MARIE, indienne, esclave, née à une date inconnue, jugée pour tentatives de meurtre et de suicide, et condamnée le 29 décembre 1759 à être pendue.

Les quelques informations que nous avons de cette esclave, propriété de Joseph-Claude Boucher* de Niverville résidant à Trois-Rivières, concernent surtout les actes criminels dont elle fut accusée durant les derniers mois de la domination française au Canada. Le 20 août 1759, vers une heure et demie de l’après-midi, Marie-Josephte Chastelain, épouse de Boucher de Niverville, et sa mère, Marguerite Cardin (Chastelain), demandèrent quelque besogne à l’esclave qui aiguisait un couteau de cuisine sur une pierre ; or cette dernière, qui entretenait de la haine pour ses deux maîtresses, se jeta sur elles et les frappa de son couteau. Marguerite Cardin reçut un coup au haut de la poitrine et un autre à l’épaule gauche ; la jeune dame de Niverville – elle n’avait que 22 ans – fut frappée à l’épaule droite et reçut une égratignure à l’épaule gauche. Le sang coula, les dames crièrent au meurtre et les voisins s’amenèrent ; l’esclave s’enfuit alors au grenier et se pendit à une corde.

Pendant qu’on pansait les blessures, le lieutenant de roi, Nicolas-Joseph de Noyelles de Fleurimont, survint avec quatre soldats ; il monta au grenier, aperçut la pendue et demanda à Théodore Panneton de couper la corde. Le chirurgien Charles Alavoine, mandé sur les lieux, arriva à son tour ; il fit porter l’esclave sur un lit et, constatant des signes de vie, il pratiqua une bonne saignée. Une demi-heure plus tard, l’esclave reprit connaissance et les dames se remettaient de leurs blessures qui n’étaient que superficielles.

L’enquête débuta le jour même, en présence du notaire Jean Le Proust, juge en cette partie, étant donné l’absence de René-Ovide Hertel* de Rouville, lieutenant général civil et criminel. Ce jour-là et les suivants, de nombreux témoins défilèrent devant le tribunal. L’esclave, qui ne parfait que la langue des Outaouais, eut recours à un interprète nommé d’office, l’armurier Joseph Chevalier. D’après la version de l’accusée, les coups furent donnés, non pour tuer, mais pour faire peur seulement ; elle ne pensait point mériter de punition pour avoir maltraité ses maîtresses et, si elle avait voulu se suicider, ce n’était ni par regret ni par crainte.

Le 11 septembre 1759, le juge suppléant déclara l’esclave coupable « d’avoir donné des coups de Couteaux mentionnés en la procédure et ensuite S’être pendue » ; en conséquence, elle serait « battue et fustigée nue de verges par l’Executeur de la haute justice dans les carrefours et Lieux accoutumés de cette ville » ; à l’un des carrefours, elle serait « fletri d’un fer chaud marquée d’une fleur de Lis sur L’Épaule droite », pour être ensuite bannie à perpétuité de la juridiction de Trois-Rivières, après avoir versé une amende de 3#.

Le procureur du roi, Louis-Joseph Godefroy* de Tonnancour, jugeant la sentence trop douce, en appela au Conseil supérieur de la colonie. Celui-ci se réunit à Montréal le 29 décembre suivant et condamna « la dite Marie Sauvagesse à être pendue et étranglée jusqu’à ce que mort s’en suive a une potence qui pour cet effet sera dressée en la place du marché de cette ville » ; il ordonna ensuite « que son corps mort y demeure exposé pendant deux heures » avant d’être jeté à la voirie.

Le procès de cette panisse démontre la sévérité de la justice criminelle en Nouvelle-France ; il indique également que l’esclave et la personne libre comparaissent devant le même tribunal et subissent leur châtiment dans les mêmes conditions.

André Côté

ANQ, NF, Dossiers du Cons. sup., Mat. crim., VI : 397 ; NF, Registres du Cons. sup., registre criminel, 1730–1759, ff.195s.— Trudel, L’esclavage au Canada français.— Gérard Malchelosse, Un procès criminel aux Trois-Rivières en 1759, Cahiers des Dix, XVIII (1953) : 207–226.

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André Côté, « MARIE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/marie_3F.html.

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Auteur de l'article:    André Côté
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1974
Année de la révision:    1974
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