsabilités de McPhail s’étaient sensiblement accrues : sans un médecin de garde jour et nuit, il était en effet le résident le plus haut placé. Il ne doutait pas que les libéraux voulaient sa démission, mais il resta superviseur jusqu’en 1900. Au début de cette année-là, le gouvernement libéral de Donald Farquharson nomma un nouveau surintendant médical, Victor Lyall Goodwill, en lui donnant instructions de résider à l’hôpital et d’y consacrer tout son temps. Avec l’appui manifeste du gouvernement, Goodwill procéda à des transformations radicales. Jusque-là, on avait eu recours à des moyens de contention et veillé surtout à ce que les patients soient sous bonne garde ; désormais, on mettrait l’accent sur le professionnalisme du personnel et du traitement. McPhail fut relégué à une nouvelle fonction, celle d’économe ; il ne s’occupait plus du tout des malades, mais seulement des questions financières. En somme, il était déplacé par une modernisation semblable à celle qui lui avait coûté son poste d’inspecteur d’écoles. Il prit sa retraite le 30 juin 1903 et mourut d’une crise cardiaque deux ans plus tard.
Le témoignage le plus évocateur que l’on ait sur William McPhail, et qui indique quelle droiture et quelle autorité émanaient de sa personne, se trouve dans The master’s wife, chronique du milieu rural de l’Île-du-Prince-Édouard écrite par son fils, sir Andrew Macphail*, éminent homme de lettres. Ce livre donne vie aux valeurs et coutumes d’Orwell, village de pionniers écossais où William McPhail avait acheté une maison en 1864. Le « maître » dont il est question dans le titre, c’est lui. Et son fils rappelait : « tout ce que faisait le maître était bien – sa façon de manger, de boire, de tenir une plume ou un livre, de s’asseoir sur une chaise ou de s’en relever. [...] Il avait des expressions terriblement directes. Flâner sur un sentier forestier avec un autre motif que le dessein de traverser la forêt, c’était « se tapir dans les bois. » Le sérieux et le sens civique victoriens qu’il manifesta toute sa vie marquèrent ses enfants : James Alexander, professeur de génie à la Queen’s University, à Kingston, en Ontario, et Andrew lui-même, professeur à la McGill University, à Montréal, allaient se porter volontaires pour le service actif en Europe dès 1914, même s’ils étaient âgés respectivement de 44 et 49 ans. La maison d’Orwell a été donnée au gouvernement provincial en 1961 ; l’esprit de William McPhail continue de hanter la chambre où il mourut.
L’information concernant la cause du décès de William McPhail a été fournie par Mme Dorothy [Macphail] Lindsay, une petite-fille, dans une entrevue avec l’auteur le 29 juillet 1970. De la documentation additionnelle a été trouvée dans les papiers William McPhail et les papiers sir Andrew Macphail, documents en possession de la famille quand l’auteur les a consultés. [i. r. r.]
Un portrait de McPhail exécuté en 1899 par Alphonse Jongers se trouve en regard de la page 52 et une photographie de 1860 est en regard de la page 33 de l’édition originale de The master’s wife (mentionné ci-dessous).
PARO, RG 6, Supreme Court, minutes, 28–30 juin, 4–6, 16 juill. 1881 ; RG 15, land title docs., lot 50, lease 109.— Charlottetown Guardian, 5, 8 juill. 1905.— Daily Patriot (Charlottetown), juin–déc. 1881, 4, 5 juill. 1905.— Watchman (Charlottetown), 7 juill. 1905.— Î.-P.-É., Board of Education, Reports of the visitors of schools (Charlottetown), 1868–1878 ; House of Assembly, Journal, 1882, app.O ; Legislative Assembly, Journal, 1900, app.G ; Prince Edward Island Hospital for the Insane, Annual report of the trustees (Charlottetown), 1881–1903 (disponible en deux volumes reliés aux PARO).— Andrew Macphail, The master’s wife (Montréal, 1939 ; réimpr., Toronto, 1977).— I. R. Robertson, « Religion, politics, and education in P.E.I. » chap. 10 ; « Sir Andrew Macphail as a social critic » (thèse de
Ian Ross Robertson, « McPHAIL, WILLIAM », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/mcphail_william_13F.html.
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Auteur de l'article: | Ian Ross Robertson |
Titre de l'article: | McPHAIL, WILLIAM |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1994 |
Année de la révision: | 1994 |
Date de consultation: | 2 oct. 2024 |