LEVASSEUR, PIERRE-NOËL (baptisé Noël), sculpteur, arpenteur, né à Québec le 28 novembre 1690, fils de Pierre Levasseur, maître menuisier, et de Madeleine Chapeau, décédé le 12 août 1770 et inhumé le jour suivant à Québec.

Pierre-Noël Levasseur se situe dans cette grande famille d’artisans du bois qui a marqué de façon particulière la production artistique canadienne au cours du xviiie siècle. Deux grandes lignées, issues des frères Jean* et Pierre* Levasseur, constituèrent cette dynastie, dont Pierre-Noël Levasseur, petit-fils de Pierre, fut un des principaux représentants. Par ailleurs, la lignée de Jean Levasseur compte des noms aussi célèbres que Noël Levasseur* et ses deux fils, François-Noël Levasseur* et Jean-Baptiste-Antoine Levasseur*, dit Delor.

Nous n’avons retrouvé aucun brevet d’apprentissage dressé au nom de Pierre-Noël Levasseur. On peut supposer qu’il apprit les rudiments de son métier en travaillant soit avec son père, soit avec Noël, un cousin éloigné, qui exerçait déjà le métier de maître sculpteur à Québec lorsque Pierre-Noël atteignit l’âge de l’apprentissage. On sait d’autre part que, vers 1705, l’école des Arts et Métiers de Saint-Joachim connaissait une période féconde sous la direction de l’abbé Louis Soumande*. Il est donc possible que Pierre-Noël ait fait un stage à cette école.

Plusieurs fonds d’archives paroissiales nous fournissent des indications sur la carrière de ce sculpteur. Cependant, ces mentions correspondent trop souvent à des œuvres qui ont été détruites ou déplacées, et il demeure très difficile d’avoir une vue d’ensemble de la production de Levasseur. On sait qu’en 1723 il habitait la région de Montréal car, le 3 mars de cette année, il faisait baptiser son fils Charles à l’église de L’Enfant-Jésus-de-Pointe-aux-Trembles. De plus, les livres de comptes de l’église Sainte-Famille-de-Boucherville nous permettent de situer la première œuvre de Levasseur en 1723. Le 18 juillet de cette même année, il passait devant le notaire Marien Tailhandier* un contrat pour l’exécution d’un retable à l’église de cette paroisse. Peu après, il exécutait à Varennes quelques travaux pour l’église Sainte-Anne, entre autres choses « la Grande porte ».

Levasseur revient dans la région de Québec vers la fin des années 1720. Nous pouvons lui attribuer le retable de la chapelle des ursulines (1730–1736), l’une des œuvres majeures de la sculpture au Canada français. Il s’agit d’un retable à la récollette [V. Juconde Drué*] dont l’esprit a été légèrement altéré lors d’une réfection en 1902. Composé de façon traditionnelle, il est divisé en trois parties séparées par des colonnes corinthiennes : la partie du centre comprend le maître-autel, surmonté du tableau l’Adoration des bergers et d’un édicule terminé par un fronton cintré contenant une statue de saint Joseph tenant l’Enfant Jésus. Aux parties droite et gauche, on distingue les portes de sacristie surmontées de niches contenant des statues de sainte Ursule et de saint Augustin. Tout au sommet, sur l’entablement, deux anges adorateurs font le lien avec la partie centrale du retable. Les cinq sculptures en ronde-bosse sont peut-être de la main de François-Noël Levasseur. Les piédestaux des colonnes et les portes de sacristie sont ornés de reliefs. Ceux-ci sont d’une facture plus maladroite que celle des sculptures en ronde-bosse. Le tabernacle du maître-autel est d’un style beaucoup plus orné que celui de l’Hôpital Général de Québec [V. Noël Levasseur]. C’est une composition architecturale à trois avant-corps ; celui du centre porte un relief représentant le Bon Pasteur. Une chaire ornée d’un abat-voix complète cet ensemble de bois sculpté, doré et peint.

On retrouve le nom de Levasseur le 7 mars 1746 dans les jugements et délibérations du Conseil supérieur à l’occasion d’un procès concernant divers travaux de sculpture effectués sur des navires. Il y est rapporté que « le conseil a réduit et modéré le mémoire du sieur Levasseur à la somme de 1 362 livres pour les travaux faits par lui pour les navires l’Imprévue, Saint-Louis, l’Union, le Centaure, l’Expérience, l’Astrée ». La date de ce procès et les délais nécessaires à la construction de chacun de ces navires nous permettent de situer l’exécution de ces travaux entre 1730 et 1744. Le 31 mai 1737, Levasseur obtint, grâce à sa « capacité et [à son] expérience », une commission d’arpenteur et de mesureur royal et le droit d’exercer cette fonction dans le gouvernement de Québec. Nous ignorons malheureusement tout des activités de Levasseur comme arpenteur. Il est certain toutefois qu’après la Conquête il exerçait toujours ce métier.

Vers 1742, il exécuta des travaux de sculpture pour les fabriques de la région de Québec. Nous retrouvons son nom mentionné en 1742 et 1743 dans les livres de comptes de la paroisse Saint-Charles-de-Charlesbourg, où il sculpta deux statues représentant saint Pierre et saint Paul. La paroisse possède encore ces œuvres, très représentatives de la sculpture traditionnelle québécoise. La ligne courbe, caractéristique importante de l’art baroque, se retrouve avec une certaine vigueur dans le drapé du vêtement et le mouvement des personnages. Il se dégage de ces sculptures une force et une légèreté dignes de la meilleure tradition québécoise. La dernière mention importante que nous connaissions de la production artistique de Levasseur provient du greffe du notaire Jean-Antoine Saillant à Québec. Il s’agit d’un contrat, passé le 29 novembre 1750, qui obligeait Pierre-Noël Levasseur à sculpter et à faire dorer un tabernacle, un retable et un dais pour une confrérie appelée la congrégation de l’Immaculée-Conception de Notre-Dame.

Pierre-Noël Levasseur avait épousé le 7 janvier 1719, à Québec, Marie-Agnes Lajoue, fille de François de Lajoüe*, architecte-entrepreneur et ingénieur. Le contrat de mariage avait été signé devant le notaire Florent de La Cetière* le 21 novembre 1718, dans la même ville. Trois de ses fils perpétuèrent cette lignée de sculpteurs : l’aîné, Pierre-Noël, étudia la sculpture à Rochefort en France ; Charles et Stanislas travaillèrent avec leur père, l’un à l’église de Charlesbourg et l’autre à l’ancienne église de Saint-Vallier.

Michel Cauchon et André Juneau

AJQ, Registre d’état civil, Notre-Dame de Québec, 28 nov. 1690, 13 août 1770.— ANQ, Greffe de Florent de La Cetière, 21 nov. 1718 ; Greffe de J.-A. Saillant, 29 nov. 1750 ; NF, Ord. int., 31 mai 1737 ; NF, Registres du Cons. sup., 7 mars 1746 ; QBC, Cours de justice, Conseil militaire de Québec, 6 juin 1761.— ANQ-M, Greffe de Marien Tailhandier, dit La Beaume, 18 juill. 1723.— Archives paroissiales de Saint-Charles (Charlesbourg, Québec), Livres de comptes, I, 16751749.— Archives paroissiales de Sainte-Anne (Varennes, Québec), Livres de comptes, I, 17251729.— IOA, Dossier Pierre-Noël Levasseur, sculpteur.— Pour servir à l’histoire de la sculpture religieuse au Canada, BRH, XXXIII (1927) : 367s.— Recensement de Québec, 1744 (RAPQ).— Tanguay, Dictionnaire.— Marius Barbeau, Jai vu Québec (Québec, 1957).— Gérard Morisset, Larchitecture en Nouvelle-France (Québec, 1949) ; Coup dœil sur les arts.— Sculpture traditionnelle du Québec (Musée du Québec, Québec, 1967), 64.— Charles Trudelle, Paroisse de Charlesbourg (Québec, 1887).— Marius Barbeau, Les Le Vasseur, maîtres menuisiers, sculpteurs et statuaires (Québec, circa 16481818), Les Archives de Folklore (Québec), III (1948) : 3549.— Gérard Morisset, Pierre-Noël Levasseur (16901770), La Patrie (Montréal), 9 nov. 1952 ; Une dynastie d’artisans : les Levasseur, La Patrie, 8 janv. 1950.

Bibliographie de la version révisée :
Arch. du monastère des ursulines (Québec), MQ/1E/1/9, 4, 4.1 (Marché de construction entre les ursulines et Pierre-Noël Levasseur pour la construction du retable du maitre-autel et de la balustrade, 13 juin 1730).​— Bibliothèque et Arch. nationales du Québec, Centre d’arch. de Québec, CE301-S1, 7 janv. 1719.— F.-M. Gagnon, « Trudel, Jean, Un chef-d’œuvre de l’art ancien du Québec ​[...] [compte rendu] », RHAF, 27 (1973–1974) : 118–119.— Jean Trudel, la Chapelle des ursulines de Québec (Québec, 2005) ; Un chef-dœuvre de lart ancien du Québec : la chapelle des ursulines (Québec, 1972).

Comment écrire la référence bibliographique de cette biographie

Michel Cauchon et André Juneau, « LEVASSEUR, PIERRE-NOËL (baptisé Noël) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/levasseur_pierre_noel_3F.html.

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Auteur de l'article:    Michel Cauchon et André Juneau
Titre de l'article:    LEVASSEUR, PIERRE-NOËL (baptisé Noël)
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1974
Année de la révision:    2019
Date de consultation:    2 déc. 2024