HUNTER-DUVAR, JOHN (John Hunter), journaliste, fermier, homme d’affaires, officier de milice, juge de paix, fonctionnaire et auteur, né le 29 août 1821 à Newburgh, Fifeshire, Écosse, fils aîné de John MacKenzie Hunter, receveur de l’accise, et d’Agnes Strickland ; le 22 août 1848, il épousa à Royal Leamington Spa, Angleterre, Anne Carter, et ils eurent trois fils et une fille ; décédé le 25 janvier 1899 dans son domaine, Hernewood, sur la rivière Mill, lot 5, Île-du-Prince-Édouard.

On sait peu de chose de la jeunesse de John Hunter. Même si ses frères furent de savants ministres de l’Église d’Écosse et si « un condisciple de la Sorbonne » a fait son portrait à l’huile, aucun document n’atteste qu’il ait fréquenté l’université en Écosse ou à Paris. Les antécédents de sa femme sont tout aussi énigmatiques. Les étranges restrictions qu’on lui avait imposées, les allusions à un exil, la rente annuelle que lui versait un cabinet d’avocat, l’interdiction de se faire photographier, la confusion de noms sur le certificat de mariage du couple et une note écrite au crayon à l’endos du testament de John Hunter-Duvar par l’une de ses petites-filles firent supposer que les parents d’Anne Carter n’étaient pas mariés, qu’elle était la cousine de la reine Victoria et qu’elle-même et son mari avaient subi une contrainte quelconque au début de leur mariage. Un journal intime découvert en 1975 confirme la présence de Hunter à Halifax et à Charlottetown en 1849, peut-être à titre de correspondant de presse. Un document daté de 1899 lui attribue la fondation de la première société de construction de Halifax. À l’époque de la guerre de Crimée, il était correspondant de la New York Associated Press.

Le 29 juin 1857, Hunter débarqua à Halifax avec sa famille avant de repartir pour l’Île-du-Prince-Édouard, où il entendait s’installer. Il se rendit dans l’est des États-Unis en 1858, peut-être à la suite des demandes d’emploi qu’il avait faites au New York Daily Tribune, puis retourna dans l’île. Dès 1860, il avait terminé la construction d’une grande maison dans son domaine de 700 acres, Hernewood, où il exploitait une ferme et une petite scierie, enrichissait sa célèbre bibliothèque personnelle et écrivait. C’est de là qu’il administrait toutes ses affaires, notamment des investissements dans les premières tentatives d’installation d’un câble transatlantique [V. Frederic Newton Gisborne], et il paraissait aussi lointain, intimidant et fascinant que son domaine. Toujours en 1860, il s’engagea dans la milice, où il allait servir jusqu’à la fin de ses jours. Pour se distinguer d’une autre personne dont le courrier était souvent confondu avec le sien, il adopta légalement le nom de Hunter-Duvar le 9 avril 1861. Peut-être l’avait-il choisi à cause de ses ancêtres originaires du Var, en France, ou parce qu’il s’intéressait à la poésie provençale.

De 1863 à 1868, pour des raisons encore inconnues, Hunter-Duvar vécut à Halifax avec sa famille. Il passa à l’artillerie de Halifax et on le promut lieutenant-colonel en 1865. Comme la ville était menacée d’une attaque fénienne, il commanda la défense de la redoute York le 17 mars 1866, en l’absence de la garnison régulière. À son retour à l’Île-du-Prince-Edouard, en 1868, le colonel Hunter-Duvar, comme on l’appelait alors, devint juge de paix. De 1875 à 1879, il fut rédacteur en chef du Summerside Progress, qu’il quitta pour exercer la fonction d’inspecteur fédéral des pêcheries de l’Île-du-Prince-Édouard jusqu’en 1889. À ce titre, il apporta une précieuse contribution à un secteur qui prenait de plus en plus d’importance dans l’économie de l’île.

La nomination de Hunter-Duvar coïncida avec le moment où débuta l’essor de l’industrie de la conserverie du homard dans l’île : les réserves de la Nouvelle-Angleterre diminuaient, des investisseurs étaient prêts à risquer du capital dans cette industrie, et les techniques de mise en conserve se répandaient. Les entrepreneurs s’empressèrent tellement de profiter de ce nouveau débouché que les revenus de la pêche, jusque-là mineurs dans l’île, montèrent en flèche. De 218 000 $ en 1873, ils passèrent à 2 millions de dollars en 1883, somme qui ne serait atteinte de nouveau qu’après la Deuxième Guerre mondiale. La moyenne annuelle était d’un million de dollars, et le homard comptait environ pour la moitié. Comme la pêche au homard s’était intensifiée dans les années 1800, Hunter-Duvar fut l’un des premiers à préconiser, avec éloquence, la conservation de cette ressource grace à une réglementation plus sévère. Il était convaincu que la surexploitation avait déjà ruiné l’industrie ou ne tarderait pas à le faire. Il recommandait notamment d’obliger les conserveries à avoir un permis, d’augmenter la taille minimale des prises autorisées, d’écourter la saison et d’imposer un moratoire de trois ans sur la pêche au homard. D’abord opposées à l’idée de prendre des mesures draconiennes, les autorités entreprirent de réglementer pour de bon l’industrie en 1889. Parmi les recommandations de Hunter-Duvar, seul le moratoire ne fut pas appliqué sous une forme ou une autre.

Toutefois, Hunter-Duvar était moins journaliste et fonctionnaire qu’écrivain. Dans les années 1870, il commença à publier des poèmes dans des journaux locaux, tels le Maritime Monthly de Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, et le Dominion Illustrated de Montréal. À sa mort, son œuvre était considérable. Ses ouvrages connus comprennent 75 publications – poèmes, pièces de théâtre, nouvelles, recensions et essais – plus 44 inédits, dont des romans et de longs ouvrages d’histoire, d’anthropologie et de critique littéraire.

La renommée d’écrivain de Hunter-Duvar repose principalement sur trois de ses ouvrages les plus longs : The enamorado ; a drama, paru à Summerside en 1879, De Roberval ; a drama, publié à Saint-Jean en 1888, qui contient un poème intitulé The emigration of the fairies, et Annals of the court of Oberon [...], édité à Londres en 1895. Bien que The enamorado n’ait pas été son premier ouvrage de quelque longueur (« John a’Var, gentilhomme et troubadour, his lais » était entre les mains d’un éditeur d’East Boston en 1874 et, s’il ne fut pas publié, au moins circula-t-il dans des cercles privés), c’est le premier qui lui assura un vaste public. Œuvre conçue pour la lecture plutôt que pour la scène, The enamorado raconte une histoire d’amour qui se situe dans la Castille médiévale. Le plan en est conventionnel et les vers, pseudo-shakespeariens. La pièce aurait connu plus de succès si l’intrigue, les personnages et les tournures de phrases avaient moins imité ceux des dramaturges élisabéthains. De Roberval, drame historique basé sur la vie de Jean-François de La Rocque* de Roberval, contient des passages d’une étonnante qualité poétique et des morceaux nerveux mais pleins de grâce. Cependant, l’auteur s’y montre trop soucieux d’être au goût du jour et de respecter les modèles européens, et l’ensemble manque de retenue. On compare souvent cette pièce au drame historique de Charles Mair*, Tecumseh, a drama, publié à Toronto en 1886. Dans De Roberval, les éléments historiques s’intègrent mieux à la personnalité du sujet ; c’est une pièce agréable, tant à cause de ses moments artistiques que par sa restitution érudite d’un épisode important de l’histoire du Canada. The emigration of the fairies est l’œuvre dans laquelle Hunter-Duvar montre son talent de la manière la plus soutenue. Ce poème, où des fées traversent l’Atlantique et s’installent à Hernewood, s’inspire peut-être d’expériences vécues par l’auteur et sa femme. Il y a équilibre entre le ton, l’intention et l’exécution, si bien que c’est peut-être l’œuvre dans laquelle Hunter-Duvar a assimilé le mieux ses influences, notamment celles de lord Byron et de Samuel Taylor Coleridge, et a su montrer quelque fraîcheur. Même si Annals of the court of Oberon, œuvre en prose poétique, n’a pas été conçu comme une suite à The Emigration, il vise tout de même à charmer le lecteur raffiné en décrivant de manière fantasque les activités des fées et révèle en même temps les vues satiriques de l’auteur sur diverses institutions sociales et politiques.

John Hunter-Duvar occupe encore une place modeste dans la littérature canadienne. On ne le retrouve que dans les premières pages rapidement parcourues des anthologies et dans les mentions honorables des cours d’introduction, ou l’on s’intéresse à lui si l’on est amateur d’archives. Contemporain de Charles George Douglas Roberts*, d’Archibald Lampman et d’autres artisans incontestés de la renaissance littéraire des années 1880, il s’apparente davantage aux prédécesseurs de ce groupe, auteurs livresques et moins originaux, tels Charles Heavysege*, Charles Sangster et Charles Mair. En somme, cet homme cultivé, gentleman colonial et fonctionnaire, a laissé beaucoup plus d’œuvres qui illustrent son talent et sa compétence qu’on ne le croit d’ordinaire ; bien qu’imitatives pour la plupart, elles contiennent néanmoins des passages subtils et originaux.

Stephen C. Campbell

Les principales publications de John Hunter-Duvar comprennent The enamorado ; a drama (Summerside, Î.-P.-É., 1879) ; De Roberval, a drama [...] (Saint-Jean, N.-B., 1888), qui renferme les poèmes The emigration of the fairies et The triumph of constancy, a romaunt ; The stone, bronze, and iron ages ; a popular treatise on early archæology (Londres, 1892) ; et Annals of the court of Oberon ; extracted from the records [...] (Londres, [1895]). Même si les épreuves d’extraits de « John a’Var, gentilhomme et troubadour, his lais » furent découvertes dans ses papiers, on en n’a jamais trouvé de copie imprimée. Dans son autobiographie (voir ci-dessous), Hunter-Duvar mentionne que l’œuvre a été « publiée [...] pour diffusion privée ».

Une liste partielle du contenu de la bibliothèque de Hunter-Duvar ainsi que la bibliographie la plus complète de ses travaux publiés et inédits se trouvent dans S. [C.] Campbell, « John Hunter-Duvar : a biographical introduction, check-list of his works and selected bibliography » (thèse de m.a., Univ. of N.B., Fredericton, 1966). La thèse s’appuie sur une collection des manuscrits, des lettres et d’autres documents du poète, maintenant conservés aux PAPEI, Acc. 2920. La Hunter-Duvar coll. au Musée McCord, Canadian général files, est constituée de 10 articles liés au sujet, notamment d’une brève autobiographie rédigée en 1895, dans laquelle il déclare qu’il a « [fait] de la littérature plutôt par plaisir que par profession ».

[P. J.] M. Blagrave, dans « Playwriting in the Maritime provinces : 1845–1903 » (thèse de ph.d., Univ. of Toronto, 1983), situe l’œuvre de Hunter-Duvar dans le contexte de celles d’autres auteurs des Maritimes et analyse cinq de ses pièces. La thèse condamne « le traitement négligé jugé insatisfaisant pour un auteur de la stature de Hunter-Duvar » et cite dans ce contexte L. J. Burpee, A little book of Canadian essays (Toronto, 1909), et M. D. Edwards, A stage in our past, English-language theatre in eastern Canada from the 1790s to 1914 ([Toronto], 1968). L’ouvrage Hernewood ; the personal diary of Col. John Hunter Duvar, June 6 to September 17, 1857 [...], L. G. Dewar, édit. (O’Leary, Î.-P.-É., 1979), renferme un compte rendu utile des gens et des lieux cités dans le journal de Hunter-Duvar.

L’auteur est redevable à G. Edward MacDonald pour sa contribution à la discussion du travail de Hunter-Duvar comme inspecteur des pêcheries de l’Île-du-Prince-Édouard. Les rapports annuels qu’il rédigea à ce titre en 1879, et de 1882 à 1888, ont été publiés dans Canada, Parl., Sessional papers, 1880 ; 1883–1889. William Francis Ganong*, auteur contemporain sur l’industrie de la pêche, a loué la connaissance qu’avait Hunter-Duvar des problèmes de cette industrie dans son article « The economic mollusca of Acadia », N.-B., Natural Hist. Soc., Bull. (Saint-Jean), 8 (1889) : 58–59.  [s. c. c.]

AN, MG 29, D30.— Musée McCord, M21411, file no 5064.— P.E.I. Museum, File information concerning John Hunter-Duvar.— Univ. of P.E.I. Library (Charlottetown), File information concerning John Hunter-Duvar.— J. A. Payzant, « John Hunter-Duvar », Dominion Illustrated (Montréal), 23 août 1890.— Daily Patriot (Charlottetown), 26, 28 janv., 3 févr. 1899.— Island Guardian, 27 janv., 17 févr. 1899.— Oxford companion to Canadian hist. and lit. (Story).— Oxford companion to Canadian lit. (Toye).— Standard dict. of Canadian biog. (Roberts et Tunnell), 2.— Lit. hist. of Canada (Klinck), 1.— W. L. Cotton, Chapters in our Island story (Charlottetown, 1927).— Kennedy Wells, The fishery of Prince Edward Island (Charlottetown, 1986), 131–149.— J. M. Cameron, « Fenian times in Nova Scotia », N.S. Hist. Soc., Coll., 37 (1970) : 103–152.

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Stephen C. Campbell, « HUNTER-DUVAR, JOHN (John Hunter) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/hunter_duvar_john_12F.html.

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Auteur de l'article:    Stephen C. Campbell
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1990
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