HARRINGTON, JOANNA, dite sœur Mary Benedicta, supérieure des Sisters of Charity of Halifax, enseignante, née le 15 août 1845 à Chatham, Nouveau-Brunswick, fille de John Harrington et d’Elizabeth O’Keefe ; décédée le 12 février 1895 à Halifax.

En 1864, les Sisters of Charity of Halifax, communauté fondée en 1849 par Rosanna McCann*, dite sœur Mary Basilia, ouvrirent des écoles à Bathurst et à Newcastle, au Nouveau-Brunswick. Plusieurs jeunes filles de cette province ne tardèrent pas à demander leur admission au sein de la communauté de Halifax ; Joanna Harrington, qui était du nombre, y entra le 19 mars 1865. Admise au noviciat trois mois plus tard, elle prit le nom de Mary Benedicta et commença à se préparer à une carrière d’enseignante. En octobre, mère Mary Joséphine Carroll, alors supérieure de la congrégation, écrivait à Mgr James Rogers*, évêque de Chatham, au sujet des candidates de son diocèse : « Je suis très contente d’elles. Elles manifestent d’excellentes dispositions. »

En 1867, après avoir été admise à prononcer ses vœux, sœur Mary Benedicta fut affectée à son premier poste d’enseignante à l’école de la rue Russell située à l’extrémité nord de Halifax. De 1868 à 1870, elle fit la classe à 47 fillettes de deuxième année à l’école St Mary. Titulaire d’une licence de deuxième catégorie, elle touchait un salaire annuel de 240 $. À l’automne de 1870, elle retourna à l’école de la rue Russell pour remplacer sœur Mary Elizabeth O’Neill, élue supérieure au cours de l’année. En 1868, on avait ouvert un petit couvent dans la paroisse St Joseph pour loger les sœurs enseignantes de l’école de la rue Russell ainsi qu’un certain nombre d’orphelins. Comme l’espace de logement était limité, sœur Mary Benedicta vécut en contact étroit avec ces derniers ; c’est là qu’elle s’initia au travail qui allait devenir sa grande passion.

De 1876 à 1882, soit entre le décès de l’archevêque Thomas Louis Connolly* et celui de son successeur, Michael Hannan*, les Sisters of Charity vécurent des moments particulièrement difficiles. Une querelle opposa Mgr Hannan et la supérieure du temps, mère Mary Francis [Mary Ann Maguire*], deux fortes personnalités, au sujet de l’autorité de l’archevêque sur la congrégation. Nulle part les effets de cette querelle ne se firent-ils sentir davantage qu’au St Anne’s Convent d’Eel Brook (Sainte-Anne-du-Ruisseau) où sœur Mary Benedicta était enseignante et supérieure en 1878. En cette période qualifiée de « persécution » dans les annales du couvent, elle remplit ses fonctions avec courage et prudence. Malgré l’excès de zèle du curé de l’endroit, Eugène d’Hommé, qui cherchait à discréditer les sœurs et poussait même ses paroissiens à les boycotter ainsi que leur école, on ne retira aucun enfant de l’établissement. En 1879, probablement sur le conseil de leur avocat, John Sparrow David Thompson, les sœurs soumirent l’affaire à Rome. Le pape Léon XIII leur donna gain de cause le 30 avril 1880, mais ce conflit avait miné la santé de mère Mary Francis et, en juin 1881, à une élection organisée d’urgence, on désigna sœur Mary Benedicta pour lui succéder.

À titre de supérieure de sa congrégation à une période critique de son histoire, mère Mary Benedicta servit la communauté et l’Église avec grand désintéressement. Les documents de l’époque n’indiquent pas qu’elle avait un talent extraordinaire pour l’administration ni qu’elle aspirait à la puissance ou au prestige mais, sous son autorité, la communauté vécut des années paisibles et fructueuses. Même si 13 sœurs, sur un total d’environ 60, avaient quitté la communauté à l’époque difficile que celle-ci avait connue, mère Mary Benedicta ouvrit de nouvelles missions en Nouvelle-Écosse, à Lourdes et à North Sydney ; elle fit également les premières démarches qui conduisirent à l’ouverture de la St Patrick’s Girls’ High School de Halifax, en 1884. Elle entreprit aussi un agrandissement de la maison mère, le Mount St Vincent, qui doubla ses dimensions originales.

En 1884, mère Mary Benedicta refusa un second mandat comme supérieure de la congrégation. Elle accepta plutôt le poste de supérieure du St Patrick’s Convent de Halifax. Lorsque les sœurs emménagèrent dans un bâtiment plus vaste, en 1888, on transforma l’ancien couvent en refuge pour les mères célibataires et leurs enfants. Mère Mary Benedicta devint la première supérieure de cette maison qu’on appela le Home of the Guardian Angel. Elle dirigea l’établissement pendant ses premières années d’existence, marquées par un grand dénuement. Cet apostolat, son dernier, lui procura beaucoup de satisfaction. Comme elle était d’un naturel compatissant et d’une cordialité délicate et généreuse, le travail qu’elle y accomplit, dans la véritable tradition de saint Vincent de Paul, son patron, porta beaucoup de fruits.

En 1894, on transféra le refuge dans une résidence plus spacieuse, mais le déménagement et la réorganisation furent trop durs pour la frêle constitution de mère Mary Benedicta. Au mois de février 1895, elle mourut au Home of the Guardian Angel. L’Acadian Recorder rapporta qu’à ses funérailles, qui eurent lieu à l’église St Patrick, « l’église était remplie de sœurs de sa communauté qui pleur[aient] la mort de cette vraie fille de saint Vincent de Paul qui n’[avait] aucunement recherch[é] les louanges, mais dont les actes de charité laisser[aient] des souvenirs vivaces dans les cœurs de tous ceux qui l’[avaient] connue ». Au sein de la congrégation des Sisters of Charity of Halifax, on vénère mère Mary Benedicta à cause de l’esprit de conciliation dont elle fit preuve avant tout, à un moment où sa communauté en avait grand besoin.

Margaret Flahiff

Arch. de l’évêché de Bathurst (Bathurst, N.-B.), Arch. of the former diocese of Chatham, N.-B., reg. of baptisms, 1845 ; Group II/2 (Rogers papers), Mère Josephine à l’évêque Rogers, 19 oct. 1865 (transcriptions aux Sisters of Charity of Saint Vincent de Paul Arch., Halifax). — Archivio della Propaganda Fide (Rome), Lettere, decreti e biglietti, 375 : fo 463 ; 376 : fo 234 ; Scritturi riferite nei Congressi, America settentrionale, 21 : fos 767–770 ; 22 : fos 164–180, 425 (copies aux Sisters of Charity of Saint Vincent de Paul Arch.). — PANS, RG 14, 31, school commissioners’ records, 1867–1870. — Sisters of Charity of Saint Vincent de Paul Arch., Annals, Holy Family Convent (West Bathurst, N.-B.), « History », 1–2 ; Sacred Heart Convent (Bathurst), « History », 2 ; Sainte-Anne-du-Ruisseau Convent (Eel Brook [Ste Anne du Ruisseau, N.-É.]) ; St Joseph Convent (Halifax) ; St Patrick’s Convent (Halifax) ; Biog. records of professed sisters, 1859–1951 : 18. — Acadian Recorder, 16 févr. 1895. — Morning Chronicle (Halifax), 22 août 1883. — J. B. Hanington, Every popish person : the story of Roman Catholicism in Nova Scotia and the church of Halifax, 1604–1984 (Halifax, 1984). — Marguerite Jean, Évolution des communautés religieuses de femmes au Canada de 1639 à nos jours (Montréal, 1977). — [M. A. McCarthy, dite] sœur Francis d’Assisi, A valiant mother, Mother M. Francis Maguire, 1832–1905 ; a selfless mother, Mother M. Benedicta Harrington, 1845–1895 (Halifax, 1971). — [Mary Power, dite] sœur Maura, The Sisters of Charity, Halifax (Toronto, 1956).

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Margaret Flahiff, « HARRINGTON, JOANNA, dite sœur Mary Benedicta », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 22 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/harrington_joanna_12F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
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