HARRISS, CHARLES ALBERT EDWIN, musicien, imprésario et éducateur, né à minuit dans la nuit du 16 au 17 décembre 1862 à Londres, fils d’Edwin Harriss, organiste, maître de chapelle et organisateur de concerts, et d’Elizabeth Duff ; le 15 septembre 1897, il épousa à Cobourg, Ontario, Ella Frances Shoenberger, née Beatty (décédée en 1924), fille du docteur John Beatty, ancien professeur au Victoria College de cette ville, et ils n’eurent pas d’enfants ; décédé le 31 juillet 1929 à Ottawa et inhumé à Cobourg.

Impérialiste fervent et engagé, Charles Albert Edwin Harriss s’employa toute sa vie à instaurer au Canada et dans d’autres parties de l’Empire le degré d’excellence que la musique avait atteint en Grande-Bretagne. Grâce à sa faculté de persuasion, à son enthousiasme, à ses qualités d’organisateur et à ses multiples talents musicaux, et grâce à son ambition, à ses visées grandioses et à sa position sociale, la plupart de ses projets se concrétisèrent.

Harriss apprit d’abord la musique auprès de son père, puis, au début ou au milieu des années 1870, il fut formé dans la tradition des cathédrales anglaises au St Michael’s College de Tenbury à titre de boursier Ouseley. Après une première affectation de maître de chapelle à l’église St John de Wrexham, au pays de Galles, il fut l’apprenti de Frederick Davis, de Reading, près de Londres, puis devint en 1880 organiste de paroisse dans une autre localité galloise, Welshpool. Lorsque Susan Agnes Bernard*, la femme du premier ministre du Canada, sir John Alexander Macdonald*, demanda à l’éminent musicien britannique sir Frederick Arthur Gore Ouseley de trouver un organiste pour l’église St Alban the Martyr d’Ottawa, Harriss passa une audition. Il obtint le poste et arriva à Ottawa en décembre 1882. L’année suivante, il s’installa à Montréal pour exercer les fonctions d’organiste et de maître de chapelle à la cathédrale Christ Church, où il resta jusqu’en 1886. Ensuite, jusqu’en 1894, à la suite de son père, il occupa les mêmes postes dans une autre église montréalaise, St James the Apostle. Pendant le séjour de son père à Montréal, de 1883 à 1885, tous deux se produisirent ensemble en récital, donnèrent des cours privés, dirigèrent des chorales et organisèrent des concerts.

De 1890 environ à 1898, Harriss représenta au Canada le grand imprésario européen Nicholas Vert, dont le bureau se trouvait à Londres. À ce titre, il organisa des tournées nord-américaines pour divers artistes, notamment sir Charles Santley en 1891 et Emma Albani [Lajeunesse] en 1896. Au cours de cette période, il composa surtout des pièces de musique religieuse et de musique légère – qui furent publiées par de grandes compagnies canadiennes, anglaises et américaines – et deux grandes œuvres pour une voix, chœur et orchestre, soit une cantate sacrée à caractère dramatique, Daniel before the king, et Torquil, pièce inspirée d’une légende scandinave. Écrite en 1884 et publiée par la maison américaine G. Schirmer en 1890, la cantate Daniel before the king fut présentée en première le 18 avril 1890 par la Société philharmonique de Montréal sous la direction de Guillaume Couture*. La deuxième œuvre, Torquil, publiée en 1896 sous forme de partition pour piano et voix par l’éditeur torontois Whaley, Royce and Company Limited, fut jouée pour la première fois le 22 mai 1900 au Massey Music Hall de Toronto par le Festival Chorus de Frederick Herbert Torrington*, accompagné du Boston Festival Orchestra. On remarque, dans les grandes œuvres chorales de Harriss, des influences de la tradition de l’oratorio et de compositeurs tels Mendelssohn et Wagner.

Harriss pouvait d’autant plus aisément se consacrer à la production d’œuvres d’envergure qu’il avait épousé en 1897 Ella Beatty, veuve d’un riche manufacturier de l’Ohio, George K. Shoenberger. Elle l’aidait à trouver des mécènes et à rassembler le capital nécessaire à la réalisation de ses nombreux projets. En 1900, elle acheta pour la somme de 15 000 $ la résidence de lady Macdonald à Ottawa, Earnscliffe. Bien qu’elle ait rénové la maison à grands frais, elle conserva dans plusieurs pièces l’ambiance qui y régnait du temps des Macdonald. Elle dirigeait plusieurs sociétés musicales au Canada. Les Harriss comptaient beaucoup d’amis influents, dont lady Minto, la femme du gouverneur général lord Minto [Elliot*]. Durant plus de 20 ans, lady Minto correspondit régulièrement avec Harriss, qui lui dédia sa Festival mass. À la première de cette œuvre, à la basilique Notre-Dame d’Ottawa en 1902, Éva Gauthier*, alors âgée de 16 ans, figurait parmi les solistes.

En 1903, Harriss fut nommé, par la McGill University, directeur honoraire d’un réseau de centres d’examens de musique mis en place par l’université en collaboration avec l’Associated Board of the Royal Schools of Music de Londres. Cette nomination le conduisit l’année suivante à la direction du McGill Conservatorium of Music ; il était le premier à occuper ce poste et le conserverait jusqu’en 1907. Harriss voulait établir au Canada, en matière de formation et d’examens musicaux, les mêmes critères qu’en Grande-Bretagne. Son principal objectif était de promouvoir les échanges musicaux au sein de l’Empire. Bon nombre de professeurs canadiens de musique déploraient qu’il n’y ait pas de contrepartie à l’intervention de l’Associated Board, mais les examens de cet organisme furent instaurés avec succès en dépit de leurs protestations.

L’organisation de concerts et la direction de représentations musicales s’inscrivaient aussi dans la mission que s’était donnée Harriss. Il planifia le Cycle of Music Festivals of the Dominion of Canada, qui présenta dans 15 villes canadiennes, sous la direction de sir Alexander Campbell Mackenzie, un répertoire choral et orchestral britannique exécuté par des chœurs. En 1905, notamment grâce au parrainage de Mackenzie, il devint le premier musicien d’une colonie à obtenir le doctorat en musique de Lambeth, conféré par l’archevêque de Cantorbéry. L’année suivante, il mit sur pied une chorale à Montréal, la Philharmonic Union, qui interpréta avec le Pittsburgh Orchestra son « idylle pour chœur » intitulée Pan et présenta en 1907 la première de sa ballade The sands of Dee. Au cours de ces années, Harriss organisa des représentations en Angleterre. La chose commença à Londres en 1906 par le Canadian Music Festival, à l’occasion duquel eut lieu une représentation de Pan avec Pauline Donalda [Lightstone*], et se poursuivit en 1907 avec les Empire Day Concerts, dans la même ville. En 1908, toujours à Londres, Harriss dirigea sa deuxième messe, Coronation mass Edward VII (créée en 1903 à Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick) ; elle fut exécutée par le Sheffield Choir et le London Symphony Orchestra, et Éva Gauthier comptait encore une fois parmi les solistes. Toujours en 1908, Harriss organisa les tournées canadiennes de sir John Frederick Bridge et du Sheffield Choir sous la direction de Henry Coward. La dernière tournée canadienne dont il s’occuperait, en 1922, serait celle de His Majesty’s Scots Guard Band. En 1909, il avait réuni à Londres un chœur de 4 500 voix, l’Imperial Choir. Ce groupe forma la base de la gigantesque chorale de 10 000 voix qui prit part à l’Empire Day Concert en 1911 et aux célébrations de la paix à Hyde Park en 1919. En outre, Harriss planifia le Musical Festival of the Empire, tournée musicale de l’Australie, de la Nouvelle-Zélande, de l’Afrique du Sud, du Canada et des États-Unis qui eut lieu en 1911. Deux ans plus tard, il emmena 2 000 membres de l’Imperial Choir se produire à l’Exposition internationale de Gand, en Belgique. En 1924, il assura la direction musicale à la British Empire Exhibition de Wembley ; ce fut sa dernière affectation importante. Chose étrange, il refusa le titre de chevalier qui lui fut offert pour services rendus à l’Empire.

Inlassablement, Charles Albert Edwin Harriss promut le resserrement des liens culturels entre la Grande-Bretagne et ses colonies. Selon le musicologue anglais Percy Alfred Scholes, c’était « un véritable Napoléon de la musique – toujours engagé quelque part dans une campagne sonore au service de la terre ». La presse parlait régulièrement de ses compositions, de ses récitals et de ses projets. Jouant son rôle de personnage public avec extravagance, il créa, organisa et anima des institutions musicales et des programmes de concert dans l’ensemble du Canada et à l’étranger. Il composa avec talent dans le goût de l’époque. Bien que ses œuvres ne lui aient pas survécu, elles furent publiées et probablement jouées davantage que celles de la plupart de ses contemporains canadiens.

Nadia Turbide

Environ la moitié des 125 compositions connues de Charles Albert Edwin Harriss n’ont pas été retrouvées, dont deux de ses œuvres principales : The admiral, opéra comique composé vers 1902, et Canadian fantasie, pièce pour chœur et orchestre présentée pour la première fois à Ottawa en 1904. Les œuvres de Harriss sont répertoriées en détail dans l’annexe de notre mémoire de m.a. La majeure partie de ses manuscrits musicaux ainsi que sa correspondance, le premier chapitre de son autobiographie (texte dactylographié), des programmes et d’autres documents sont conservés aux MUA, MG 3021. La Bibliothèque nationale du Canada (Ottawa), Div. de la musique, MUS 11, possède 13 volumes contenant des compositions, des programmes imprimés, des albums et divers articles. Les AN (MG 30, D15) ont de la correspondance, des programmes et des dépliants. On trouve l’analyse la plus complète des compositions de Harriss dans John Beckwith, « Choral music in Montreal circa 1900 : three composers », Univ. of Toronto Quarterly, 63 (1994) : 504–517. [n. t.]

« Dr. Charles Harriss », Musical Times (Londres), 50 (1909) : 225–229.— Encyclopédie de la musique au Canada (Kallmann et al.) .— A. C. Mackenzie, A musician’s narrative (Londres, [1927]).— Musical Canada (Toronto), nov. 1908.— The musical red book of Montreal [...], B. K. Sandwell, édit. (Montréal, 1907).— Le Patrimoine musical canadien, Elaine Keillor et al., édit. (23 vol. (18 tomes) parus, Ottawa, 1983–    ).— Tancrède Trudel, « Charles A. E. Harriss », le Canada artistique (Montréal), 1, no 12 (déc. 1890) : 193s.— Nadia Turbide, « Charles Albert Edwin Harriss : the McGill years » (mémoire de m.a., McGill Univ., 1976).

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Nadia Turbide, « HARRISS, CHARLES ALBERT EDWIN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/harriss_charles_albert_edwin_15F.html.

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Auteur de l'article:    Nadia Turbide
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2005
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